La colère gronde toujours

(allafrica)--Les nominations du président Hosni Moubarak n'ont pas ramené le calme. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues des grandes villes du pays, le 30 janvier, pour réclamer le départ du chef de l'Etat. Les autorités ont allongé le couvre-feu d'une heure mais des protestataires étaient encore présents sur la place centrale du Caire dans la soirée malgré quelques démonstrations de force de l'armée, et en dépit du retour de la police, absente des rues pendant près de 48 heures. Sur le plan politique, Mohamed al-Baradei, l'ex-patron de l'AIEA, a été chargé par une coalition d'opposition de négocier avec le pouvoir. Le président Moubarak a lui chargé son Premier ministre d'entamer des négociations avec l'opposition. Ils sont déterminés. Dès la levée du couvre-feu à 8h, les manifestants arrivent en petits groupes vers la place Tahrir, des chars coupent la circulation des avenues tout autour et le long du musée égyptien dont certaines salles ont été pillées la veille par des bandes de casseurs. Les manifestants s'organisent pour durer. Ils se répartissent les tâches, certains rejoignent les comités de quartier pour sécuriser leurs immeubles, d'autres pour nettoyer les rues, comme Ahmed, qui tient un grand sac en plastique dans ses mains : « Il n'y a pas de service de nettoyage pour retirer les poubelles et les déchets qu'on laisse derrière nous. Personne ne le fait, donc maintenant c'est nous-mêmes, les manifestants qui nous chargeons du nettoyage. Maintenant, c'est le peuple qui dirige son destin. C'est ça la démocratie qu'on veut ». Des manifestants déterminés Des groupes brandissent des pancartes « Moubarak dehors », « Souleimane dehors ». Certains s'agenouillent pour une prière collective, et sur le terre-plein central des familles entières sont allongées sur des couvertures, elles ont passé la nuit là, bravant le couvre feu, comme Shala : « Nous n'avons pas peur, on a pu circuler tout autour, avant il y avait la police, maintenant c'est l'armée. Mais nous, on n'a pas peur, ce n'est pas grave si on meurt, même si nos enfants meurent ce n'est pas grave, c'est pour l'Egypte ». La première manifestation du 25 janvier dernier s'était concentrée ici même, organisée à travers le réseau Facebook par des leaders du mouvement du 6 avril, comme Mohamed Adel qui est surpris de l'ampleur du mouvement : « Je ne pensais pas qu'on aurait autant de monde dans les rues. On espérait bien qu'il y aurait du monde, mais pas autant. Et surtout on n'imaginait pas que ces manifestations continueraient avec une telle ampleur ». Chérif Ramadan, avocat, est sur la même longueur d'ondes : « Tout le monde est mélangé ici, il y a des pauvres, des chrétiens, des riches, des musulmans tout le monde est ensemble. On se découvre maintenant.Maintenant, c'est un ami, un frère. On se redécouvre enfin. (...) Ce type qu'on a au pouvoir m'a fait oublier le peuple. Il a fait des riches et des pauvres.Tout dans le système judiciaire est tronqué. Tout passe par le système Moubarak. Ca suffit ! ». Croisé dans la rue, un religieux d'Al-Azhar, partage le même point de vue : « Aujourd'hui nous sommes venus ici pour rejoindre nos concitoyens, on veut dire que ce système, c'est un système tyrannique, qui contrôle tout, et on veut que ce système s'arrête enfin, on n'en veut plus ». Pour lui, c'est Moubarak qui a créé le chaos dans le pays : « Nous sommes ici pour nous révolter contre cette tyrannie, on ne veut plus de lui, c'est lui qui a créé ce chaos, c'est lui qui a fait que les gens sont incapables d'avoir une dignité pour eux-mêmes, ça suffit, ça suffit on veut qu'il s'en aille ». Les F16 dans le ciel Vers 15h30, une demi-heure avant le couvre-feu, démonstration de force avec des avions F16 qui survolent la ville à très basse altitude, pour la première fois depuis le début de la contestation. « Les avions sont en train d'utiliser ce moyen pour nous faire peur, pour qu'on parte, mais non, on ne va pas partir », dit Shala, une femme sur place très déterminée. « On va rester ici, les femmes même plus que les hommes, on ne bougera pas, vous voyez nos enfants qui sont là avec nous, ils n'ont pas dormi depuis deux jours, mais nous sommes déterminés, Maintenant c'est nous qui allons nous organiser pour prendre en charge notre pays et le restructurer sans lui, sans ce président », ajoute-t-elle. Un ex-pilote F16 témoigne : «Je suis un ancien militaire, j'étais pilote dans l'armée de l'air, ces avions que nous voyons passer ce sont des F16, des avions militaires américains. Nous on n'a pas peur, on va rester, moi je suis un officier à la retraite. Regardez, ils veulent que le bruit des avions recouvrent nos voix et nous fassent partir, mais ça ne sera pas possible, ce qu'on veut maintenant c'est nous faire entendre, on ne partira pas d'ici, ils peuvent toujours essayer de nous intimider de cette façon, mais cela ne nous émeut pas, on va résister, on va continuer ». La nuit tombée, les rues sont presque désertes, c'est là que les comités de quartier, armés de bâtons et de couteaux de cuisine montent la garde, ils prennent la relève de la police qui s'est retirée vendredi soir, on entend des tirs, la nuit est agitée.
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