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Du "printemps arabe" à l’automne libyen, par René Naba

13122011
IRIB
La première révolution démocratique du XXI ème siècle a pris de court la France, parce qu’elle était engluée, dans un débat surannée, unique, parmi les grandes démocraties occidentales, sur le «rôle positif» de la colonisation, au point que cette insistance pose la question de la pertinence de cette thématique et des ses objectifs sous jacents.
Au point que se pose la question de savoir si la «Patrie des Droits de l’Homme» ne chercherait pas à ériger, en dogme, la doxa officielle française, de crainte qu’il ne soit contesté, un jour, par la réminiscence de faits hideux, provenant de sa mémoire occultée. Si personne n’a rien vu venir des événements, c’est pour l’évidente raison que les Français se sont aveuglés, eux-mêmes, s’intoxiquant de leur propre poison. A égalité, les Arabes et les Musulmans occupent la première place, au hit parade de la phobie des Occidentaux, dont la haine rance n’a d’égale que leur crasse ignorance, quand bien même l’Occident est redevable, d’une part, de sa liberté et de son indépendance, à la contribution des «peuples basanés», aux deux Guerres mondiales, quand bien même l’Occident est redevable, d’une part, de sa victoire, sur l’Union soviétique, à l’effort de guerre arabo-musulman, dans le conflit afghan, quand bien même l’Occident est redevable, d’une part, du confinement de l’Iran, son croquemitaine du moment, à ses voisins pétro-monarchiques arabes et musulmans. Personne n’a rien vu venir. Personne. Absolument personne. Ce mot d’ordre, repris en choeur par tous les intellectuels médiatiques, dans toutes les déclinaisons des réseaux hertziens et numériques, a servi de justificatif à la cécité politique occidentale, lors du "printemps arabe" de l’hiver 2011. Personne n’a rien vu venir, malgré quatorze tentatives d’attentat ourdis contre le Président égyptien, Hosni Moubarak, en 32 ans de pouvoir, malgré les deux mille quatre vingt dix (2.090) émeutes, dénombrées, à travers le Monde, en trois ans, (2008-2011), dont plusieurs centaines, en Egypte et en Tunisie, premières émeutes de la mondialisation, le terreau contestataire, sur lequel, germera la révolte des peuples arabes de l’hiver 2011. Comme tétanisée par sa nostalgie de grandeur, la France a consacré l’essentiel de son énergie intellectuelle, en cette période de mutation, non pas tant à une étude discursive de son nouvel environnement international, mais à un combat d’arrière garde contre ses anciens combattants. Personne n’a rien vu venir, parce que personne ne voulait voir. L’Occident ne perçoit pas son environnement. Il le conçoit. A l’aide de présupposés idéologiques, de prismes déformants, héritage de cinq siècles de domination absolue, sur le reste de la planète, de son rôle prescripteur et de son monopole du récit médiatique.

Le 23 septembre 2011, la Palestine demande son admission à l’ONU. Depuis lors, plus rien… on en a plus entendu parler. Coup sur coup, aussitôt, après la démarche palestinienne, il y eut l’attentat – ou plutôt le faux attentats- iranien contre l’ambassadeur saoudien, à Washington, le dossier nucléaire iranien, le tribunal spécial sur le Liban, (le tribunal Hariri), le sort de la démocratie, en Syrie, une campagne, curieusement, menée, activement, par la France et la Turquie, c’est-à-dire, les deux pays qui ont comploté, en faveur du démembrement de la Syrie, par l’amputation du district syrien d’Alexandrette et son rattachement à la Turquie. Depuis trois mois, l’actualité internationale tourne autour de cette question. Pendant ce temps là, Israël poursuit sa colonisation de Qods, sans la moindre protestation. La Ligue arabe, il est vrai, est occupée à instaurer la démocratie, dans le Monde arabe, sans le moindre reproche aux Etats-Unis, pour son usage abusif du veto. Or, la Ligue arabe se prend pour le Conseil de sécurité de l’ONU. Elle prend des sanctions contre l’un de ses Etats membres. Démocratique, pour autant, la Ligue arabe ? Non, pas franchement. Les huit monarchies arabes, toutes anti-démocratiques, abritent toutes des bases américaines, détiennent une minorité de blocage, renforcée par la Libye, nouvelle base occidentale et par les Comores et Djibouti, c’est-à-dire, les confettis de l’ancien empire colonial français.

Songez que le sort de la guerre ou de la paix, au Moyen orient, le sort de la Palestine, c’est-à-dire, le point de contentieux majeur entre l’Occident et le monde arabo-musulman, dépend de Djibouti, une base franco américaine et un producteur de Qat et des Comores, dont l’horizon indépassable est la France. La Ligue arabe est l'otage des pétromonarchies pro-américaines, renforcées, par la Jordanie et le Maroc, les alliés souterrains d’Israël. Avec un tel attelage, le Monde arabe va droit dans le mur, en klaxonnant. Cela me rappelle la France de l’an 40, «Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus forts». On sait comment se termine ce genre de fanfaronnade. ….Droit dans le mur. Appliquons à la Palestine ce que l’on exige de la Syrie. Une zone tampon, des observateurs étrangers, pour sécuriser la population civile, l’interdiction de recourir aux forces armées, pour la répression des manifestations. A ce moment, la Ligue arabe sera crédible et cessera de prendre les vessies pour des lanternes. Voila pourquoi un printemps prometteur (Tunisie, Egypte) s’achève sur un hiver réfrigérant (Libye).
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