YAOUNDE, 11 octobre (Xinhua) -- Rarement représentés dans les
bureaux de vote, les partis d'opposition ayant présenté des candidats à la
présidentielle tenue dimanche au Cameroun, ont sous-estimé la conquête
électorale, a jugé à Xinhua Cirille Roland Nyeck, directeur exécutif de
l'Institut pour la gouvernance en Afrique centrale (IGAC), organisme indépendant
basé à Yaoundé.
Neutralité contestée des responsables d'Elections Cameroon (ELECAM), organe
électoral, impréparation des partis politiques, annonce tardive de la
candidature du président sortant et appels au boycott sont autant de facteurs
pouvant expliquer le fable engouement manifesté par les électeurs lors de ce
scrutin, observe cet analyste politique.
Quelle analyse faites-vous de l'élection présidentielle du
9 octobre au Cameroun ?
Nous avons observé avec attention le comportement du corps électoral au
cours de la journée électorale du 9 octobre. Nous avons constaté qu'il n'y avait
véritablement pas d'engouement de la part des citoyens camerounais, que ce soit
au Cameroun ou à l'extérieur du pays. Tout de même, cette journée s'est déroulée
dans un calme discutable. Nous avons appris qu'il y aurait eu un certain nombre
d'incidents, notamment dans les régions de l'Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun,
ainsi qu'en Belgique où pendant plusieurs heures un certain nombre de citoyens
auraient été retenus dans les locaux de la police. Tout cela ne dénote pas d'une
sérénité, mais plutôt d'une situation de frénésie qui, à notre sens, peut
révéler un certain nombre de problèmes que ce processus électoral va
certainement connaître.
Selon vous, à quoi est dû le faible
engouement des électeurs ?
Le faible engouement des électeurs est facilement compréhensible. Je pense
qu'il dénote d'un manque de confiance des citoyens vis-à-vis du système
électoral et des acteurs politiques. On a tous connu le processus qui a conduit
à la création d'ELECAM et les difficultés qu'ELECAM a eues à confirmer sa
légitimité au niveau national. Ce processus de mise en place de l'organe chargé
d'organiser les élections a véritablement conduit à un désamour des citoyens
vis-à-vis de cet organe. Mais aussi, les acteurs eux-mêmes chargés d'animer cet
organe n'ont pas toujours fait l'unanimité, que ce soit le président Fonkam
Azu'u dont la neutralité a été et continue d'être contestée aujourd'hui, en
passant même par certains acteurs de la société qui font ou faisaient partie de
cet organe électoral. Je pense ici à Mme Biyong Pauline qui a été exclue de cet
organe à quelques heures de l'élection présidentielle. Ce ne sont pas des
situations qui sont de nature à rassurer les électeurs et ça peut justifier la
réserve que certains électeurs ont manifestée vis-à-vis de ce système électoral.
A côté aussi, nous avons les acteurs politiques qui étaient en course, notamment
les candidats eux-mêmes. Le candidat du RDPC, le président Biya traînait avec
lui le grief selon lequel 29 ans de pouvoir, c'est beaucoup. Evidemment, les
militants du RDPC certainement sont allés au vote, mais le RDPC n'a pas réussi à
pêcher au-delà de son assiette habituelle. Pour ce qui concerne les candidats
des partis d'opposition, notamment le SDF qui, pendant longtemps, a prôné le
boycott des élections, ce n'est qu'à quelques semaines des élections qu'il a
demandé à ses militants d'aller s'inscrire sur les listes électorales. Ce jeu
que le SDF a donné à voir aux citoyens camerounais ne leur a pas permis de
suivre de manière cohérente l'action du chef de l'opposition camerounaise.
Que dites-vous de l'absence des
représentants des candidats de l'opposition dans les bureaux de vote dont a même
pu constater que certains ont fait appel au pied levé à des jeunes, notamment
des étudiants pour faire ce travail ?
C'est une situation désolante. Nous pensons que cette élection a souffert
d'une véritable impréparation, du point de vue de l'organe chargé d'organiser
les élections. Vous parlez de l'absence des scrutateurs des partis politiques,
je vous dirais même qu'ELECAM a démontré hier (dimanche) qu'il n'était pas prêt,
parce que les bureaux de vote n'étaient pas ouverts dans plusieurs localités du
Cameroun à l'heure, c'est-à-dire 8 heures du matin. ELECAM comme les partis
politiques n'ont véritablement pas eu assez de temps pour organiser ou pour
prendre part à cette élection. Donc, ce qu'on a connu hier (dimanche),
c'est-à-dire l'absence des scrutateurs de tous les candidats dans les bureaux de
vote, ne dénote que de cette impréparation. Je pense que les partis politiques
de l'opposition ont sous-estimé la conquête électorale que représente l'élection
présidentielle.
Justement, face au président sortant,
est-ce qu'on ne s'est pas retrouvé parfois avec des aventuriers ?
Effectivement, lorsque les partis ne sont pas préparés, ça ne peut être que de
l'aventure. Souvenez-vous bien qu'il y a encore trois semaines on n'était pas
sûrs que le président Biya serait candidat. Même ses propres lieutenants en
étaient encore à le supplier de se représenter. Or, on sait que c'est sa
candidature que tout le monde attendait, parce que c'est ça effectivement qui
déclencherait la compétition électorale. Les partis politiques de l'opposition
effectivement ont eu tort de greffer leur agenda à celui du candidat du RDPC.
Mais étant donné que, en ce moment, c'est le RDPC qui est le parti au pouvoir,
c'est le président du RDPC qui est président de la République et qui décide de
la date de la tenue de l'élection, les autres partis politiques certainement ont
suivi le RDPC dans cette dynamique qui est celle d'attendre le tempo du candidat
du RDPC. La deuxième raison, c'est le manque de moyens des partis politiques de
l'opposition. On a vu certains candidats qui véritablement n'étaient pas prêts
matériellement, financièrement. La troisième chose, l'aide publique apportée aux
partis politiques qui ont présenté des candidats à cette élection présidentielle
était largement insuffisante. Elle devait au moins tenir compte du
désintéressement des scrutateurs dans tous les bureaux de vote du Cameroun.
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