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pouvoir et opposition s'affrontent sur la régularité du scrutin

YAOUNDE, 11 octobre (Xinhua) -- Alors que la vie a repris son cours normal et notamment dans les établissements scolaires transformés pour la circonstance en centres de vote, les partis d'opposition ayant présenté des candidats à la présidentielle tenue au Cameroun récusent la régularité de ce scrutin, ce que rejette le pouvoir qui, de son côté, crie à la mauvaise foi de ses adversaires.

D'une formation à l'autre dans le camp opposé au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), le ton est quasiment identique pour juger vote comme ayant été émaillé de "graves irrégularités". "Pour nous, comme pour la plupart des Camerounais, nous disons qu'il n'y a pas eu vote", a avancé à Xinhua à Saydou Maïdadi, secrétaire général de l'Alliance des forces progressistes (AFP), qui défendait la candidature de Bernard Muna.

MOINS DE 50% DE TAUX DE PARTICIPATION

Pour ce responsable d'opposition, "pour qui a pu sillonner les bureaux de vote, il a pu se rendre compte qu'il n'y eu une grande affluence. En analysant un peu les PV (procès-verbaux, ndlr) que nous avons reçus, nous pensons qu'il y a eu moins de 50% de taux de participation. Je vous rappelle qu'on avait déposé une requête auprès du Conseil constitutionnel pour constater l'incapacité d'ELECAM (Elections Cameroon, organe électoral) à organiser cette élection-là dans de bonnes conditions".

"On est en train de recueillir tous les PV et d'analyser les résultats avant d'avoir une position définitive. Je reviens sur la requête que nous avons déposée: dans une élection, l'élément le plus important, c'est le fichier électoral. Dès l'instant où on ne s'entend pas sur le fichier électoral, on ne peut pas s'entendre sur les résultats", a-t-il poursuivi.

Sur la base des chiffres publiés par ELECAM, plus de 7,5 millions d'électeurs inscrits étaient appelés aux urnes dimanche pour élire parmi 23 candidats parmi lesquels le chef de l'Etat sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, leur futur président pour les 7 prochaines années. A en croire Maïdadi, ce fichier électoral ne reflète pas la réalité du corps électoral au Cameroun.

"On a eu à prouver qu'il y a eu plein de doublons, triplons, quadruplons. On a également noté la présence de beaucoup de personnes décédées sur les listes. J'ai eu à constater dans le Grand-Nord par exemple que la quasi-totalité des cartes d'électeur ne portaient pas le numéro de la carte nationale d'identité de celui qui a été inscrit; alors qu'on nous avait annoncé un système informatisé qui devait automatiquement rejeter ces cas-là", a-t-il par ailleurs décrit.

Sur l'absence des représentants des partis politiques d'opposition dans un grand nombre de bureaux de vote tant à Yaoundé que dans le reste du pays, il se défend en observant que "dans la nouvelle loi, il y a une disposition qui dit que pour être représentant d'un parti dans un bureau de vote, il faut être inscrit dans ce bureau de vote. ELECAM ne nous a pas sorti les listes des électeurs par bureau de vote. Les listes finalement, on ne les a connues que le jour du vote".

D'ores et déjà, l'AFP annonce son intention de rejeter les résultats de l'élection en cas de réélection du président Biya. "Si on n'est pas d'accord sur le fichier, on ne peut pas être d'accord sur les résultats", a martelé Saydou Maïdadi.

Autre parti d'opposition l'Union démocratique du Cameroun (UDC) d'Adamou Ndam Njoya a manifesté la même logique de contestation dans une déclaration publiée lundi à Foumbam, son fief de l'Ouest.

"L'élection du 9 octobre 2011, du fait du non respect de la loi républicaine et du jeu démocratique, les irrégularités flagrantes et les fraudes massives observées dans les 58 départements du Cameroun et tout le dysfonctionnement soigneusement élaboré par ELECAM et l'administration, viennent (sic) accroître les frustrations des Camerounais (sic) qui souffrent déjà de la pauvreté voire de la misère", a souligné ce texte dont Xinhua a obtenu copie à Yaoundé.

ANCIEN FICHIER ELECTORAL

Pour la quatrième force politique à l'Assemblée nationale (Parlement) derrière le RDPC, le Social Democratic Front (SDF) et l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), "ELECAM a posé des actes graves en procédant à des inscriptions sur des listes électorales en dehors des commissions légalement crées (sic) pour ce faire, en remettant l'ancien fichier électoral dans le circuit".

