ABIDJAN, 13 avril (Xinhua) -- La Côte d'Ivoire a tourné une page de son histoire avec la chute du président sortant Laurent Gbagbo arrêté à sa résidence lundi par les forces de Ouattara.
Le pays, désormais sous la houlette de président élu et reconnu par l'Onu, Alassane Ouattara, amorce un nouveau virage après neuf ans de crise socio-politique et plus de quatre mois de crise post- électorale.
Sans l'ombre d'un doute, le pays se trouve fragilisé par ces périodes d'incertitudes, de violences et de turbulences.
Alassane Ouattara, à la barre, devra faire face à des défis indubitablement immenses.
UN GOUVERNEMENT D'UNION?
Ouattara est d'abord membre d'une coalition de plusieurs partis politiques, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et Paix (RHDP). Avec l'onction du RHDP, il a remporté le second tour de l'élection présidentielle avec 54% des voix. Le pouvoir, il l'exercera avec des cadres venus des formations politiques alliées telles le Parti démocratique de Côte d'ivoire (PDCI) et l'Union pour la démocratie et la paix (UDPC).
Mais, Ouattara compte tendre la main au Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo) pour former un gouvernement d'union.
"Au FPI, il y a aussi des cadres compétents avec qui nous allons travailler. Dans les nominations aux hauts postes nous allons mettre en avant la compétence et le mérite", avait-il assuré lors de la présentation de son programme de gouvernement.
"Il faut effectivement remettre le pays au travail et tenir compte de toutes les compétences. Il va falloir puiser dans toutes les tendances politiques", a estimé Traoré Ali, un leader des jeunes du Rassemblement des républicains (RDR, parti politique de Ouattara).
De l'avis de M. Ali, un gouvernement d'union est possible car tout le monde doit se sentir apte à servir son pays.
Reste certainement à ce que Gbagbo accepte qu'un cadre issu de sa formation politique entre dans le gouvernement d'union. Ainsi, de son lieu de détention, il constitue un acteur clé de la vie politique ivoirienne.
DES EGARDS POUR GBAGBO
"Gbagbo n'est pas n'importe qui. Il a droit à des égards", s'est exclamé Léonce Gozé, membre de la galaxie patriotique ( jeunesse pro-Gbagbo).
C'est justement pour ne pas approfondir les plaies politiques ivoiriennes et susciter des rancoeurs tenaces que le président élu reconnu par l'Onu a donné des instructions pour que Gbagbo soit capturé vivant pour qu'il soit bien traité.
"Gbagbo n'est plus à l'hôtel du Golf, il est en Côte d'Ivoire bien sécurisé dans une villa. Il est un ancien chef d'Etat et nous devons le traiter avec considération", a soutenu mercredi Alassane Ouattara lors d'une conférence de presse, réitérant que l'intégrité physique du président sortant sera préservée.
Les États-Unis, la France et l'Onu ont insisté pour que Gbagbo soit en sécurité et traité avec tous les égards, raison pour laquelle sa sécurité est assurée par des gendarmes onusiens.
Quant à ses proches arrêtés avec lui, ils seront traités avec dignité et leurs droits seront respectés, selon M. Ouattara, qui a promis d'ouvrir une enquête sur la mort d'un des interpellés, Désiré Tagro ancien ministre de l'intérieur de Gbagbo pour situer les responsabilités.
LA NECESSAIRE RECONCILIATION
L'expert en droit de l'homme Drissa Traoré président dumouvement ivoirien des droits humains (MIDH) a salué la promesse de M. Ouattara de traiter M. Gbagbo avec dignité et souhaité la mise en place rapide d'une commission justice, vérité et réconciliation.
La réconciliation est devenue quasiment un leitmotiv ressassé par la plupart des médias qui ont longuement commenté l'arrestation du couple Gbagbo à travers le monde.
