LE CAIRE, 25 août (Xinhua) -- Les rebelles libyens célèbrent depuis mardi leurs victoires successives dans la liesse, après être entrés dans la capitale Tripoli et dans d'autres grandes villes du pays.
Mais tout comme il est devenu clair pour tous que le règne de 42 ans de Mouammar Kadhafi touche à sa fin, il est également évident que les rebelles, sous la protection des forces étrangères au cours du conflit intérieur violent de six mois avec les forces gouvernementales, semblent pour l'instant incapables de proposer une vision claire pour l'avenir de ce pays d'Afrique du Nord, qui se trouve à l'heure actuelle dans une situation de grande désorganisation.
Mercredi soir, le chef des rebelles libyens Mahmoud Jibril a parlé avec le président français Nicolas Sarkozy à Paris des inquiétudes concernant les situations sécuritaire et économique en Libye et de l'importance de la réunion du groupe de contact prévue le 1er septembre. Beaucoup estiment que le processus de reconstruction de ce pays riche en pétrole ne pourra qu'être difficile.
ASSURER LA SECURITE
Côté sécurité, les dernières forces de Kadhafi constituent une menace importante.
Les rebelles ont saisi mardi le bastion de Bab al-Azizya de Kadhafi à Tripoli, mais ils n'ont pas trouvé trace du dirigeant libyen, qui a fait savoir plus tard que son retrait du bastion était une manoeuvre tactique.
Du fait que le lieu où se cachent les fils de Kadhafi reste également incertain pour le moment, et que des défaillances en termes de communication sont clairement apparues en début de semaine à l'occasion de la fausse arrestation de Saïf al-Islam Kadhafi, le fils bien connu du colonel, les rebelles se doivent de rester vigilants face aux forces qui restent encore fidèles à Kadhafi, lesquelles pourraient se cacher n'importe où à l'intérieur ou autour du pays, et préparer une contre-offensive.
Par ailleurs, selon certains reportages, la quantité importante de missiles et d'armes chimiques dont les forces de Kadhafi disposeraient, incluant plus de 10 tonnes de gaz moutarde (selon des estimations des Etats-Unis), pourrait constituer un élément de tractation clé lors des négociations avec les rebelles, qui espèrent ardemment gouverner le pays.
"Ils [les rebelles] n'ont pas encore arrêté Kadhafi, et par conséquent, la situation n'est toujours pas claire pour l'instant", a souligné Mahmoud Alnubi, rédacteur politique pour le journal égyptien Al-Ahram (les Pyramides).
DEFIS POLITIQUES
En dépit de sa volonté de gouverner et de la confiance affichée en sa capacité d'amener les plus de 6,4 millions d'habitants que comptent leur pays vers la démocratie, le Conseil national de transition (CNT) n'a pas réussi à convaincre les pays étrangers qu'il sera pleinement en mesure d'assumer le pouvoir.
La victoire des rebelles sur Kadhafi (comme ils l'ont proclamée) n'aurait pu advenir sans l'appui des raids aériens occidentaux, qui ont commencé à la mi-mars et ont fortement réduit les forces du gouvernement libyen, préparant le terrain pour que les combattants de l'opposition puissent progresser.
Actuellement, plus de 40 pays, dont la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, ont reconnu le CNT comme le seul représentant légitime du peuple libyen. Mais dans le camp des rebelles, aucune ligne directrice ne prévaut pour le moment, et il pourrait y avoir une lutte de pouvoir au sein des instances dirigeantes, a souligné M. Alnubi, ajoutant que cela engendrerait alors une certaine instabilité, au moins à court terme.
Comme des élections transparentes et équitables dans des délais rapprochés est le seul moyen de rendre le gouvernement des rebelles démocratiquement légal, il y a une nécessité urgente de créer plus d'un parti dans le pays, afin d'assurer la pluralité du scrutin. Mais cette tâche semble presque impossible du fait que Kadhafi, qui escomptait se maintenir au pouvoir sur la durée, a interdit tous les partis politiques dans le pays pendant son règne sans partage.
Par ailleurs, les soldats rebelles venus de la partie occidentale de la Libye ont été en conflit récemment avec ceux venus de la partie orientale au sujet de la vitesse de leur avancée lors de la prise de la capitale, et beaucoup craignent que la désunion entre de nombreuses tribus et factions ne risque de transformer la Libye en une seconde Somalie après l'effondrement d'un régime autoritaire.
DIFFICULTES ECONOMIQUES
Sans stabilité politique, l'économie fortement mise à mal de la Libye restera en danger pendant un certain temps et la reprise économique sera difficile.
Après le conflit prolongé, il y a des pénuries en matière d'électricité, d'assistance médicale, d'eau propre et d'alimentation. "Comment assurer un retour à la vie normale, c'est le problème le plus important auquel vont devoir faire face les rebelles", a estimé M. Alnubi.
Par ailleurs, au pouvoir depuis 42 ans, Kadhafi a fourni au peuple libyen certaines garanties de subsistance de base, mais il a aussi dilapidé de grandes richesses. Il a été critiqué pour avoir fixé des plafonds pour les salaires, ne pas avoir investi dans la structure civile et laisser perdurer un taux de chômage élevé.
S'engageant à apporter une nouvelle vie aux Libyens, les rebelles doivent se doter d'un ensemble de plans pour assurer une économie plus vigoureuse et de meilleures conditions de vie.
En tant qu'important producteur de pétrole, Tripoli va maintenant faire face à des difficultés pour arriver à restaurer d'ici un ou deux ans sa production et ses exportations de pétrole, estiment les experts, après la destruction d'installations dans les importantes villes pétrolières telles que Brega et Las Ranouf.
Par conséquent, le dégel des avoirs, qui pourraient être utilisés pour répondre aux besoins fondamentaux, est considéré comme un moyen de levier essentiel pour le nouveau gouvernement qui devra s'efforcer de jeter les fondements pour la reconstruction du pays, ainsi que pour la restauration de la confiance du peuple.
Mais alors que les Etats-Unis ont demandé au Conseil de sécurité de l'ONU de dégeler les 1,5 milliard de dollars d'avoirs libyens, l'Afrique du Sud et la Russie, entre autres, dans un comité de l'ONU sur les sanctions contre la Libye où les propositions sont adoptées par consensus, ont exprimé des réserves sur cette proposition. Parallèlement, certains analystes doutent aussi de la capacité des rebelles à utiliser cet argent à bon escient.
Avec une extrême confiance, M. Jibril a déclaré lors de la réunion de mercredi avec M. Sarkozy : "nous allons développer une société civile qui inclura tous les Libyens qui souhaitent reconstruire leur pays pour les générations futures". Mais il reste à voir si ces bonnes paroles seront suivies de mesures concrètes et de résultats.
Naviguer à travers les articles | |
La Libye aura de nombreux obstacles à surmonter | Ouattara, cent jours après |
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
|