ABIDJAN, 13 avril (Xinhua) -- La Côte d'Ivoire a connu lundi, l'épilogue de sa crise post-électorale après plus de quatre mois de "marathon".
L'arrestation du couple Gbagbo lundi, à leur résidence, par les forces républicaines de Côte d'Ivoire (Frci, forces pro-Ouattara) met un coup d'arrêt au chassé-croisé entre le président sortant, investi par le conseil constitutionnel ivoirien Laurent Gbagbo et le président déclaré élu par la commission électorale indépendante (CEI) et reconnu par l'Union africaine (UA) et l'Onu, Alassane Ouattara.
La longue marche électorale de la Côte d'Ivoire a débuté le 9 sept 2010 avec l'adoption de la liste électorale définitive, après une opération d'enrôlement émaillée de retard et de querelles entre les acteurs de vie politique ivoirienne.
Après au moins six reports, le premier tour de l'élection présidentielle ivoirienne a été organisé le 31 octobre.
A l'issue du scrutin qui s'est déroulé dans le calme, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont obtenu leur ticket pour le second tour avec respectivement 38% et 32% des voix.
Contrairement au premier, le second tour s'est déroulé le 28 novembre dans un climat tendu marqué par des incidents à Abidjan et des violences meurtrières à l'ouest du pays.
Le 2 décembre 2010, la commission électorale indépendante finit par proclamer les résultats après plusieurs tentatives d'empêchements du camp Gbagbo qui accusait le camp adverse de vouloir faire un hold-up électoral.
Alassane Ouattara a ainsi été déclaré vainqueur par la commission en charge de l'élection avec 54,1% des voix contre 45,9% pour son rival Laurent Gbagbo.
"Le second tour s'est tenu dans un climat globalement démocratique et acceptable", avait alors estimé le représentant spécial du secrétaire général de l'Onu en Côte d'Ivoire, Young Choi, certifiant ainsi le scrutin conformément à la mission à lui confiée.
Mais ces résultats quoique certifié, par le fonctionnaire onusien, sont aussitôt rejetés par le conseil constitutionnel présidé par l'universitaire Paul Yao N'Dré, un proche de Gbagbo. Celui-ci décide de l'annulation des votes jugés frauduleux dans des régions du nord et du centre favorables à Alassane Ouattara. Il prononce un autre résultat " définitif " donnant Laurent Gbagbo pour vainqueur avec 51, 45% des voix contre 48,55% pour Alassane Ouattara.
IMBROGLO POLITIQUE
L'élection présidentielle ivoirienne qui était censé garantir le retour de la paix dans le pays, miné depuis huit ans par un conflit militaro politique, devient ainsi un véritable imbroglio.
Le bicéphalisme va s'installer après que chacun des deux candidats se fut proclamé vainqueur et eut organisé chacun son investiture.
Le pays se retrouve avec deux présidents et deux gouvernements. Le gouvernement Gbagbo dirigé par le premier ministre Aké N'Gbo, un universitaire de renom, prendra siège au palais présidentiel du Plateau, pendant que le gouvernement Ouattara dirigé par Guillaume Soro, ancien premier ministre de Laurent Gbagbo et ancien chef de la rébellion, établira son quartier général à l'hôtel du Golf.
La Côte d'Ivoire, pays aux énormes potentialités économiques et pays de référence en Afrique de l'Ouest, devient quasiment la risée du monde, avec un paysage politique atypique.
Dans ce bras de fer, aucune partie ne voudra lâcher prise car mettant la vérité de son côté.
"J'agis selon la constitution. Je suis le président investi par le conseil constitutionnel qui est l'institution habileté à proclamer les résultats définitifs. Je suis donc le président légitime de la Côte d'Ivoire", a répété à souhait le président sortant Laurent Gbagbo lors de différentes rencontres avec les couches sociales du pays.
"Je suis le président élu, déclaré vainqueur par la commission électorale indépendante et reconnu par l'Onu. C'est de commun accord que nous avons fait certifier l'élection par le représentant spécial du secrétaire de l'Onu. Nul ne peut voler ma victoire. Je suis le président de la république de Côte d'Ivoire", a déclaré, pour sa part, le président élu Alassane Ouattara à maintes occasions.
MEDIATIONS INFRUCTUEUSES
S'en suivra alors une série de médiations, dans le but de ramener la paix et dénouer la crise aigue qui partait de rebondissement en rebondissement.
Les médiations ont débuté d'abord au plan interne, avec les leaders religieux et les chefs traditionnels.
Les autorités chrétiennes et musulmanes se sont ainsi organisées pour rencontrer tour à tour les deux protagonistes de la crise, ainsi que le président du conseil constitutionnel dont la proclamation des résultats a constitué un élément déclencheur du bicéphalisme.
A leur tour, les rois et chefs traditionnels de Côte d'Ivoire se sont livrés à cet exercice sans obtenir non plus les résultats escomptés.
La médiation internationale a pris le relais avec les missions de bons offices de la communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) et de l'Union africaine (Ua) qui a pris même des décisions contraignantes invitant Laurent Gbagbo à remettre le pouvoir à Alassane Ouattara reconnu comme président élu.
Mais les recommandations des organisations sous régionales et régionales africaines, les déclarations de l'Union européenne (Ue) et les résolutions du conseil de sécurité de l'Onu ne feront pas fléchir le camp Gbagbo.
Le bras de fer va alors se poursuivre, avec sa cohorte de harcèlements, d'arrestations, de menaces et de tueries.
"Nous avons donné la chance à la paix. Nous avons donné quatre mois à la diplomatie", avait alors déclaré le premier ministre et ministre de la défense du gouvernement Ouattara, Guillaume Soro, donnant ainsi le signal d'une "grande offensive" des forces républicaines de Côte d'Ivoire (Frci, forces pro-Ouattara) à travers le pays.
OUATTARA MAITRE DU JEU
En un temps éclair, les Frci ont pris le contrôle de la quasi-totalité des villes du pays.
Estimant que leur leader a épuisé toutes les cartes du dialogue, les Frci ont lancé le 31 mars une offensive sur Abidjan, notamment sur la résidence de Laurent Gbagbo en vue de l'en déloger et installer Alassane Ouattara.
Mais le président sortant ivoirien dont les militaires avaient demandé un cessez-le-feu en vue d'une négociation a fini par choisir la voie de la résistance, défendu de manière farouche par ses forces spéciales qui ont repoussé, une première fois, l'assaut des forces pro-Ouattara sur sa résidence.
Le dernier assaut sur la résidence présidentielle le 11 avril a été décisif avec l'appui aérien de l'Onuci et de la force française Licorne qui ont pilonné les armes lourdes entreposées à la résidence, permettant aux Frci d'y pénétrer pour capturer Laurent Gbagbo, son épouse et plusieurs de ses proches.
Ouattara, en maître du jeu, a ainsi prononcé lundi son premier discours officiel de chef d'Etat, invitant ses concitoyens au calme et à la retenue.
Ceux-ci devront se préparer au pardon et à la réconciliation nationale, pour amorcer dans l'union, la reconstruction et le développement du pays, sous l'impulsion du président Ouattara désormais détenteur des pleins pouvoirs.
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