(La tribune)--C'est officiel ! Après un discours dans lequel le président égyptien déclarait déléguer simplement ses pouvoirs, il est parti vendredi après-midi "se reposer" à Charm -al-Cheikh. L'armée est aux commandes.
Enfin ! Après une déception énorme jeudi soir, à l'issue du discours présidentiel, Hosni Moubarak a quitté le pouvoir. Ce n'est pas lui qui l'a dit, c'est son vice-président, Omar Souleiman, qui l'a annoncé à la télévision d'Etat. De la colère, la foule, toujours sur la place al-Tahrir, est passée à la joie : "Le peuple a fait chuter le régime !", chantaient les milliers d'Egyptiens massés là.
"Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d'abandonner le poste de président de la République et chargé le conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays" a ainsi déclaré le vice-président, après la prière du vendredi. C'est le Conseil suprême des forces armées qui a été choisi pour diriger le pays.
L'armée prend du galon
Autant dire que l'armée, déjà hyper-puissante dans le pays, prend du galon... Forte de 468 500 militaires et 479 000 réservistes, elle pèse déjà de tout son poids dans les affaires politiques. Elle a en effet donné à la nation quatre présidents : Mohammed Naguib en 1953, Gamal Abdel Nasser, en 1956, Anouar el-Sadate, en 1970 et enfin, Hosni Moubarak, en 1981.
En outre, les militaires égyptiens pèsent grandement sur l'économie, en contrôlant de nombreuses entreprises dans des secteurs variés, de l'industrialisation à la grande distribution. Reste à savoir le rôle que voudra effectivement jouer l'armée dans une transition démocratique. A conditions qu'elle rende le pouvoir... Sera-t-elle, à l'image de l'armée turque, le garant de la laïcité et de la modernité, face aux Frères Musulmans ?
Si l'armée est rentrée dans le rang, elle a été responsable de trois coups d'Etat, en 1960, 1971 et 1980, et continue de jouer un rôle politique important : elle n'a pas hésité à dire tout haut ce qu'elle pensait de certaines initiatives prises par le parti islamo-conservateur au pouvoir à Ankara. Forte de 800 000 hommes, l'armée turque joue, presque plus qu'en Egypte, un rôle économique de premier rang, étant actionnaire dans des secteurs comme l'automobile, l'agroalimentaire, l'assurance ou le tourisme. "Last but not least", l'armée perçoit des impôts, à commencer par une très lucrative taxe sur l'essence.