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les Etats africains sont premiers à déférer des situations, dit la vice-présidente

YAOUNDE, 21 juin (Xinhua) -- Une mission de la Cour pénale internationale (CPI) conduite par la vice-présidente Fatoumata Dembele Diarra, séjourne au Cameroun pour une campagne d'appel aux avocates africaines, alors que le débat sur la crédibilité de cette institution accusée de justice à géométrie variable reste vivace sur le continent.

Dans une interview accordée à Xinhua lundi soir, Mme Dembele Diarra a justifié les poursuites dirigées contre les dirigeants africains en affirmant que "les Etats africains ont été les premiers et continuent à déférer des situations devant la Cour".

Question : Quel est l'objet de votre visite au Cameroun ?

Réponse : Nous sommes arrivés ici au Cameroun dans le cadre du lancement de la campagne d'appel aux avocates africaines, parce qu' actuellement dans la mise en oeuvre du gender dans toutes les institutions, la Cour souhaite avoir les femmes africaines comme avocates pour permettre à nos suspects, à nos victimes de choisir entre avocates femmes ou hommes. S'il n'y a que des hommes, cela leur impose d'avoir des avocats hommes et ce n'est pas évident. Certaines victimes, surtout les victimes de crimes sexuels, semblent être plus à l'aise avec les femmes qu'avec les hommes. Et en marge de la campagne, nous avons aussi en direction de deux universités, des activités d'information et de sensibilisation, parce que l'avenir de la Cour, c'est la jeunesse. Donc, il faut que ces jeunes soient déjà informés des activités de la Cour, de ses difficultés pour qu'ils réfléchissent déjà comment lever les goulots d'étranglement auxquels font face les aînés que nous sommes et qui travaillons aujourd'hui à la Cour.

Q : De quelles universités s'agit-il ?

R : L'Université de Yaoundé II et l'IRIC (Institut des relations internationales du Cameroun).

Q : En Afrique justement, la CPI est accusée de pratique une justice à géométrie variable, où les dirigeants africains les plus visés par les procédures, alors que dans d'autres régions du monde, l'Occident en l'occurrence, des leaders méritent aussi d'être poursuivis pour des crimes jugés par la Cour : crimes contre l' humanité et crimes de guerre. Que répondez-vous ?

R : Vous savez, le groupe africain au sein de la CPI est le groupe plus important. Les Etats africains aujourd'hui sont au nombre de 31 (sur 115) Etats parties. Donc, c'est eux qui ont été les premiers et qui continuent à déférer des situations devant la Cour. Est-ce que vous permettez à la Cour de refuser de prendre les requêtes, les demandes des Etats africains déposées auprès de la Cour pour examiner les crimes perpétrés sur leurs territoires en vue d'en rechercher et poursuivre les auteurs ? Ce n'est pas possible.

Donc, ceux qui se plaignent du trop grand nombre de suspects africains poursuivis devant la Cour devraient se soucier aussi un peu du sort de ces milliers et ces milliers de victimes. Peut-être que sans l'intervention de la Cour pénale internationale, les victimes des crimes africains n'auraient jamais eu de réponse, même de tentative de réponse à leur besoin de réparation et de justice. Les Etats africains savent que la Cour fonctionne sur le principe de la complémentarité, c'est-à-dire que les Etats eux- mêmes, qui ont la responsabilité première de poursuivre et de juger les crimes qui interviennent sur leurs territoires, lorsqu' ils n'ont pas les moyens ou la volonté, parce que leurs propres agents sont impliqués, ils doivent avoir recours à la Cour pénale internationale.

Dès lors que les chefs d'Etat et les gouvernements africains choisissent de déférer les situations devant la Cour, ça veut dire qu'eux-mêmes ont estimé que la Cour étaient mieux armée pour poursuivre et enquêter sur ces crimes par rapport à leurs juridictions. Nous sommes des Etats en voie de développement et notre sous-développement se ressent au niveau de tous nos appareils. Que ça soit l'école, la santé, la justice, nous avons beaucoup de progrès à faire pour être au niveau des institutions de ces pays occidentaux. Il est arrivé que le procureur prenne des initiatives pour ouvrir des enquêtes, mais généralement c'est les Etats africains eux-mêmes qui ont déféré les cas devant la CPI.

Q : Beaucoup de citoyens africains ont été tués pendant des actions entreprises par des leaders occidentaux, parfois pour débarquer un chef d'Etat africain ou pour d'autres raisons. Peut- on s'attendre à qu'un jour la CPI s'intéresse à ces cas-là ?

R : Cela dépend, parce que si les faits sont survenus avant l' entrée en vigueur des statuts de la Cour (en 2002), la Cour n' ayant pas de compétence rétroactive, il n'est pas question qu'elle examine ces cas. Si ces faits sont intervenus après l'entrée en vigueur de nos statuts, il faut qu'il y ait saisine de la Cour. Les saisines de la Cour, c'est quand les faits ont eu lieu sur le territoire d'un Etat partie ; il faut que cet Etat partie saisisse la Cour de ces faits-là. Si les faits ont eu lieu sur le territoire d'un Etat non partie, il faut que le Conseil de sécurité (de l'Onu) puisse saisir la Cour de ces faits. Si encore il s'agit d'Etats parties, le procureur lui-même peut faire une auto-saisine, ce qu'on appelle saisine proprio moto.

Q : Un autre sentiment se dégage sur le fait que la CPI prend une dimension de plus en plus politique. On l'a vu avec la Côte d' Ivoire et la Libye où le procureur s'est empressé de monter au créneau pour menacer de poursuites les parties désavouées par l' Occident. Est-ce que vous pouvez dire que ce sentiment n'est pas fondé ?

R : Le procureur a pu faire ça par rapport à la Côte d'Ivoire parce que la Côte d'Ivoire avait accepté la compétence de la Cour. La Côte d'Ivoire avait déposé une déclaration en 2003 pour dire qu' elle reconnaissait la compétence de la Cour. C'est sur la base de ça que le procureur a pu dire qu'il suivait avec beaucoup d' attention les crimes qui sont en train de se perpétrer là-bas. Les Africains ne doivent pas voir ça d'un mauvais oeil. Je ne travaille pas dans le bureau du procureur, je ne le défends pas. Mais, je pense que de telles déclarations vont dans l'intérêt des populations africaines, en raison de leur valeur dissuasive. Parce que les gens qui ont l'arme à la main, qui ont le projet de tuer, en entendant les déclarations comme ça, ça a plutôt un effet de retenue sur les potentiels criminels. Et par rapport à la Libye, c' est le Conseil de sécurité qui a dit qu'il allait déférer le cas de la Libye à la Cour. Sinon, la Libye n'étant pas Etat partie, le procureur n'avait aucune possibilité d'effectuer une enquête par rapport aux crimes qui sont commis là-bas.

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