26122011
IRIB
Les Salafistes confirment leur percée aux législatives : 28,8% des voix, mais peu de pouvoir, dans l’immédiat.
Mais que vont-ils faire de ce nouveau pouvoir? Avec 28,8% des suffrages, lors de la deuxième phase des élections législatives égyptiennes des 14 et 22 décembre, les Salafistes confirment leur percée fulgurante. Ultrarigoristes, ils prônent un retour aux pratiques du prophète et militent pour la non-mixité, dans l’espace public. Plus que leur irruption, sur la scène politique, c’est leur score qui a surpris. Radiographie d’un phénomène qui inquiète.
D’où vient leur essor?
Influencés par le Wahhabisme saoudien, les Salafistes ont bénéficié de l’apparition de jeunes prédicateurs, à la fin des années 1990. Très populaires, ces derniers proposent une vision individualiste de la religion, détachée de structures, comme celle des "Frères musulmans". Surfant sur cette vague, des chaînes satellitaires, financées par des pays du golfe Persique offrent leur antenne à des Cheikhs salafistes. De son côté, l’État égyptien leur ouvre des mosquées, autorise la multiplication de leurs associations. Le but? Affaiblir les "Frères", première force d’opposition, qui, malgré la répression, a obtenu 20% des voix, aux législatives de 2005.
Pourquoi sont-ils entrés dans le jeu politique?
La majorité des courants salafistes sont apolitiques. Au début de la révolution, ils sont descendus, place Tahrir, mais pour exhorter les jeunes à rentrer chez eux. "Ils avaient une position classique de l’Islam sunnite, qui prône l’obéissance au souverain, même s’il est injuste", analyse Ziad Majed, politologue, à l’Université américaine de Paris. Leur crainte principale est la "fitna", la division, au sein du monde musulman. Devant la vigueur de la révolution, ils ont compris qu’ils risquaient de perdre beaucoup. "Certains groupes salafistes autorisent l’entrée en politique, si les circonstances sont favorables et s’ils peuvent peser sur le jeu politique", explique Samir Amghar, chercheur à l’"EHESS", auteur du Salafisme d’aujourd’hui (Michalon). Ce qu’ils ont fait, en créant plusieurs partis, dont "Al-Nour" ("la lumière").
Qui a voté pour eux?
Pour leurs électeurs, souvent issus des classes populaires, les Salafistes sont apparus, comme les plus respectables, les plus honnêtes. Les "Frères musulmans" (36% des voix, lors des deux premières phases des législatives) représentent, toujours, la première force politique, mais "ils ont un passif peu glorieux, entre 2002 et 2005", explique Samir Amghar. Pendant cette période, les "Frères" ont frayé avec le pouvoir, pour obtenir une représentation, au Parlement. "Les Salafistes ne sont jamais rentrés dans un discours loyaliste. Il y avait une sorte d’indifférence vis-à-vis du régime.
Sont-ils de bons politiciens?
Ils apprennent vite. Le 1er décembre, Abdel Moneim Al-Shehat, candidat du parti "Al-Nour", à Alexandrie, déclarait que les romans du Prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz "invitaient à la prostitution et à la débauche". Il ajoutait que la démocratie était "haram", illégale, du point de vue religieux. L’organisation l’a sommé de se taire. Les porte-paroles salafistes ne remettent plus en cause, publiquement, la démocratie. Double discours? peut être : Toujours est-il qu'avant même leur possible arrivée au pouvoir, ils ont promis de composer avec la junte militaire, et, surtout, de veiller à ce que la diplomatie égyptienne reste inchangée....Côté accords passés avec Israël, le maintien du statu quo est de mise. Alors, les Salafistes, espèce de cheval de Troie, épouventail politique ou les deux à la fois?
En Egypte, la question de leur pouvoir se posera, vraiment, lors de la prochaine législature, dans cinq ans. Si les Salafistes restent à l’écart du pouvoir exécutif, ils protégeront leur état de grâce. De quoi obtenir un bien meilleur score, aux prochaines élections. Et un réel pouvoir, si, bien sûr, les Egyptiens se laissent berner par leur discours immensément équivoque, démesurément peu sincère!