"ELECAM, poursuit-elle, a ainsi réussi à gonfler le nombre des électeurs fictifs, de nombreux doublons dont les cartes vont servir pour le bourrage des urnes; jusque là (sic), beaucoup de cartes vont rester sans preneurs (...) Il y a eu de la part d'ELECAM, une mauvaise organisation matérielle voulue et bien à dessein et non une 'faute de jeunesse' comme a déclaré le président du RDPC".

Cette situation, soutient l'UDC, s'est traduite "par la distribution tardive des cartes aux électeurs normalement inscrits, par le retard dans l'acheminement du matériel électoral, par les discriminations entre les candidats dont certains n'aveint pas leurs bulletins de vote ou en avaient en nombre insuffisant, par une encre indélébile qui n'en était pas une, par la création des bureaux de vote dans les chefferies, les camps militaires pour favoriser le candidat du RDPC".

Ces irrégularités, déduit Adamou Ndam Njoya, "ont empêché les Camerounais d'accomplir leur devoir citoyen et républicain de vote qui est aussi leur premier droit". D'où un taux très bas de participation au vote.

Membre du bureau exécutif national, Camus Fabien Kenfack, rencontré avec d'autres responsables au siège de ce parti à Yaoundé, a prévenu que "les élections, c'est la première phase. Le peuple va se libérer. Il y a d'autres voies pour créer l'alternance. Il ne peut pas y avoir de transparence dans les élections avec ce régime. Nous pensions être à l'abri des ces choses-là (irrégularités) avec l'avènement d'ELECAM".

Au parti au pouvoir, on se défend plutôt d'un "scrutin dans le calme et la transparence". La pertinence des allégations de l'opposition est remise en cause. Secrétaire national à la communication, Jacques Fame Ndongo, par ailleurs ministre de l'Enseignement supérieur, a, dans un entretien téléphonique avec Xinhua, renvoyé aux "avis extrêmement positifs" de la mission des observateurs de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Interrogé par la radio d'Etat (CRTV) lundi, l'ex-président burundais Pierre Buyoya, chef de la délégation de 12 experts commis par l'OIF, a en effet fait savoir que "l'observation générale que nous faisons, c'est que le scrutin s'est passé dans le calme, d'une façon générale. Et c'est l'écho que nous avons eu de nos observateurs que nous avons pu déployer dans six régions sur les dix que compte le Cameroun".

En attendant le retour des équipes pour "une observation beaucoup plus approfondie", la déclaration de l'ancien dirigeant met du baume au cœur du régime de Paul Biya. "Le scrutin s'est passé dans le calme, la sérénité et la sincérité démocratique", a repris Fame Ndongo, ajoutant que "tous les candidats avaient battu campagne pendant deux semaines. Ils avaient la possibilité d'avoir des représentants dans les bureaux de vote".

AIR DE VICTOIRE

A l'endroit des adversaires, il assène : "Le vrai problème de l'opposition: ils n'ont aucune implantation territoriale. Le RDPC est le seul parti à avoir une implantation sur l'ensemble du territoire national. Les autres sont soient semi-régionaux, soit semi-départementaux. Ils n'ont pas pu ratisser large; ils n'ont pas occupé le terrain".

Et d'ajouter, comme sur un air de victoire: "La prochaine élection présidentielle se prépare à partir d'aujourd'hui. Le président Paul Biya, ses militants ont battu campagne sur tout le territoire national. Ce qui n'est pas le cas de nos adversaires, y compris de l'opposant historique Ni John Fru Ndi qui n'a pas de militants partout. Ils ne peuvent pas gagner une élection dans ces conditions-là".

Au lendemain du scrutin, aucune indication officielle n'était donnée sur le taux de participation à ce rendez-vous électoral caractérisé par un nombre considérable de cartes d'électeur non retirées, déposées dans les bureaux de vote. "On ne peut encore le dire. Nous attendons que nos antennes communales puissent avoir tous les résultats complets", a déclaré le président du conseil électoral d'ELECAM, Fonkam Samuel Azu'u, joint par Xinhua.

Pour le responsable, "d'ici demain (mardi), on peut avoir une première idée". Sur la base de la loi, les 360 antennes communales que compte l'organe électoral sur le territoire camerounais ont effectivement jusqu'à ce mardi pour transmettre les procès-verbaux du vote aux 58 commissions départementales qui, à leur tour, sont tenues de mettre ces documents à la disposition de la Commission nationale de recensement général des votes.

C'est une instance animée par la Cour suprême de justice agissant en lieu et place du Conseil constitutionnel non encore mis en place et qui, pour terminer, est chargée, dans une compétence exclusive, de proclamer les résultats dans un délai maximum de 15 jours après l'élection, soit le 24 octobre.

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