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La CIA, aux commandes de l’armée libyenne

14122011
IRIB
Le 17 novembre, environ, 150 officiers et sous-officiers de l’armée libyenne, ayant rejoint les rebelles, se sont réunis, Al-Baïda, (200 km, à l’Est de Benghazi), et ont nommé Khalifa Belkacem Haftar – ou Hifter –, colonel pro-américain (formé, en URSS), comme chef d’état-major de l’armée «en raison de son ancienneté, de son expérience, de sa capacité à diriger et des efforts qu’il a déployés, pour la révolution du 17 février».
Ce coup de force a provoqué la colère de l’Union des thowar de Libye, qui regroupe une trentaine de milices rebelles, refusant de déposer les armes, mais qui ne s’entendent pas toutes entre elles. Certaines, notamment, de Zintan et du Djebel Nefoussa, remettent, également, en cause la nomination de Abdelhakim Belhaj, ancien dirigeant du Groupe islamique de combat libyen (GICL), parachuté, par le Qatar, à la tête du Conseil militaire de Tripoli. Le général Soleiman Mahmoud, proche du général Abdel Fattah Younès - issu de la même tribu -assassiné, l’été dernier, a accusé l’émirat du golfe Persique de soutenir le courant islamiste et de chercher à «acheter» les Libyens.
Concernant le colonel Haftar, lire «A CIA commander for the Libyan rebels», par Patrick Martin, paru, le 28 mars dernier, sur World Socialist Web Site :

Traduction : Le Conseil National Libyen, l’organisation basée, à Benghaz,i qui parle, au nom des forces rebelles qui luttent contre le régime de Kadhafi, a désigné un collaborateur de longue date de la CIA, pour diriger ses opérations militaires. Le choix de Khalifa Hifter, un ancien colonel de l’armée libyenne, a été signalé, jeudi, par McClatchy Newspapers, et le nouveau chef militaire a été interviewé, par un correspondant d’ABC News, dimanche soir.

Hifter, dont l’arrivée à Benghazi avait été rapportée, pour la première fois, le 14 mars, par Al-Jazira, a fait l’objet, le 19 mars, d’un portrait flatteur, dans le "Daily Mail", un tabloïd britannique, farouchement, belliciste. Le "Daily Mail" présentait Hifter, comme une des «deux étoiles militaires de la révolution» qui «est rentré, récemment, d’exil, en Amérique, pour apporter une certaine cohérence tactique aux troupes rebelles au sol». Le journal n’évoquait pas ses liens avec la CIA. "McClatchy Newspapers" a publié un profil d’Hifter, ce dimanche. Intitulé «Le nouveau chef rebelle a passé une bonne partie des 20 dernières années, dans une banlieue, en Virginie». L’article note qu’il avait été, auparavant, un officier supérieur du régime de Kadhafi, jusqu’à «une aventure militaire désastreuse, au Tchad, à la fin des années 1980». Hifter avait, ensuite, rejoint l’opposition à Kadhafi, puis, finalement, émigré, aux Etats-Unis, où il a vécu, jusqu’à ces dernières semaines, qui ont vu son retour, en Libye, pour prendre le commandement de Benghazi. Le profil par McClatchy concluait, «Depuis son arrivée, aux Etats-Unis, au début des années 1990, Hifter a résidé, dans une banlieue de Virginie, aux environs de Washington DC». Il citait un ami qui «disait ne pas trop savoir comment Hifter subvenait à ses besoins, et qu’Hifter s’occupait, d’abord, d’aider sa grande famille».

