BRUXELLES, 6 septembre (Xinhua) -- A
l'heure où le régime s'effondre, la Libye se prépare activement à passer à l'ère
post-Kadhafi. Mais une transition démocratique et pacifique du pouvoir dans ce
pays d'Afrique du Nord s'avère plus facile à proclamer qu'à réaliser dans la
pratique.
Au fur et à mesure que les bastions de Mouammar Kadhafi tombent aux mains des
rebelles, dirigés par le Conseil national de transition (CNT), les écarts qui se
creusent entre les nouveaux dirigeants et le peuple libyen pourraient s'élargir
davantage.
L'Union européenne (UE), groupement de pays proche et riche, a reconnu le CNT et
lui a fourni de l'aide plusieurs mois avant que Kadhafi ne soit écarté du
pouvoir. Mais certains observateurs s'interrogent encore sur la crédibilité du
CNT.
"Le sort de la Libye est plein d'incertitudes. La fiabilité du CNT est source de
doutes dans les pays européens", a dit à l'agence Xinhua Rym Ayadi, directeur du
Groupe d'étude sur les perspectives méditerranéennes, basé en Belgique.
Selon l'analyste, l'organe politique de la rébellion libyenne n'a pas été à même
de prouver complètement sa capacité à agir sans l'aide internationale au cours
du conflit. La victoire des rebelles à Tripoli n'a été possible, dans une large
mesure, que grâce à l'ONU, laquelle avait adopté une résolution imposant une
zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, et grâce à l'OTAN, qui a
mobilisé à cet effet ses forces aériennes, ainsi qu'à la Ligue arabe, qui a
condamné le "régime brutal" de Kadhafi.
D'aucuns attirent l'attention sur le fait que le CNT n'a pour l'heure pas défini
de programme politique national et qu'il a échoué à se rendre légitime
politiquement auprès des Libyens.
"Il existe de nombreuses factions politiques différentes au sein du CNT. On y
trouve les monarchistes, les nationalistes, les nasseristes, les islamistes et
les jihadistes. Le défi majeur auquel est confrontée la Libye est de faire
converger et d'unir toutes les courants politiques sous la bannière du CNT", a
indiqué à Xinhua Kader Abderrahim, chercheur à l'IRIS en France.
Le CNT livre une bataille pour sa reconnaissance non seulement à l'intérieur de
la Libye, mais aussi au-delà de ses frontières, notamment parmi les pays arabes.
Certains pays comme l'Algérie et l'Ouganda se sont montrés fort peu
enthousiastes à l'égard des opérations de l'OTAN en Libye.
Après tout, Kadhafi était l'un des plus grands donateurs de l'Union africaine (UA).
Quand un embargo commercial a été imposé contre la Libye par les pays
occidentaux, Kadhafi a choisi d'investir massivement sur le continent africain,
en lui procurant du pétrole à bon prix et en y mettant en oeuvre des projets
d'infrastructure, si bien que la Libye est devenue l'acteur le plus influent
d'Afrique du Nord. Par conséquent, les pays bénéficiaires se sont montrés
méfiants à l'égard du CNT pour des raisons économiques et politiques.
La semaine dernière, le président français Nicolas Sarkozy a invité les
dirigeants des divers pays du monde à se réunir pour une grande conférence à
Paris pour discuter de l'avenir de la Libye. Selon certains commentateurs, le
fait que le président sud-africain a choisi de ne pas assister à cette
conférence n'est guère un signe de confiance à l'égard du CNT.
L'Algérie, qui a accordé l'asile à certains membres de la famille de Kadhafi,
n'a pas encore officiellement reconnu le CNT. En mars dernier, elle avait voté
contre une résolution importante de la Ligue arabe qui épaulait l'action de
l'OTAN en vue de soutenir les rebelles libyens.
Aujourd'hui, la Libye est un pays meurtri, qui doit être complètement
reconstruit. Même durant l'ère Kadhafi, les institutions gouvernementales
étaient déjà souvent faibles et trop bureaucratiques, voire tout simplement
inexistantes.
"Les élections ne mènent pas automatiquement à la démocratie, car la culture
démocratique requiert temps et éducation", a fait remarquer Bichara Khader,
directeur du Centre de recherche sur le monde arabe contemporain.
La tâche immense de la reconstruction de la Libye offre des opportunités à des
pays et des hommes d'affaires à travers le monde.
Mais on peut se demander quels pays pourront tirer profit du nouveau régime
libyen.
Comme ce fut le cas en Irak, il se dit que les pays qui ont pris part à la
guerre prendront leur part de bénéfices politiques et commerciaux. Cela
inclurait alors notamment la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, pays
à la tête des opérations de l'OTAN en Libye.
Les principaux partenaires commerciaux, comme la Chine, auront aussi un rôle à
jouer.
"C'est un jeu gagnant-gagnant. Les pays comme la Chine et la Russie, qui se sont
abstenus lors du vote au Conseil de sécurité et qui se sont abstenus de soutenir
les rebelles les premiers temps ne seront pas punis, mais ils pourraient être
mis sur la touche, de façon temporaire seulement", a estimé M. Khader.
La porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Jiang Yu, a
déclaré mardi lors d'une conférence de presse que le chaos actuel en Libye
serait de courte durée, mais que l'amitié entre la Chine et la Libye durerait
éternellement. Elle a également noté que la communication entre la Chine et le
CNT était bonne.
Mme Jiang a indiqué que les Nations unies devaient jouer un rôle central dans la
reconstruction post-conflit de la Libye, et elle a ajouté que la Chine était
prête à oeuvrer avec le reste de la communauté internationale pour améliorer la
situation dans ce pays et l'aider à effectuer sa transition vers la paix, la
réconciliation et la reconstruction dans les meilleurs délais.
Elle a enfin souligné que la Chine était prête à relancer sa coopération
économique et commerciale avec la Libye conformément aux principes de bénéfice
mutuel et du respect réciproque.
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