ABIDJAN, 22 avril (Xinhua) -- La Côte d'Ivoire a abordé un nouveau virage de son paysage politique depuis le 11 avril, date de l'arrestation du président sortant ivoirien, Laurent Gbagbo.
Après une offensive menée le 31 mars par les troupes des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI, forces pro-Ouattara) sur Abidjan, la capitale économique ivoirienne a vécu des moments douloureux caractérisés non seulement par des scènes de pillages, des agressions et exactions, mais aussi par des actions de résistance des miliciens pro-Gbagbo.
L'opération de pacification de la ville entreprise par le nouveau pouvoir bute ainsi sur l'intransigeance des miliciens pro- Gbagbo qui refusent de déposer les armes en dépit de la "mise sous l'éteignoir" de leur leader.
Les miliciens partisans de Gbagbo refusent de reconnaître Alassane Ouattara comme président de la République et continuent de sévir dans le quartier de Yopougon réputé pour être le bastion du président sortant ivoirien, alors que les autres quartiers d'Abidjan vivent dans une relative normalité.
UNE CAUSE PERDUE ?
A bout de patience, les FRCI en charge de sécuriser Abidjan et de rassurer tous ses habitants pour une reprise effective du travail ont lancé mercredi une offensive en vue de démanteler les dernières poches de résistance.
"Les miliciens défendent une cause perdue. Laurent Gbagbo pour qui ils se battaient a été arrêté, le commandant de la garde républicaine le général Dogbo Blé qui était l'un de leurs soutiens a aussi été arrêté. Il faut qu'ils arrêtent de combattre car cela ne sert à rien", avait déclaré le porte-parole du ministre de la Défense du gouvernement Ouattara, le capitaine Léon Alla.
"Les miliciens sont isolés. Ils doivent comprendre que nous sommes tous des frères et qu'ils se doivent de discuter et de négocier pour trouver un terrain d'entente", avait pour sa part énoncé mercredi le commandant Issiaka wattao, l'un des officiers des FRCI.
Toutefois, force est de reconnaître que l'offensive des FRCI pour démanteler les positions des miliciens pro-Gbagbo a été rendue difficile par le fait que ceux-ci se sont mélangés aux civils qu'ils utilisent pratiquement comme des boucliers humains.
Pour éviter de faire d'importants dégâts parmi la population civile, des responsables des FRCI ont établi le contact avec des responsables de miliciens, dans l'objectif de déposer les armes de façon pacifique.
Selon des informations concordantes, certains miliciens ont compris le message, et sont prêts à faire taire les canons. L'un des responsables de miliciens prénommé Magui a demandé à ses camarades de déposer les armes, en exprimant toutefois leurs préoccupations qui s'articulent autour de leur prise en compte dans le programme de réinsertion, et l'intégration de certains d'entre eux au sein des FRCI.
"Les miliciens s'inquiètent pour leur avenir après la crise. Certains ont tout abandonné pour devenir miliciens depuis plus de huit ans. Ils ont besoin de garantie. Certains veulent des compensations financières", a expliqué Romuald Gnoléba, un responsable des "jeunes patriotes" (jeunes pro-Gbagbo) de Yopougon, estimant qu'il suffit pour les autorités de poser des actes pour les rassurer.
Cependant, si certains groupes de miliciens ont accepté de ne plus faire usage des armes, d'autres groupes restent encore sourds aux appels qui leur sont lancés.
Plusieurs fois, ils se sont attaqués à des positions tenues par les FRCI et ils continuent de régner en maîtres dans des sous- quartiers tels que Yopougon Sicogi, Yopougon Niangon, Locodjro, Sideci, et Toits Rouges qu'ils contrôlent.
Malgré la réalité de l'actualité, certains d'entre eux continuent toujours de croire au retour de leur leader Laurent Gbagbo et ne sont pas prêts à obéir à une autre personne.
"Le président élu n'étant pas là, nous considérons que le pouvoir est vacant. Dans ce genre de situation, il y a une autre disposition qui est prévue par la constitution ivoirienne", avaient confié à la presse des jeunes partisans de Laurent Gbagbo le lendemain de son arrestation.
"La partie est loin d'être terminée. Le président étant empêché, la constitution recommande que le président de l'assemblée nationale assure son intérim", avait renchéri pour sa part le conseiller spécial du président sortant ivoirien en Europe, Toussaint Alain.
