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Blocage autour de la question des démissions

(lapresse)-- Ils s’étaient donné rendez-vous au siège de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche, à la Cité El Khadhra, et tous exigeaient que l’organisation syndicale se dote rapidement de nouveaux statuts et que des élections soient organisées selon des méthodes qui rompent avec les pratiques anciennes, caractérisées par des marchandages préalables et toutes sortes de combines anti-démocratiques. C’était jeudi dernier et ils étaient une bonne centaine d’agriculteurs à avoir fait le déplacement, qui du Kef, qui de Béja, qui de Joumine…
«L’Utap a été un instrument de l’ancien pouvoir et n’a jamais défendu l’intérêt des agriculteurs et des pêcheurs» : le constat était unanime et l’un des présents s’exclamera : «Qu’avez-vous fait de tous les portraits de l’ancien président qui ornaient les murs ?»
Une précédente réunion avait eu lieu en tout début de semaine au cours de laquelle les agriculteurs présents avaient reçu un accord concernant la démission du président, M. Mabrouk Bahri, ainsi que celle des membres du bureau exécutif. Et une certaine nervosité était perceptible ce jeudi car aucune démission n’était enregistrée et le président lui-même n’était pas au rendez-vous : il avait laissé à l’un des membres de l’actuel bureau, M. Karim Daoud, le soin d’accueillir les agriculteurs mécontents.
Le sentiment était que l’actuel bureau était en train d’essayer de gagner du temps, avec pour résultat de perpétuer l’existence d’une organisation qui n’a plus aucun sens dans le contexte actuel, après la chute du «système Ben Ali».
Au fil des interventions de la salle, on devinait bien certaines différences de position parmi les agriculteurs. Mais, d’une façon générale, l’insistance à obtenir la démission immédiate des dirigeants est très largement partagée. Elle est du reste ce qui semble avoir créé un blocage avec les actuels dirigeants de l’Utap, blocage dont on se demande s’il ne pourrait pas être évité par le dialogue. Si l’on s’en tient en tout cas aux déclarations du représentant de l’actuel bureau exécutif, l’accord est acquis en ce qui concerne les principaux points objets des revendications des agriculteurs, à savoir la démission des instances dirigeantes, la mise en place de nouveaux statuts et l’organisation de nouvelles élections. La question qui se pose dans ces conditions est la suivante : pourquoi ce raidissement autour de positions de principe et le basculement dans la logique de la défiance et du conflit. Certains agriculteurs se retrouvent en contradiction avec eux-mêmes, en ce sens qu’ils s’adressent à une organisation dont ils n’ont rien d’autre à dire sinon qu’elle n’a aucune légitimité… Pourquoi sont-ils venus alors, et pourquoi ont-ils pris la parole devant le représentant du bureau actuel ? Une attitude jusqu’au-boutiste qui passe à côté de la logique de transition, laquelle suppose que les actuels dirigeants, quel que soit le jugement que l’on porte sur leur rôle passé, soient quand même associés à l’opération de transition débouchant sur la formation d’une nouvelle équipe, aussi bien au niveau régional que national. Ici comme ailleurs la tentation du règlement de compte rend les choses plus difficiles… La fermeté, il en faut surtout dans la négociation, et peut-être pas tellement avant. Le plus urgent serait de se mettre d'accord sur un agenda d'actions concrètes avec, en même temps que la démission des instances dirigeantes du syndicat, la constitution d'un comité provisoire assurant le passage vers les élections, dans le respect intelligent des contraintes propres à toute transition... Il importe en tout cas, ne serait-ce qu'au niveau du symbole, que les actuels responsables passent le témoin dans le calme d'une procédure définie par tous, plutôt que les choses se fassent dans une logique de destitution violente. Ce qui serait un geste de mauvais augure pour l'équipe qui prendrait plus tard la relève.
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