Au delà de s'accorder sur une nécessaire réconciliation pour la bonne marche du pays, bien d'observateurs se demandent si avec la nouvelle gouvernance, il sera opportun de changer le système des lois du pays, notamment de retoucher la Constitution.
A ce niveau, Alassane Ouattara a déclaré avoir prévu la révision de la Constitution pour, selon lui, la débarrasser de tous les articles confligènes.
Outre le paysage politique, la vie économique du pays constitue une préoccupation majeure. A ce niveau, il urge que les activités économiques reprennent.
Pour rassurer les uns et les autres, Alassane Ouattara a fait état d'un besoin urgent de sécuriser le pays en particulier la ville d'Abidjan.
"La priorité est de maintenir l'ordre public et de sécuriser les ivoiriens", a-t-il fait savoir. Ainsi les banques pourront ouvrir et les activités économiques et commerciales pourront suivre.
A maintes occasions, le président élu a exprimé sa volonté d'associer tous les ivoiriens au processus de reconstruction et de développement du pays.
REDRESSER L'ECONOMIE
"Ouattara devra redresser la Côte d'Ivoire économiquement et il en a les capacités. Il a le soutien des bailleurs extérieurs", a estimé Richard Kinimo, un assistant en économie qui s'est, par ailleurs, réjoui de l'aide spéciale de 500 millions d'euros de la France à la Côte d'Ivoire et de la promesse de 180 millions d'euros de l'Union européenne (UE) au gouvernement ivoirien.
"Je serai très heureux d'apporter des ressources extérieurs à mon pays. L'argent n'a pas de couleur ni d'odeur", avait répondu M. Ouattara lors d'une interview.
Toutefois, pour celui-ci, les financements internes peuvent être engendrés par la valorisation des produits naturels du pays comme le café et le cacao dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial, mais aussi les ressources énergétiques comme le gaz et le pétrole et les ressources minières comme l'or, le diamant et le fer.
L'assainissement des finances publiques constituent aussi un défi important entrant en ligne de compte dans la vision économique du président Ouattara.
RETABLIR LA PAIX SOCIALE
Les villes ivoiriennes, en particulier Abidjan, ont été et continuent d'être le théâtre de nombreux actes de pillages. D'où la nécessité pour le nouveau pouvoir de relever le défi de la paix sociale à travers la sécurisation des biens et des personnes.
Visiblement, les autorités peinent à rétablir l'ordre au vu des agissements des éléments incontrôlés.
Le Premier ministre et ministre de la Défense du camp Ouattara, Guillaume Soro, intervenant bien propos, a mis en garde les éléments des FRCI qui se livreraient aux pillages et a demandé aux uns et aux autres de s'abstenir de tout acte de représailles et de vengeance après l'arrestation de Gbagbo.
Mais ces mises en garde et exhortations n'ont pas eu l'effet escompté pour l'heure. Certains quartiers comme la Riviera et Yopougon (quartier pro Gbagbo) étant devenus le théâtre de pillages, de représailles et diverses exactions.
Les forces françaises et onusiennes ont décidé d'entreprendre des patrouilles mixtes avec les forces ivoiriennes pour combattre l'insécurité.
De ce fait, les habitants interrogés ont souhaité que l'Onu et la force française Licorne restent encore dans le pays pour entreprendre cette délicate tâche de sécurisation aux côtés de la police et de la gendarmerie ivoirienne.
Si l'Onu n'a pas encore fait cas d'un éventuel départ de ses troupes, les autorités françaises, elles, ont évoqué la réduction de l'effectif de la Licorne qui devrait passer de 1.700 hommes à moins de 1.000.
Il convient dès lors de retenir que la Licorne et les casques bleus sont encore présents en Côte d'Ivoire. De l'avis de certains observateurs, ils devront encore rester jusqu'à ce que le défi de la sécurisation et de la normalisation soient tout au moins réalisés par le pouvoir Ouattara avant d'entamer les autres chantiers tout aussi importants pour l'essor de la Côte d'Ivoire.
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