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Face au Printemps arabe, l'Algérie fait profil bas

3122011
Slat.fr
L’Algérie, un îlot dans le printemps arabe? La complexité du pays n'est qu'une construction mentale, rien de plus. Explications.
La singularité algérienne. C'est lorsqu'on est hors du pays qu'on remarque que le pays est devenu invisible. La mode dans le reste du monde c'est de parler de l'Egypte, de la Syrie, de la Tunisie et même du Maroc. La raison? Des révolutions s'y font faites, des réformes essayent d'y être menées. L'Algérie n'est plus à la mode, n'a rien fait, ne fait rien. Sauf qu'il ne faut pas se tromper: cette invisibilité de l'Algérie n'est pas due à une indifférence calculée, de dehors, mais aussi à une stratégie interne du régime. C'est la politique d'un régime qui essaye de ne pas se distinguer dans le décor de l'automne, de ne pas attirer l'attention, ni les effets de loupe. C'est un régime qui essaye de passer inaperçu. Le proverbe japonais est précis: «Le clou qui dépasse appelle le marteau». Du coup, pas de coups.
Prendre son temps, une règle d'or

Cette stratégie de l'effacement du cas algérien est bien menée pour le moment: contrôle intelligent des journaux, monopole sur l'image, accès mou à Internet et «pollution» de la scène politique par le casting des années 1990, par le Sahel, les attentats sporadiques et une sorte de bain de réformes vides de sens et d'échéance. Des observateurs étrangers «observateurs» viennent? Oui, le scénario est rodé: un peu de RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie) ou du FFS ( front des forces socialistes), une escorte serrée, un journal opposant, un ministre charmeur et un parti de l'Alliance souriant, puis s'en vont. Une révolte risque de prendre? Policiers, interdictions, strangulation de l'info puis dos rond. Il faut réformer? Oui, oui. On le fait mais cela prend du temps, le courrier est long en Algérie, la bureaucratie, le manque de timbres-poste. D'ailleurs, on va créer de nouveaux partis (âge imposé: 65 ans et plus), on va faire des élections (entre nous), il y a des lois nouvelles en études (entre intimes fourbes), etc. L'essentiel est de rendre le cas algérien singulier, invisible, flou, brumeux. Le but est d'éloigner la menace ambiante du putsch international, de ralentir les volontés d'enquête, de détourner les attentions.
«Chez vous, c'est complexe»

Le but est d'ailleurs atteint: lorsque vous rencontrez le personnel politique et médiatique en Europe, il vous répète un peu la même phrase: «On ne comprend pas ce qui se passe chez vous. C'est complexe.» La complexité est voulue, élaborée, construite. Vue avec un esprit lucide, l'Algérie est à ranger dans la catégorie 3 des pays arabes: celle des pays à fausses réformes. En 1, les régimes déchus, en 2, les régimes encore frontalement dictatoriaux. En principe, il n'«y a rien de complexe: c'est un pays riche, mal gouverné et à coups de pied et de morsures, le peuple n'y a pas de sens, les richesses y sont volées et la démocratie est le seul moyen pour sauver le plus de monde, le plus d'argent et le plus de nouveau-nés. La «complexité» est un jeu de scène. C'est la stratégie du labyrinthe. Elle fonctionne bien pour le moment, au point où l'Algérie est perçue comme une île dans le pacifique et pas comme un pays au cœur de ce Maghreb qui cherche une sortie et un peu de justice et de liberté.

Kamel Daoud
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