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La lente agonie de l'industrie sucrière mauricienne

PORT-LOUIS, 12 août (Xinhua) -- Epine dorsale de l'économie pendant plus de deux siècles, au coeur des immigrations qui ont peuplé l'île Maurice, la canne à sucre connaît aujourd'hui une mort lente. Chaque année qui passe apporte son lot de mauvaises nouvelles et les dernières en date jettent une ombre encore plus menaçante pour une industrie qui a fait vivre des milliers de Mauriciens jusqu'à la première décennie après l'indépendance.

La Chambre d'Agriculture prévoit une production de 390 000 tonnes de sucre contre 420 000 tonnes initialement, selon un communiqué diffusé au début du mois d'août. Ce qui va représenter un manque à gagner de près de 45 millions US$. Les raisons avancées par la Chambre sont que les conditions climatiques ne sont pas améliorées depuis le début de la saison quand la sécheresse a frappé l'île de l'océan Indien.

Cette situation a perduré pendant tout l'été au moment même où la canne était en croissance et avait le plus besoin d'eau. L' irrigation n'a pas suffi en raison de l'assèchement des nappes phréatiques.

D'autres menaces planent sur le sucre. Ainsi le Joint Negociating Panel (JNP) syndical compte non seulement entamer des procédures légales contre la Mauritius Sugar Producers Association (MSPA), mais envisage également une grève générale en septembre. Cette plateforme syndicale conteste la demande des producteurs auprès de la Cour suprême pour une révision judiciaire des recommandations de la Commission Conciliation et Médiation (CCM) alors que le délai de trois mois pour une telle action a expiré.

Le litige entre les employeurs et les ouvriers, dure depuis plus d'une année et même l'intervention du ministre du Travail et des Relations Industrielles n'y a rien fait. Cette impasse se couple à un autre problème de manque de main d'oeuvre. Effectivement, l'industrie sucrière qui fournissait du travail à quelques 100 000 personnes après la période postindépendance emploie moins de 10 000 personnes aujourd'hui.

Les Mauriciens qui sont venus sur l'île pour travailler principalement dans les champs n'ont pas encouragé leurs enfants à les suivre préférant investir dans leur éducation. Des demandes des planteurs pour l'importation de la main d'oeuvre étrangère sont restées lettre morte jusqu'ici en raison de problèmes liés aux ouvriers étrangers dans d'autres secteurs comme le bâtiment et le textile.

Les planteurs sont aussi découragés. D'une part, leurs enfants, devenus aujourd'hui médecins, avocats, comptables ou enseignants ont délaissé l'agriculture. N'ayant pas les compétences nécessaires pour faire face aux mutations du secteur, ils abandonnent peu à peu les champs ou les convertissent en terrain résidentiel.

Ainsi, près de 500 planteurs ne se sont pas enregistrés pour la campagne de 2011, compte tenu de ces difficultés. Sur 77 000 hectares de terres sous canne, 28 000 planteurs et 14 usines, aujourd'hui il en reste moins de 60 000 hectares, moins de 20 000 planteurs et 4 usines. En 2010, 1 632 hectares de terre ont été abandonnés.

Les revenus aux producteurs sont passés de près de 345 millions à 241 millions US$, au cours des cinq dernières années. La cause est bien évidemment la fin du Protocole Sucre qui avait garanti le prix pendant des décennies aux petits pays producteurs avec les accords de Lomé. Mais avec l'avènement de l'Organisation Mondiale du Commerce les tarifs préférentiels ont disparus et les compensations de l'Union européenne n'ont pas suffi.

Seuls les gros producteurs sucriers arrivent à tirer leur épingle du jeu, avec la diversification, à coup de millions (70 millions US$ ont été investies dans deux raffineries) ou dans la production d'alcool et de rhums. Mais beaucoup ont tout simplement mis la clé sous le paillasson. Il ne reste en effet que quatre usines en service alors qu'elles étaient plus d'une vingtaine en au début des années 70. La plupart se sont reconvertis d'abord dans le textile puis ensuite dans le tourisme. L'aventure du sucre à Maurice vit ainsi son crépuscule à moins de trouver une utilisation plus rentable que de sucrer le thé ou le café.

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