ABIDJAN, 6 avril (Xinhua) -- L'étau semble se resserrer autour du président sortant ivoirien Laurent Gbagbo, retranché depuis plusieurs jours dans son bunker au sous sol de la résidence présidentielle.

En dépit de l'assaut final lancé par les forces républicaines de Côte d'Ivoire (Frci, forces pro Ouattara) après que les négociations pour sa reddition et pour son départ eurent échoué, Laurent Gbagbo résiste toujours.

Il demeure en apparence serein et imperturbable au point ou des observateurs se demandent jusqu'où peut aller Gbagbo dans ce contexte ou les troupes fidèles à son rival, menacent de le capturer ?

"Lorsque nous allons capturer Laurent Gbagbo, nous allons le remettre au président de la république (Alassane Ouattara) qui décidera de la conduite à tenir", a déclaré mercredi la porte- parole des forces pro-Ouattara, Mme Affoussy Bamba.

De l'aveu de celle-ci, plusieurs chefs d'accusation peuvent être mis sur le compte du chef de l'Etat sortant.

"Il y a des chefs d'accusation tels que le coup d'Etat, car en se maintenant par la force au pouvoir, alors qu'il n'a pas gagné les élections, c'est un coup d'Etat. Il est aussi responsable de massacres de civils", a-t-elle énuméré.

PAS QUESTION DE SE RENDRE

Toutefois, les proches de Gbagbo rejettent cette idée de se rendre. « Gbagbo ne démissionnera pas ; il n'abdiquera pas. Ce n'est pas un monarque. Il a été élu et il ira jusqu'au point où la situation arrivera. » a rétorqué son conseiller spécial Toussaint Alain.

Le porte-parole de son gouvernement Ahoua Don Melo, a renchéri en indiquant que Laurent Gbagbo a demandé un cessez-le-feu, mais n'a pas demandé à partir et il demeure le président de la république.

Malgré les tractations et pressions, Laurent Gbagbo lui-même ne s'avoue pas vaincu. Depuis son lieu de « réclusion », il rejette les mesures que veulent lui imposer, selon lui, la France et l'Onu.

Après la demande du cessez-le-feu par le camp Gbagbo, la France avait exigé que celui-ci signe un document de renonciation au pouvoir et de reconnaissance de son rival Alassane Ouattara comme président de la république.

Mais le président sortant ivoirien a rejeté la demande de Paris et a réitéré son refus de reconnaître Alassane Ouattara comme le vainqueur de l'élection présidentielle.

"On me dit de partir. Partir, pour aller où ? Mon adversaire n'a pas gagné les élections. C'est moi qui les ai gagnées", a soutenu le président sortant, mercredi, sur les antennes d'une radio internationale.

LE SOUTIEN DE SON EPOUSE

Pour certains de ses partisans, le courage et la témérité de Laurent Gbagbo ne sont pas surprenants.

"Gbagbo est l'homme qui ne lâche jamais. Dans les situations difficiles, il arrive toujours à s'en sortir", a énoncé fièrement Honoré Yapi, responsable d'une fédération du Front populaire ivoirien (Fpi, parti politique de Gbagbo).

Pour celui-ci, son épouse Simone Gbagbo fait partie de ses soutiens, car elle l'a toujours encouragé à ne pas lâcher prise dans les difficultés.

Les inconditionnels de Laurent Gbagbo donnent toujours pour exemple l'attitude de leur leader en 2002 lors de l'attaque de la Côte d'ivoire par une rébellion armée.

Laurent Gbagbo effectuait à cette période un voyage officiel en Italie lorsque l'attaque est survenue ; alors que des amis lui avaient conseillé de rester à l'extérieur du pays pour une question de sécurité, Gbagbo a choisi de rentrer en Côte d'Ivoire.

"Mon pays est attaqué. Ce qui se passe n'est pas une mutinerie, c'est un coup d'Etat. Je dois partir pour prendre ma place", avait- il insisté.

Pour ses partisans, Gbagbo est symbole de loyauté et surtout de courage. D'où son surnom de "Woudy de Mama" (garçon virile en langue locale)

ALLER JUSQU'AU BOUT DE SA LOGIQUE

"Gbagbo sait ce qu'il fait. C'est un jusqu'au boutiste. Il ne veut pas mourir en héros ou en martyr, mais il veut aller jusqu'au bout de sa logique pour montrer à l'opinion que la vérité se trouve de son côté et que s'il part, cela aura été sous la contrainte", a affirmé Rodrigue Kessié, membre de la jeunesse patriotique (jeunesse pro Gbagbo)

Une jeune étudiante prénommée Sabine redoute pour sa part que Laurent Gbagbo qui tient à son honneur, en arrive au suicide faisant allusion à Adolph Hitler qui s'était suicidé après qu'il se fut retranché dans son bunker.

"Gbagbo est prêt à défendre sa souveraineté jusqu'au bout. Mais il joue malgré tout une partie serrée", a estimé de son côté Stephen Ngokwé, chargé des questions humanitaires de l'ONG Africa Rescue.

"L'assaut des Frci risque d'avoir des conséquence fâcheuses", s'est-il inquiété.

M. Ngokwé s'est toutefois réjoui de la promesse de l'Onu de préserver l'intégrité physique du chef de l'Etat sortant.

Pour un observateur qui a requis l'anonymat, Gbagbo garde toute sa froideur, conscient qu'il sortir tout au moins vivant de l'épreuve.

"Alassane Ouattara n'a pas intérêt à commencer son mandat avec sur sa conscience la mort de son prédécesseur", a-t-il expliqué.

Toutefois, pour un haut responsable de l'armée française dont les aéronefs ont participé à la destruction des cibles militaires de la ville d'Abidjan, « Gbagbo n'a pas d'autre choix que de se rendre. »

Les Ivoiriens et les observateurs de la vie politique retiennent leur souffle et s'attendent à voir l'épilogue de la résistance de Laurent Gbagbo acculé par les forces pro-Ouattara qui ont assiégé sa résidence. Les uns et les autres souhaitent que le bras de fer ne connaisse pas un dénouement dramatique.

Le Côte d'Ivoire vit depuis plus de quatre mois une crise post- électorale opposant le président sortant Laurent Gbagbo à l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara.

Chacun d'eux s'est proclamé président de la république et a constitué un gouvernement, plongeant le pays dans un bicéphalisme.

La crise post-électorale a fait un millier de morts depuis la mi-décembre en Côte d'Ivoire, selon un bilan établi par l'Onu.