Dans, pratiquement, une semaine, le 24 avril 2011, les RD-Congolais vont commémorer le 11ème anniversaire de la démocratisation de la vie politique dans l'ex-Zaïre du maréchal Mobutu. Et comment cela est-il arrivé ? D'aucuns se sont toujours imaginés que cela n'a commencé qu'après la chute du Mur de Berlin.
Alors que des stratèges autour de Mobutu, qualifiés de « colombes », partisans d'un pouvoir partagé, conciliant, s'y étaient affairés des années auparavant pour amorcer une certaine ouverture vers les opposants au régime Mobutu. Contrairement aux faucons qui étaient pour un pouvoir pur et dur. Un témoignage de N'Kema Liloo qui, en ce qui concerne la démocratisation de la RDC, est appelé le père de la Perestroïka.
L'histoire de la démocratisation est passée par plusieurs péripéties. C'est un courant dont les origines sont à la fois lointaines et immédiates. Tout a débuté par le dialogue prôné par les « colombes » ayant oeuvré dans les services de sécurité et d'intelligence de Mobutu. Dans lesquels l'ambassadeur N'Kema Liloo a travaillé. Après la libération des 13 parlementaires qui ont créé l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), ces colombes finissent par convaincre Mobutu à leur confier la tâche de dialoguer avec l'UDPS. Dont certains membres se sont retrouvés un peu partout dans les prisons et d'autres en relégation. Le président Mobutu voudrait que la négociation ait lieu à Gbadolite. Mais on lui propose Lubumbashi car, ont réfléchi les colombes, elles risquent de subir la pression de la présence du maréchal Mobutu.
L'ambassadeur N'Kema Liloo fait observer que ce dialogue a eu lieu et a abouti à la réhabilitation des parlementaires. C'est ainsi que beaucoup d'entre eux occuperont des postes dans l'administration publique. Et le président Mobutu proposera de nommer Tshisekedi, premier ministre, alors les négociateurs avaient préféré Ngalula Pandanjila. Tshisekedi, qui est informé, accepte mais pose une condition : il lui faut trois mois de reconstitution à l'étranger, rapporte la source.
Qui fait savoir que, comme les colombes étaient inspirées du modèle sénégalais, les deux parties se sont entendues. Et Tshisekedi est envoyé à l'étranger et est confié au chargé d'affaires du Zaïre en Suisse qui assumait l'intérim d'ambassadeur à Berne. « Il s'appelle Likoso qui deviendra d'ailleurs ambassadeur ».
LES FAUCONS AU SERVICE DU MAL
Malheureusement, déplore N'Kema Liloo, les faucons sabotent le résultat de la négociation parce qu'ils ne voulaient pas d'un premier ministre de l'UDPS, surtout pas d'un gouvernement de tendance. Ce qui les amène à violenter les leaders de l'UDPS dans leurs maisons la nuit. Certains leaders de l'UDPS se sont même retrouvés internés à la Clinique Ngaliema. « Cela a créé un émoi », se remémore l'ambassadeur Nkema Liloo. Qui raconte que « le lendemain matin, Katende m'a appelé de la Clinique Ngaliema où il était au chevet de quelques leaders de l'UDPS. Je l'y ai rejoint. De là, je suis allé directement au Mont Ngaliema proposer ma démission auprès du président Mobutu qui l'a refusé en présence de deux de ses collaborateurs qu'il a appelés. Il a menacé et dit qu'il ne voulait pas en entendre parler. Il fallait qu'on laissât faire ce qu'il a décidé. » Informé de cette situation, Tshisekedi quitte alors Lausanne où il était pour descendre à Bruxelles où il tient une conférence de presse, dénonçant le président Mobutu. C'est ainsi que ce processus s'est arrêté là.
Cette ouverture s'est également manifestée, notamment avec le dialogue amorcé avec les gendarmes katangais et le rapatriement des Congolais qui vivaient à l'étranger. J'avais proposé au président qu'on puisse dialoguer avec eux. C'était bien avant la guerre d'octobre 1996. Il n'y avait pas encore attaché vraiment beaucoup d'importance. On avait tout de même parlé mais les faucons s'y étaient opposés. Un jour, le président Mobutu m'a demandé si je tenais toujours à ce dialogue. J'ai répondu par l'affirmative en lui faisant remarquer que si nous ne dialoguons pas, une autre guerre risque d'être déclenchée. Cela a attiré son attention. Et il a autorisé ce dialogue. J'ai alors préparé ce dialogue avec les services angolais avec lesquels nous entretenions de bonnes relations. Les Angolais nous ont facilité le déplacement chez eux. Nous avons rencontré les dirigeants des gendarmes katangais en leur montrant l'avantage qu'ils avaient à regagner le pays par la voie normale plutôt que par celle de la guerre.
LE RETOUR AU BERCAIL
Nous avons donc dialogué et ramené une forte délégation à Kinshasa. Après, il y a eu, par la Zambie, la ruée de Gendarmes katangais qui rentraient par la voie de paix. Et je pense que le dialogue avec les gendarmes katangais a pu empêcher une troisième guerre. Et il y en a que je vois encore aujourd'hui qui sont dans l'armée où leurs grades avaient été maintenus et personne ne leur a fait du mal. L'ancien et premier inspecteur général de la Police, le général Kifwa, a dialogué et négocié avec moi.
