Entre le manque de production, la quasi-inexistence de distributeur et la fermeture des salles, le secteur du cinéma est sérieusement menacé au Sénégal, au Mali et même au Burkina Faso, malgré la résistance de certains acteurs à travers des festivals et réseaux.
Ce sentiment était le plus partagé par les participants au Festival Image et Vie en juillet dernier à Dakar.
Au Sénégal, elles sont plus d'une vingtaine de salles de cinéma qui ont fermé leurs portes. Ces salles qui ont marqué des générations de cinéphiles sont aujourd'hui transformées les unes en centre commercial, les autres en boîte de nuit.
Cette fermeture des salles de cinéma s'explique, selon Khalilou Ndiaye, distributeur et exploitant de salle, par la privatisation du secteur dans les années 1990.
"Avec les ajustements structurels, les salles sont vendues à des privés sans mesures d'accompagnement. Une société de distribution a été montée à la va-vite avant de faire faillite un an après. Du coup, les circuits ne sont plus approvisionnés... C' est tout cela qui a empoissonné l'environnement", a-t-il expliqué.
Le bouquet final, poursuit Khalilou Ndiaye, "c'était la vente des salles qui se trouvaient au centre ville, alors que la télévision et la vidéo prenaient leur essor.
Le Mali souffre aussi de la fermeture des salles de cinéma sauf qu'ici, "les salles ne sont fermées pas par manque de clients, mais par manque de films", précise le Malien Ibrahima Kane exploitant de salle à Bamako.
Selon M. Kane, les salles ferment du fait que les exploitants n' ont pas les moyens de se procurer de matériels de diffusion numérique. Ils projettent, dit-il, "s'il n'y a pas de films en 35 mm, il y a pas de projection. Or les films qu'ils (exploitants) sont en 35 mm sont commercialement morts car plusieurs fois visionnés". Ce blocage s'explique aussi, selon le distributeur malien Sanon Sanogo, par l'absence de distributeur sur le marché malien.
"Il n'y a pas aujourd'hui de distributeurs sur le marché à par Samba Diakhité qui distribue à la TV. Personne ne nous fourni un film et l'informel a atteint un niveau tel qu'au Mali les gens achètent des cassettes DVD sur le marché" pour les diffuser et gagner de l'argent. Résultats : la piraterie a envahi tous les domaines du secteur, confient les acteurs Maliens.
"Les exploitants qui n'ont pas de moyens, n'ayant pas un distributeur qui leur fournit un produit à la base, se tournent vers le marché local", informe Sanon Sanogo.
Vitrine du cinéma africain avec son festival phare, le Fespaco, le Burkina ne fait pas exception à la règle. Même s'il ne connait pas comme le Sénégal et le Mali, la fermeture des salles, le Burkina souffre de problème de production.
"Tout n'est pas rose au Burkina bien qu'il y existe une culture de cinéma. Le cinéma Burkinabé souffre de manque de moyens pour produire. Il y a de jeunes réalisateurs qui ont bien pris la relève mais il leur manque des moyens pour produire", souligne le distributeur burkinabé Badiel Lassane.
Pourtant, le cinéma burkinabé finançait sa propre production.
"Il y avait un fonds de promotion qui provenait des prélèvements sur les tickets d'entrée et qui était géré par l' ancienne Société nationale du Cinéma du Burkina. Mais, cette société étant liquidée, ce fonds s'est éteint", explique M. Lassane.
Ce manque de production se répercute sur la fréquentation au niveau des salles : "c'est la baisse des entrées qui va entraîner plus tard la fermeture des salles", avertit le burkinabé Abdramane Zampaligré, exploitant de salle.
Selon les acteurs burkinabé, les entrées au Burkina varient en fonction du produit que l'on proposé au public.
"Si ce n'est pas un film africain, il nous est difficile de réunir 50 personnes dans nos salles. Et nous faisons le plein si c' est un nouveau film africain, pour des salles de 1200 places assises", selon M. Zampaligré.
Toutefois, les festivals comme "Image et Vie", le festival film de quartier restent, au Sénégal, des moyens de diffusions de films africains.
Il existe aux côtés des festivals de films, depuis novembre 2009 un réseau de distributeurs et d'exploitants maliens, sénégalais et burkinabé, dénommé Films Afrique Réseau (FAR), en partenariat avec l'association Cinéma et Culture d'Afrique d' Angers (France).
L'objectif du FAR : "diffuser des films d'Afrique en Afrique, aider à renforcer les capacités du réseau et à professionnaliser le personnel de cinéma dans trois pays de l'Afrique de l'ouest : Sénégal, Mali, Burkina", indique Saida Ragui, directrice de l' association Cinéma et Culture d'Afrique.
Il prévoit la diffusion de cinq films en 18 mois sur support cinéma dans des lieux alternatifs (Centre culturel, maison des jeunes...). Cet effort est louable, estiment les spécialistes qui se demandent s'il contribuera à sauver le cinéma ouest-africain.
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