Ces différentes allégations expliquent les attitudes de défiance à l'égard des nouvelles autorités du pays, mais bien de personnes se demandent jusqu'où iront les factions intransigeantes.
"Les FRCI dans un souci d'apaisement jouent d'abord la carte du dialogue. Mais si ce dialogue échoue, ils seront obligé de donner aux miliciens de Yopougon un délai après lequel ils vont mener une opération de nettoyage", avait affirmé un officier de cette force.
LA GUERRE DES FACTIONS
Il convient toutefois de reconnaitre que les obstacles au processus de pacification et de normalisation ne sont pas seulement du côté des miliciens pro-Gbagbo.
La guerre des factions visible chez les miliciens divisés sur la question de la cessation des hostilités fait aussi rage chez les forces pro-Ouattara.
Mercredi, des affrontements ont eu lieu entre deux factions des FRCI qui se battaient pour le contrôle de la ville portuaire de San Pedro.
Dans le même temps, le "commando invisible" (groupe armé pro- Ouattara) a accusé les FRCI d'avoir attaqué ses positions à Abobo (quartier pro-Ouattara).
"Le commando invisible ira seulement faire allégeance à Alassane Ouattara qui est le chef suprême des armées, et non à quelqu'un d'autre", avait lancé le capitaine Aka Meyo, porte- parole du patron du "commando invisible", le "général" Ibrahim Coulibaly.
Aux premières heures de la crise armée, le "commando invisible" avait combattu les Forces de défense et de sécurité (FDS, forces pro-Gbagbo) à Abobo.
Mais, d'anciennes querelles entre Ibrahim Coulibaly et Guillaume Soro, premier ministre et ministre de la défense de Ouattara, semble refaire surface.
L'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) ne semble pas du tout apprécier cette guerre des factions rivales qui risque de compromettre la paix en Côte d'Ivoire.
LA MISE EN GARDE DE l'ONU
Lors de la conférence hebdomadaire de l'ONUCI jeudi à Abidjan, le porte-parole de cette structure onusienne Hamadoun Touré a mis en garde les factions détentrices d'armes lourdes qui continuent de faire des dégâts parmi la population civile.
"L'utilisation des armes lourdes est inacceptable. L'ONUCI a reçu mandat de mettre hors d'état de nuire ces armes selon la résolution 1975 du conseil de sécurité", a prévenu M. Touré.
De l'avis de celui-ci, il ne faut pas que les conflits entre factions compromettent la vaste opération de pacification en cours, une opération dans laquelle sont impliquées les forces de l'ONUCI et de la Licorne (force française) aux côtés des autorités et des forces ivoiriennes.
Lors d'une rencontre jeudi avec le président du parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, parti allié à celui de Ouattara), le président élu ivoirien reconnu par l'ONU Alassane Ouattara a réitéré sa volonté de voir la normalité devenir une réalité.
Plusieurs chantiers et plusieurs défis attendent M Ouattara, pour la reconstruction de la Côte d'ivoire, pour son développement et pour la réconciliation des filles et filles du pays.
Mais le préalable est et demeure la sécurité, afin que les travailleurs dans leur ensemble reprennent leurs activités dans la sérénité et dans la tranquillité.
La poursuite des tirs à l'arme lourde et à l'arme automatique à Abidjan principalement dans la zone de Yopougon continue de donner des soucis à une frange de la population qui se demande si les miliciens pro-Gbagbo vont accepter la paix, et surtout quand cette paix sera une réalité.
LA PAIX EST POSSIBLE
Nombreux sont les observateurs qui croient cependant que la pacification totale du pays est possible et que les résistants pro- Gbagbo iront jusqu'à la paix.
"Tout changement est difficile. Les habitudes ont la peau dure. Mais les armes finiront par se taire et chacun acceptera la réalité", a relevé un observateur.
Entre impatience et espoir, la Côte d'Ivoire se trouve dans l'attente d'une normalisation effective, après les violences post- électorales qui se sont soldées par l'arrestation du président sortant ivoirien le 11 avril.
La crise post-électorale ivoirienne opposant le président sortant investi par le Conseil constitutionnel et le président déclaré élu par la Commission électorale indépendante ivoirienne (CEI) et reconnu par l'ONU Alassane Ouattara a duré plus de quatre mois et a fait plus d'un millier de morts, selon l'ONU.
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