« Ainsi, nous avons pu rapatrier paisiblement les grands opposants comme Cléophas Kamitatu, Ndele Albert, Soumialhot, toute la famille Tchombé, la famille Lumumba, etc. Au début, on devait s'occuper de leur sécurité. Mais après, ils ont réintégré leurs familles et ont agi comme tous les Congolais », indique la même source.
Outre cette ouverture, il faut noter aussi que le Mur de Berlin tombe sous l'effet de la Perestroïka.
Et les colombes prévoient que ce vent du Bloc communiste finira par avoir des effets en Afrique. Et elles ont le courage de le dire au président Mobutu, en citant même les pays qui pourraient être concernés, notamment le Gabon, la Côte d'Ivoire et la RDC, alors Zaïre. Notre source fait remarquer que les colombes ont procédé à une lecture historique des événements et fait des prévisions sur base des éléments d'histoire et de l'intérêt que le Zaïre présente par rapport à la stratégie mondiale, internationale. « C'est donc tout ça qui nous a poussés à prévoir que les pays qui pourraient connaître les effets de ce mouvement seraient ceux cités ci-haut », signale-t-elle. Informé des événements du Gabon où il y a eu des manifestations avec mort d'hommes et qui ont conduit l'armée française dans la rue, Mobutu réalise que cela devient sérieux. Et de poursuivre : « Il me pose la question de savoir si quelqu'un m'a informé. Je lui réponds par la négative et lui dis que mon travail est justement de scruter l'avenir. Il me demande si je crois que cela pourrait nous arriver. J'acquiesce et lui dis que beaucoup plus qu'il ne le pensait. Alors, il m'a dit que s'il en est ainsi, que je lui fasse un Plan de changement. Et c'est là que j'ai eu le feu vert ».
LES IMAGES MACABRES DE CEAUSESCU FONT TRÈS PEUR A MABUTU
La même source fait valoir que le deuxième événement mondial qui a avantagé la façon de penser des colombes a été également la situation qui a prévalu en Roumanie où le président Ceausescu a fini par être assassiné après une manifestation violente des Roumains. « Mais, en réalité, confie-t-elle, c'était une situation qui était préparée par des forces démocratiques euro-américaines. Et j'ai pris une cassette que j'ai remise au président Mobutu. Et d'après ce que j'ai appris, il n'a pas supporté de la visionner. Je lui ai dit que pareils événements pourraient nous arriver et que c'est pour ça qu'il faut dénoncer les choses. »
Aussi Mobutu acceptera-t-il l'organisation des consultations populations sous la bannière des colombes. « Mais connaissant le président Mobutu, nous nous sommes dit qu'il n'aimera pas opérer des changements comme si ceux-ci lui sont dictés par une quelconque puissance ou par un quelconque mouvement. Il faudrait qu'on lui donne l'impression qu'il opère des changements sur base de la demande populaire. Comme on sait qu'il y a une demande de libéralisation dans la population, il faut qu'il le fasse par des consultations populaires. »
La source renseigne qu' « immédiatement, d'autres problèmes s'étaient présentés : le premier, qui devait conduire ces consultations populaires. Le président avait une préférence pour un homme des services. Mais mon équipe et moi-même avions une préférence pour un homme reconnu comme étant de l'opposition. Et je voulais, évidemment, puiser dans l'UDPS. Il a, pour cela, nommé M. Mokolo wa Mpombo pour diriger ces consultations populaires ».
Et d'ajouter : « Le deuxième problème s'est posé à la fin de ces consultations. Comment le rapport va-t-il être présenté ? Le président va-t-il opérer ces changements lui-même ou à travers les organes constitutionnels ? Tout de suite, après quelques investigations, nous nous sommes rendus compte qu'il fallait que le président le fasse lui-même parce qu'il y aurait beaucoup de résistance au sein des organes institutionnels existants, notamment le Comité central, le Bureau politique, etc. ».
CONSULTATIONS POPULAIRES
Avant les consultations populaires, des missions secrètes ont été envoyées dans les provinces. « Des gouverneurs qui partageaient notre tendance de libéralisation, ont travaillé avec nous. Et là, nous avons envoyé des gens plus ou moins ouverts. Mais dans les provinces où les gouverneurs ne partageaient pas notre tendance, nous avons dépêché des agents secrets. Après les investigations, nous savions ce que la population pensait et voulait : le changement ». La population ne demandait pas le départ de Mobutu mais elle voulait que celui-ci se dessaisisse de la plupart de ses pouvoirs et qu'il les confie au gouvernement et surtout au parlement. Et que le comité central n'ait plus aucun rôle à jouer.
A noter que, dès le début, les faucons étaient contre les consultations populaires débutées fin février 1990 à Goma. « Le président m'appelle le soir pour me montrer une lettre écrite par le leader des faucons. Celui-ci dit que c'est une aventure des partisans du marxisme ou du socialisme. On me prenait pour un socialiste. Alors, j'ai demandé au président si on pouvait lui proposer une alternative. Il m'a encouragé à débuter les consultations. Toutefois, je lui ai dit que s'il constate, à la fin, que je l'ai mis en difficultés, il pouvait disposer de moi. Nous sommes donc partis à Goma. C'était terrible, le premier jour. C'était pour la première fois que le président Mobutu entendait des critiques sur lui, son pouvoir et ses collaborateurs. Il transpirait de grosses gouttes. Le directeur de cabinet du président de la République Mokonda Bonza et moi avons suggéré au ministre de l'Intérieur de l'époque, Mozagba Ngbuka, d'arrêter. C'est ce que nous avons fait et nous avons convenu de continuer l'après-midi. »
Source: http://fr.allafrica.com
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