Depuis quelques mois, les voyages du Président Abdelaziz Bouteflika à l’étranger sont devenus rares.
Et quand il fait l’effort d’effectuer un déplacement, comme aujourd’hui, à Doha, au Qatar, où il participe au premier Sommet du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG), c’est que l’enjeu est d’importance. A Doha, ce n’est pas le gaz qui intéresse le Président Bouteflika et le pouvoir algérien. Les enjeux vont bien au‑delà. Dans un contexte de "printemps arabe", Alger s’inquiète du rôle grandissant du Qatar, auprès d’une partie de l’opposition algérienne en exil, notamment, les réseaux de l’ex-FIS. Abassi Madani vit au Qatar où il est régulièrement reçu par l’émir, en compagnie d’autres responsables islamistes du Maghreb. Grâce au Qatar, Abassi Madani a, par exemple, tissé des relations très fortes avec le "CNT" libyen. Cette relation pourrait expliquer, en partie, la persistance des tensions entre Alger et le "CNT". Annoncée, début octobre, la visite d’une délégation libyenne, à Alger, n’a toujours pas eu lieu.
Autre exemple : Saad Djebbar, avocat et opposant algérien, a quitté Londres, pour Doha. Il figure, parmi les avocats personnels de l’Emir du Qatar, auprès duquel, il jouit d’une grande estime. Il intervient, régulièrement, sur la chaîne Al-Jazira, pour commenter les événements au Maghreb et en Algérie. Les Algériens soupçonnent, aussi, le Qatar de vouloir financer une chaîne de télévision qui pourrait être lancée par des opposants à l’étranger.
Après avoir été pendant plusieurs années l’un des principaux alliés de l’Algérie, dans le monde arabe, (les deux pays se sont rapprochés, pour contrer l’influence de l’Arabie saoudite), «le Qatar joue, clairement, la révolution, en Algérie. Pour l’émir, le changement en Algérie, comme dans les autres pays du Maghreb, passe par les islamistes modérés», explique un connaisseur de la politique arabe. En fait, Doha ne s’en cache presque pas. Le Qatar a, ainsi, joué un rôle important, dans le renversement du régime de Mouamar Kadhafi, en Libye, contre les intérêts du pouvoir algérien, qui avait soutenu le leader libyen jusqu’au bout. Les Qataris jouent, aussi, un rôle important, dans les événements actuels, en Syrie, leur ancien allié avec l’Algérie. Là encore, ce rôle qatari n’est pas pour plaire aux Algériens, qui font tout, pour sauver le régime de Bachar al‑Assad. Mais Alger se garde de critiquer, publiquement, Doha, même quand le Qatar décide d’imposer des conditions particulières, pour les demandeurs de visa algériens. C’est que le Qatar n’agit pas en électron libre. Derrière, les États‑Unis et la France, malgré des intérêts, parfois, divergents, dans le monde arabe, lui apportent l’appui qui le met à l’abri de pressions. Même la toute puissante Arabie saoudite semble désarmée, face aux ambitions du petit émirat rival.
Dans ce contexte, à Doha, Abdelaziz Bouteflika va, notamment, tenter de profiter d’une médiation qatarie, pour arranger les choses avec le "CNT" libyen. Mustapha Abdeljalil se trouve, aussi, au Qatar, pour le Forum des pays exportateurs de gaz. Il pourrait, également, faire passer des messages et des garanties à l’ancien chef du FIS-dissous. Selon nos sources, Abassi Madani souhaite pouvoir rentrer en Algérie. Officiellement, l’ex‑chef du FIS, âgé de 80 ans, veut pouvoir passer les dernières années de sa vie dans son pays natal. Mais un tel retour, dans un contexte de changement, dans le monde arabe, ne peut être dénué d’arrière‑pensées politiques.
Source:IRIB