La majorité des quelque 5,2 millions de personnes sous traitement antirétroviral (ARV) dans le monde reçoivent des versions génériques fabriquées principalement en Inde, mais la législation sur le commerce et les droits de propriété intellectuelle, de plus en plus restrictive, pourrait entraîner la fermeture de « la pharmacie du monde en développement ».
Alors que les brevets de nombreux médicaments anciens de première ligne ont expiré, offrant la possibilité aux fabricants génériques de les produire librement, les traitements plus récents, moins nocifs et plus efficaces sont protégés par des brevets et vendus à des prix inabordables pour les nations les moins développées.
Le principal moyen, pour les fabricants de génériques, de pouvoir produire des médicaments plus récents est d'obtenir une « licence volontaire » du détenteur du brevet. Cette licence définit généralement des critères qualité et détermine les marchés sur lesquels le fabricant est autorisé à vendre son produit. Par exemple, le géant pharmaceutique Gilead a autorisé la firme sud-africaine Aspen Pharmacare à produire et distribuer des versions génériques et brevetées du Tenofovir, l'un des ARV de première ligne les plus récents.
Malgré tout, les activistes de la société civile estiment que les licences volontaires font pencher la balance en faveur des détenteurs de brevets. « C'est un moyen de contrôler la compétition sur les génériques en créant une dépendance vis-à-vis des compagnies innovatrices », a dit Manmohan Amonkar, de l'unité VIH de l'India's lawyers collective (Collectif des avocats indiens), lors de la récente conférence internationale sur le sida à Vienne, en Autriche, en juillet.
Les Etats-Unis et l'Union européenne ont été accusés de faire pression sur les pays pour instaurer des règlements très stricts en matière de propriété intellectuelle.
« Special 301 »
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« Les Etats-Unis utilisent des menaces commerciales pour forcer les pays à adopter des lois sur la propriété intellectuelle, qui feront augmenter le prix des médicaments », a dit à IRIN/PlusNews Matthew Kavanagh, directeur du plaidoyer américain pour l'organisation non gouvernementale (ONG) Health global access project (GAP). « En hypothéquant les génériques, particulièrement ceux d'Inde, ils mettent concrètement en danger des millions de vies ».
« Special 301 », un processus annuel mené par le Bureau du représentant du commerce américain, a placé plusieurs pays, y compris l'Inde, sur une liste « à surveiller en priorité » pour avoir échoué à faire respecter les droits sur la propriété intellectuelle. D'après M. Kavanagh, il s'agit d'un « avertissement de sanctions commerciales imminentes » à l'encontre d'un pays, pouvant toucher ses exportations vers les Etats-Unis.
Health GAP s'est récemment joint à plusieurs ONG pour déposer une plainte officielle, auprès du rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à la santé, sur l'utilisation du Special 301, affirmant qu'il s'agissait d'une « violation du droit international à la santé ».
ADPIC+
L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, ou TRIPS en anglais), conçu par l'Organisation mondiale du commerce, contient des normes minimales de protection de la propriété intellectuelle dans le domaine pharmaceutique, mais s'adapte aussi aux pays en développement. Par exemple, il donne aux pays le droit, dans des situations spécifiques telles qu'une urgence de santé publique, d'émettre des licences obligatoires - une autorisation délivrée par un gouvernement à un tiers pour produire une invention brevetée sans la permission du détenteur du brevet.
A travers les Accords de libre échange (FTA en anglais), les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) peuvent contourner les accords ADPIC en instaurant des clauses qui, par exemple, limitent les circonstances dans lesquelles les licences obligatoires peuvent être émises ou prolongent la durée de vie des brevets au-delà de 20 ans - une pratique connue sous le nom d'ADPIC+.
L'une des principales inquiétudes porte sur des négociations entre l'Inde et l'UE autour d'un accord connu sous le nom de « Broad-based Trade and Investment Agreement », négociations qui doivent prendre fin en décembre 2010. Les activistes craignent qu'un tel accord n'impose des conditions identiques à l'ADPIC+ sur la fabrication et l'exportation de médicaments génériques indiens.
« Se détourner de la compétition sur les génériques mettrait le pouvoir de fixation des prix entre les mains des 'géants pharmaceutiques' et rendrait à nouveau les ARV inabordables », a dit Gilles Van Cutsem, coordinateur de projet pour Médecins sans frontières dans le township de Khayelitsha, en Afrique du Sud.
Les efforts déployés pour réduire l'impact des ADPIC+ ont principalement consisté à négocier avec les industries pharmaceutiques, bon nombre d'entre elles étant prêtes à instaurer des dispositions spéciales pour que les versions génériques de leurs médicaments puissent être produites dans les pays pauvres.
La communauté de brevets
L'espoir est qu'une nouvelle 'communauté de brevets' ('patent pool', en anglais), au sein de laquelle les détenteurs de brevets mettraient leurs brevets pour permettre à des fabricants de génériques de les produire moyennant le paiement de droits d'auteur, puisse contribuer à faire baisser les prix des médicaments vitaux. UNITAID, le mécanisme international de financement, qui gère la communauté de brevets, a déjà négocié une réduction de deux-tiers du prix de formules ARV pédiatriques.
« Si nous parvenons à faire sortir [cette communauté de brevets] de terre, nous pourrons résoudre beaucoup, beaucoup de problèmes », a dit Ellen 't Hoen, conseillère de l'UNITAID pour la propriété intellectuelle et les communautés de brevets sur les médicaments, à Vienne.
Elle a néanmoins prévenu que cela impliquait la poursuite d'un fort engagement financier en faveur de la lutte contre le VIH, dans la mesure où même des médicaments à moindre coût avaient besoin d'un marché sûr.
Alors que la communauté de brevet est encore une coquille vide pour l'instant, Mme Hoen a dit que l'UNITAID était en discussion avec plusieurs concepteurs de médicaments, y compris les instituts nationaux de la santé aux Etats-Unis, Tibotec, Gilead et Merck, tous ayant montré « un intérêt considérable ».
« L'accès au traitement est un droit humain fondamental ; cela nous oblige tous à faire tout ce que nous pouvons pour que cela se concrétise, ici, et maintenant », a-t-elle dit.
Source: http://allafrica.com
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