Confronté à la faiblesse du pouvoir d'achat des ménages, l'une des causes des "émeutes de la faim" de février 2008, le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a promis lundi lors d'une série de rencontres avec les opérateurs des différentes filières, la répression à l'égard des spéculateurs des prix des produits alimentaires.
"Il y a eu des événements en Russie, qui risquent d'affecter le marché du riz. Mais, ces événements sont récents : deux à trois semaines. Ils ne peuvent pas influencer les stocks existants. Pour beaucoup, c'est des marchés à terme. Toute évolution des prix relèverait de la spéculation. Ceux qui ne respectent pas les règles du jeu, ce sera le bâton", a énoncé le ministre Mbarga Atangana.
Avec une production nationale estimée à quelque 90.000 tonnes et pour une bonne partie absorbée dans les pays voisins tels que le Nigeria et le Tchad, le Cameroun importe d'énormes quantités de riz : 480.000 tonnes en 2009, contre 330.000 tonnes il y a 5 ans. Le marché de ce produit alimentaire observe à l'heure actuelle une hausse des prix au consommateur qui suscite des grincements.
Le sac de 50 kilos est passé ces derniers jours de 15.500 à 16. 500 francs CFA (environ 31 dollars américains), soit une augmentation de 1.000 francs (2 dollars). Vérification faite, cette évolution est sans préjudice pour les prix officiels, établis entre 18.500 (37 dollars) et 19.000 francs (38 dollars). Mais, le ministre du Commerce a prêché la vigilance.
Cette recommandation résulte de ce que dans une autre filière, relative au blé, à la farine, au froment et aux produits dérivés, il est constaté un accroissement, incompréhensible à son avis, également de 1.000 francs CFA du prix du sac de 50 kilos de farine, tandis que dans certaines boulangeries le prix de la baguette de pain est passé de 125 (0,25 dollar) à 150 francs (0,3 dollar).
Pour leur défense, les meuniers ont brandi l'argument des flux tendus, d'environ un mois et demi de stocks, contrairement à celui du marché à terme, et des chocs du marché international. Selon eux, l'effondrement de l'euro au cours des récents mois a entraîné des perturbations des cours, passés de 115 euros en mars à 212,75 euros à l'heure actuelle.
Aucune incidence véritable n'étant déclarée sur le marché local à part les manoeuvres des spéculateurs, M. Mbarga Atangana a dénoncé la démarche des boulangers. "Il y a une rupture des engagements. Il n'y a pas un élément nouveau qui amène au changement du prix du pain, parce que nous restons en deçà du prix du protocole", a-t-il prévenu.
Aux importateurs de blé, il a recommandé de préciser systématiquement dans les livraisons "le prix aux différents stades, notamment le prix au consommateur". Pour lui, "c'est un détail important. Ça nous facilite la tâche et ça permet d'assainir le circuit".
A en croire, les acteurs, cette filière compte 10 moulins en activité, qui produisent 380.000 tonnes de farine issue de 450.000 tonnes de blé importées. "Nous importons principalement d'Europe et des pays nord-américains qui fournissent des blés un peu plus élaborés, un peu plus forts qui permettent d'améliorer la qualité de la farine", a déclaré à Xinhua le secrétaire général du Groupement des industries meunières du Cameroun (GIMC), Albert D. Khémédia.
"Nous sommes en surcapacité, ça veut dire que nous ne pouvons pas produire plus que ce qui est consommé localement. Nous produisons juste pour le marché local. Il va falloir que nous puissions commercialiser la farine produite localement dans la sous-région. C'est là notre véritable problème actuellement".
Il a précisé que "le Tchad, la Centrafrique et la Guinée équatoriale n'ont pas de moulins, mais nous ne pouvons pas exporter dans ces pays parce que la règlementation ne considère pas la farine produite au Cameroun comme un produit CEMAC ( Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale). Il faut faire tomber ce verrou".
Mais, contrairement au blé, le riz importé reprend pour des quantités non négligeables et insaisissables les destinations étrangères, en l'occurrence des pays voisins, par des voies frauduleuses. Cette contrebande crée un flou dans la maîtrise de la traçabilité des opérations du secteur.
De sources gouvernementales, c'est une situation similaire au marché du sucre où, dit-on, des stocks importants échappent au contrôle des autorités. Les seuls détails connus se limitent à la production nationale de 80.000 tonnes par an, contre 50.000 tonnes d'importation pour répondre aux besoins locaux de 130.000 tonnes.
Compte tenu des enjeux financiers, ce sont des filières sous domination de réseaux mafieux. Ce qui rend difficiles et parfois vaines les initiatives d'assainissement. Malgré un marché moins opaque, l'huile de palme n'échappe pas aux déficits structurels. " La production locale a été très mauvaise cette année. Il y a un déficit interne d'au moins 100.000 tonnes", a remarqué le président de l'Union des exploitants d'huile de palme (Unexpalm), Léonard Claude Mpouma.
Cet ancien ministre a pointé du doigt les perturbations climatiques. Il a ainsi précisé que "le climat n'a été pas bon. Si ça persiste, on pourra s'attendre à des problèmes sérieux". Ici également, une augmentation de 35 francs CFA (0,07 dollar) du prix du kilo de ce produit, fixé à 450 francs (0,9 dollar), crée la tension.
En 2009, pour combler le déficit, le gouvernement a autorisé comme mesure d'urgence des importations de 50.000 tonnes d'huile de palme brute. 20.000 tonnes d'huile raffinée sont également habituellement commandées, mais leur qualité est remise en cause. "Nous attendons environ 145.000 tonnes d'huile par an, sortant des agro-industries pour un besoin de transformation de l'ordre de 280.000 tonnes", a expliqué à Xinhua le secrétaire général de l'Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (ASROC), Jacquis Kemleu Tchabgou, dénombrant notamment 5 agro-industries : SOCAPALM, SAFACAM, Fermes suisses, Pamol et CDC. Faute de statistiques fiables, la production villageoise est estimée à environ 30.000 tonnes par an.
"Il est quand même à noter qu'elle va s'agrandir. Si ce n'était pas le cas, la pénurie structurelle serait plus importante. Parce que les industries de transformation, notamment les savonniers, se sont approvisionnées pour l'essentiel pendant les six premiers mois chez les villageois et la pénurie s'est fait ressentir lorsqu'ils se sont rapprochés des agro-industries", a assuré M. Kemleu Tchabgou. Avec en tête la SOCAPALM, ancienne entreprise étatique privatisée qui, d'après les estimations, fournit 50.000 tonnes d'huile de palme brute, les agro-industries détiennent entre 80 et 90% de la production nationale. "Quand la SOCAPALM a été cédée par l'Etat camerounais, 18.000 hectares étaient plantés. Il était question dans les 10 ans de faire 30.000 hectares. Aujourd'hui, ils sont entre 20.000 et 25.000 hectares", rappelle le secrétaire général d'ASROC.
"Et comme le ministre le disait, ils ont bénéficié (en février 2009) d'une augmentation du prix, de 300 à 450 francs le kilo. C' est du jamais vu. Il y avait un plan d'investissement qui, disent- ils, a commencé, mais à quel rythme ? Quand on passe de 300 (0,6 dollar) à 450 francs (0,9 dollar) le kilo, c'est un gain net de près de 15 milliards (30 millions de dollars)", souligne-t-il par ailleurs. Le président d'UNEXPALM a appelé à envisager la possibilité d'installer d'autres agro-industries pour garantir une offre suffisante pour la demande locale.
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