Pour ceux qui savent lire entre les lignes, c’est une indication à peine voilée du rôle d’Hifter, en tant qu’agent de la CIA. Comment, en effet, un ancien officier supérieur de l’armée libyenne a-t-il pu entrer, aux Etats-Unis, au début des années 1990, seulement, quelques années après l’attentat de Lockerbie, puis s’installer près de la capitale fédérale, sans l’accord et l’aide active des services de renseignements US ? Hifter a vécu, en fait, pendant une vingtaine d’années, à Vienna, en Virginie, à, seulement, une dizaine de kilomètres du siège de la CIA, à Langley. La CIA était bien au courant des activités militaires et politiques d’Hifter. Un article du "Washington Post" du 26 mars 1996 parle d’une rébellion armée contre Kadhafi, en 1996, et écrit son nom, dans une transcription différente. L’article cité des témoins, selon qui, la rébellion a pour «chef le colonel Khalifa Iftar [et est] une organisation du type «contra» basée aux Etats-Unis et appelée Armée Nationale Libyenne». La comparaison est faite avec les forces terroristes “contra”, financées et armées par le gouvernement des Etats Unis, dans les années 1980, contre les autorités sandinistes, au Nicaragua. Le scandale Iran-Contra, qui avait secoué l’administration Reagan, en 1986-87, concernait la mise au jour de ventes illégales d’armes US à l’Iran, dont le produit servait à financer les contras, au mépris d’une interdiction par le Congrès. Les parlementaires Démocrates avaient couvert le scandale et rejeté les appels à une procédure d’impeachment contre Reagan, pour avoir financé les activités d’une illégalité flagrante, ourdies par une brochette d’anciens agents des services secrets et de conseillers à la Maison Blanche.

Un livre publié par "Le Monde Diplomatique", en 2001 : "Manipulations Africaines", fait remonter la relation avec la CIA encore plus loin, en 1987, signalant qu’Hifter, alors, colonel de l’armée de Kadhafi, avait été capturé, au Tchad, où il combattait avec une rébellion soutenue par la Libye contre le gouvernement d’Hissène Habré, soutenu par les Etats-Unis. Il fit défection, pour le Front National de Salut Libyen, (FNSL), la principale force d’opposition à Kadhafi, qui avait le soutien de la CIA. Il organisa sa propre milice, qui opéra, au Tchad, jusqu’à la déposition d’Hissène Habré, en 1990, par Idriss Déby, son rival appuyé par la France. Selon ce livre, «la force de Haftar, créée et financée par la CIA, au Tchad, disparut dans la nature, avec l’aide de la CIA, peu de temps après le renversement du gouvernement par Idriss Déby». Le livre cite, aussi, un rapport du service de recherche du Congrès, daté du 19 décembre 1996, selon lequel, le gouvernement des Etats-Unis apportait une aide militaire et financière aux membres du "FNSL", qui avaient été repositionnés, aux Etats-Unis. Ces informations sont accessibles à tous ceux qui se livrent à une recherché même superficielle sur Internet, mais elles n’ont pas été relayées par les médias contrôlés par les grands groupes, hormis une dépêche deMcClatchy, qui évite toute référence à la CIA. Les chaînes de télévision, trop occupées à faire l’éloge des «combattants de la liberté» de l’Est libyen, ne se sont pas fatiguées à signaler que ces forces étaient, désormais, commandées par un collaborateur de longue date des services de renseignements des Etats-Unis. Pas plus que n’en ont tenu compte ceux qui, parmi les libéraux ou la “gauche”, s’enthousiasment pour l’intervention des Etats Unis et de l’Europe, en Libye. Ils sont trop occupés à saluer l’administration Obama, pour son approche multilatérale et «consultative» de la guerre, présumée être différente de l’approche unilatérale à la «cowboy» de l’administration Bush, en Irak. Que le résultat soit le même – mort et destruction qui s’abattent sur la population, la souveraineté et l’indépendance d’un pays anciennement colonisé foulées aux pieds – ne signifie rien, pour ces thuriféraires de l’impérialisme.

Le rôle de Hifter, présenté, à juste titre, il y a 15 ans, comme le chef d’une “organisation du genre contra”, montre quelles sont les véritables classes sociales à l’oeuvre, dans la tragédie libyenne. Quelle que soit l’authenticité de l’opposition populaire qui s’est exprimée, dans la révolte initiale, contre la dictature corrompue de Kadhafi, la rébellion a été détournée par l’impérialisme. L’intervention de l’Europe et des Etats Unis, en Libye, n’a pas pour but d’apporter la“démocratie” et la “liberté”, mais d’installer au pouvoir des pantins de la CIA, qui dirigeront le pays aussi brutalement que Kadhafi, tout en permettant aux puissances impérialistes de piller les ressources pétrolières du pays et de se servir de la Libye, comme base d’opérations, contre les révoltes populaires, qui soufflent sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
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