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Affrontements au Liberia à la veille de la présidentielle

MONROVIA (Reuters) - Des affrontements et des tirs sporadiques ont éclaté lundi à Monrovia, à la veille du second tour de l'élection présidentielle au Liberia, où les casques bleus de l'Onu ont dû s'interposer entre la police et des partisans de Winston Tubman.

L'opposant, qui a réuni près de 33% des voix au premier tour, onze points derrière Ellen Johnson-Sirleaf, présidente sortante et prix Nobel de la paix, dénonce des irrégularités. Après avoir réclamé, en vain, un report du second tour, il a annoncé qu'il se retirait du scrutin et a appelé au boycottage des urnes.

Lundi après-midi, quelques centaines de ses partisans se sont rassemblés aux cris de "Non aux élections" devant le siège de son parti, le Congrès pour le changement démocratique (CDC), dans le centre de Monrovia. "S'ils veulent la paix, qu'ils nous donnent la justice", a dit l'un d'eux.

Les affrontements ont éclaté lorsque la police antiémeutes est intervenue pour tenter de les disperser au moyen de gaz lacrymogènes. Des coups de feu ont éclaté, ont constaté des journalistes de Reuters, qui ont vu un cadavre et plusieurs blessés.

"Je n'avais jamais vu au cours de mon existence la police traiter des civils comme s'ils étaient des ennemis. La lauréate du Nobel de la paix est en train de nous tuer", a déclaré Lavla Washington, un partisan de Tubman.

Des membres du CDC ont fait état de quatre morts mais cette affirmation n'a pas pu être confirmée auprès d'autres sources.

Des affrontements se sont produits dans des rues adjacentes entre les forces de l'ordre et des manifestants jetant des pierres tandis que deux hélicoptères de l'Onu volaient dans le ciel dans le capitale.

En fin de journée, des casques bleus nigérians de la Minul, la mission de l'Onu dans le pays, ont délogé des policiers libériens entrés de force au siège du CDC et ils ont établi un cordon de sécurité autour du bâtiment.

"DE NOUVEAU DANS LE CHAOS..."

L'élection présidentielle, la seconde depuis la fin de la guerre civile en 2003, devait permettre de mesurer les progrès réalisés par le Liberia sur la voie de la démocratie et intensifier les investissements étrangers dans les secteurs du minerai de fer ou du pétrole.

Les observateurs étrangers présents pour le premier tour, le 11 octobre, avaient estimé que les opérations de vote s'étaient globalement déroulées de façon libre et équitable.

La décision de Tubman, dénoncée par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, par l'Union africaine et par les Etats-Unis, menace d'ouvrir une nouvelle phase d'incertitude et d'instabilité politique au Liberia.

Au premier tour, fraîchement auréolée de son prix Nobel de la paix qu'elle a partagé avec deux autres militantes du droit des femmes, Ellen Johnson-Sirleaf, 72 ans, a obtenu près de 44% des suffrages.

Arrivé en troisième place avec 11% des voix, l'ancien chef de guerre Prince Johnson a appelé à voter pour elle.

Mais Winston Tubman affirme que les résultats du premier tour ont été modifiés. "Ils ont été falsifiés, changés, faussés, telle est notre conviction", a-t-il dit dans une interview accordée dimanche à l'agence Reuters.

La démission, entre les deux tours, du président de la commission électorale, n'a pas altéré sa vision des choses, et Tubman réclame un report de deux à quatre semaines du second tour.

"Si nous devions plonger de nouveau dans le chaos, les conséquences sur la région seraient gigantesques", a-t-il ajouté, précisant toutefois qu'il avait appelé ses partisans à rejeter la violence le jour du scrutin.

Ellen Johnson-Sirleaf a demandé de son côté aux Libériens de ne pas céder aux intimidations de son rival et a dénoncé le caractère anticonstitutionnel de son appel au boycottage.

"Ne permettez pas qu'un responsable politique, quel qu'il soit, tienne notre pays en otage", a-t-elle déclaré samedi dans une allocution radiodiffusée. "Ne permettez pas à M. Tubman de lancer une consigne de boycottage alors qu'en agissant ainsi, il confisque ce scrutin parce qu'il craint d'être battu."

Jean-Loup Fiévet, Bertrand Boucey et Henri-Pierre André pour le service français
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