DAKAR, 11 avril (Xinhua) -- Le Dr Thierno Maadjou Sow, président de l'Organisation guinéenne de défense des droits de l' homme, estime que beaucoup de choses n'ont pas encore changé en Guinée après l'avènement du premier régime démocratiquement élu.
Q: Comment se porte les droits de l'homme en Guinée quelque mois après l'arrivée au pouvoir du nouveau président Alpha Condé et son équipe ?
R: Il n'y a vraiment pas eu encore de changement dans les différents domaines, puisque en Guinée tout était détruit que ce soit au niveau de l'éducation, de la santé, dans l'administration etc. Pendant ces 100 jours passés au pouvoir, Alpha Condé ne pouvait pas faire grand-chose. Ce qu'il peut faire peut-être c'est indiquer les intentions, les programmes pour pouvoir résoudre les problèmes.
Mais on a certaines inquiétudes parce qu'il y a certaines personnalités de l'ancien régime qui sont des criminelles et qui sont encore au pouvoir. Nous espérons que les choses vont changer. Parce qu'au niveau par exemple des droits de l'homme, il y a encore des agressions, des coupeurs de route. Il y a des gens qui viennent chez les populations la nuit, pour prendre tout ce qu'il y a, violer et partir. Parfois c'est des gens en tenue militaire et il est très difficile de les retrouver.Le trafic de drogue et autres blanchiments d'argent, toutes ces activités continuent encore.
Q: Toujours à propos des droits de l'homme, récemment on a entendu dire qu'il y a eu des répressions contre les partisans de l'ancien candidat à la présidentielle Cellou Dalein Diallo aujourd' hui principal opposant. Que s'est-il exactement passé ?
R: Effectivement à la veille du retour de Cellou Diallo après une absence de six mois du pays, le gouverneur de Conakry, qui est un colonel de l'armée, a dit que personne n'a le droit de l' accueillir. Mais la population est sortie et dès le matin déjà, les forces de sécurité étaient dans les quartiers de la banlieue de la capitale, où Cellou est très populaire, pour pourchasser les jeunes, les arrêter et, à tirer même sur les gens. Ils ont tiré à balle réelle sur la population ce que le gouvernement a nié.
Q: Etes-vous inquiet que la Guinée replonge dans la même situation de violation des droits de l'homme ?
R: Quand les mêmes hommes sont sur place, cela nous inquiète. Car pour un changement, il faut qu'il y ait des hommes qui veulent le changement. C'est les mêmes officiers de l'armée, des mêmes politiciens qui étaient là du temps du président Lansana Conté qui sont en service.
Q: Où en êtes-vous avec le dossier de l'enquête sur l'affaire du massacre et des viols le 28 septembre en Guinée?
R: Après ces événements, la Guinée a constitué une commission d' enquête indépendante. Et les conclusions de cette enquête étaient que il y a Toumba Diakhité (celui qui a tiré sur Dadis Camara, président transition) qui est coupable et que les hommes politiques qui ont convoqué la rencontre au stade sont aussi responsables. Il y a aussi eu aussi des enquêtes du Conseil de sécurité de l'ONU qui est arrivé à des conclusions très intéressantes mais très embarrassantes pour le pouvoir de l'époque. Il y a enfin eu une enquête faite par Human Right Watch, Amnesty internationale et la Fédération internationale des Droits de l' Homme (FIHD). Il n'y a pas très longtemps une mission de la FIDH est venue à Conakry et on a travaillé et pris des avocats pour assister des victimes.
Le pouvoir guinéen avait mis sur pied un groupe de trois magistrats et trois greffiers pour s'occuper du dossier du 28 Septembre. Mais quand nous les avons rencontrés, ils nous ont dit que s'il n'y a pas de volonté politique au sommet, ils ne peuvent rien faire. Dans une situation comme celle de la Guinée, un magistrat qui convoquerait un officier supérieur de l'armée, on peut venir l'arrêter voire même le faire disparaitre. Donc il n'y a pas de sécurité pour les témoins, les victimes et les magistrats.
Q: Quant est-il de l'implication, dans le cadre des enquêtes, de la Cour Pénale internationale (CPI) dans cette affaire ?
R: Après les élections, la CPI a envoyé une mission en Guinée. Nous avons travaillé ensemble. La cour a rencontré ces magistrats qui ont montré les convocations qu'ils ont envoyés. On s'est entendu avec la CPI d'attendre pour voir dans quel délai ces magistrats pourront faire quelque chose.
Q: Y a-t-il des signes annonciateurs de changements dans le domaine des droits sociaux économiques et culturel ?
R: C'est pire dans ce domaine où le peuple guinéen et dans la misère aujourd'hui. Les gens n'ont pas à manger car les prix des denrées ont augmenté de façon extraordinaire. Par exemple, un sac de riz de 50 kg coûte 300 000 francs guinéens. Un franc CFA vaut environ 12 à 13 francs guinéen. Le poisson coûte excessivement cher. Le kilo de viande est monté à 28.000 francs guinéens. Rares sont les fonctionnaires qui peuvent acheter de la viande encore moins les populations. La vie est extrêmement difficile aujourd' hui pour le Guinéen. On ne sait pas quelle mesure le pouvoir va prendre pour changer la donne.
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