1612012
IRIB
Cela fait quatre mois que des responsables américains font la navette vers le siège des "Frères Musulmans", (FM), au Caire.
Mais, jeudi, la rencontre était, bel et bien, officielle. C’était la première fois qu’un responsable aussi haut-placé, en l’occurrence, le vice-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, William Burns, se déplace, en personne, pour venir des États-Unis et se rendre chez eux. Il y a eu, avant lui, John Kerry, le Président de la commission des Affaires étrangères, au Congrès. Dans la forme, la délégation de Burns s’est voulue être impressionnante : un convoi d’une dizaine de voitures, transportant ses assistants, sans oublier la compagnie de l’ambassadrice Anne Paterson. ((Ce devrait faire croire aux "FM" leur importance !)). Favori aux élections, puis, vainqueur, haut la main, aux législatives, la Confrérie historique des "Frères Musulmans" est incontournable. Depuis la chute de leur homme de main, Hosni Mubarak, les responsables américains craignaient de perdre ce pays, s’il se désengage des accords conclus, dont le plus important, celui de camp David, qui instaura la paix avec l’entité sioniste et sortit l’Egypte, principal pays de la région, de l’équation du conflit arabo-israélien. Il fut un temps, pendant longtemps, certes, ce parti était, farouchement, opposé aux accords de paix avec Israël. Jusqu’à l’éclatement de la révolution, le 25 janvier 2011!
Depuis que les "FM" sont rassurés de remporter les élections, ils ne cessent de rassurer les Américains, et par derrière, les Israéliens, qu’ils ne toucheront pas à ces accords. La rencontre de jeudi ne fut qu’une confirmation à caractère officiel : «l’Égypte, qui est un grand pays et a ses propres institutions, respecte tous les accords conclus, dans le passé, tant que toutes les parties les respectent», a affirmé leur Président Mohammad Morsi à son hôte américain. Les autres thèmes de la rencontre pourraient sembler moins importants, s’ils ne sont expliqués que comme des contreparties. Selon un des dirigeants du parti de la Liberté et de la Justice (émanation politique à la turque des "FM"), Mohammad Saïd, la Confrérie a mis l’accent sur la nécessité que «les Américains respectent la volonté de la rue égyptienne, et la nature de la démocratie qui soit compatible avec sa culture et sa référence religieuse». L’équation serait, donc, qu’en échange d’accéder, librement, au pouvoir et d'instaurer le régime qui leur convienne, les "FM" sont prêts à oublier la Cause palestinienne. Preuve à l’appui : les responsables de la Confrérie n’ont eu que très peu de mots à cette cause centrale de la nation islamique et dans la littérature politique des "FM", se bornant à demander aux Américains "d’exercer des pressions sur Israël, pour faire cesser les agressions contre les Palestiniens". Sans allusion aux colonies, ni à A-lQods, et à sa mosquée Al-Aqsa et autres lieux saints de l'Islam, ni à la Cisjordanie occupée, ni au droit de retour des Palestiniens, ... Plus que jamais, c’est le slogan «l’Égypte, d’abord», lancé par l’ancien Président Anouar Sadate, que les "FM" sont en train de raviver. Dans le communiqué, il est dit aussi que Morsi a demandé aux Américains de «changer leurs politiques, en faveur des peuples» et d’élaborer «leurs positions concernant les questions arabes et islamiques, d’une façon positive».
Ironie du sort, parmi tous ces peuples, et devant cet invité, dont le pays en a fait pâtir à tous les peuples du Tiers- monde, les "Frères musulmans" ne se sont souvenus que du peuple syrien, lui demandant d’adopter «une position plus claire, à l’encontre des meurtres méthodiques exercés contre lui» ! Sans aucune allusion aux peuples révoltés, au Yémen, à Bahreïn, et en Arabie. Les "FM" ne peuvent que savoir que les Américains ne chôment pas, pour renverser le régime syrien, pour la seule raison qu’il soutient le camp de la résistance. Leur position consolide la première équation. Les "FM" ne feront pas de l’Égypte un pays de la confrontation. Le tout, pour accéder au pouvoir. Pour sa part, l’hôte américain semblait comblé, en voyant les "Frères Musulmans" rejoindre Sadate et Mubarak en politique extérieure. Il ne savait pas comment multiplier ses promesses de respect, pour le peuple égyptien, et les dispositions de son pays à offrir toutes sortes de collaboration, politique et économique. Comble du ridicule : Burns s’en alla même jusqu’à remercier «la révolution du peuple égyptien, qui a renversé la tyrannie». Comme si Hosni Moubarak n’a jamais été le principal allié de son pays !
Pour les partisans du camp de la résistance, les positions des "Frères Musulmans" d’Égypte sont plus surprenantes et semblent les sortir de leur peau. Il est beaucoup question d’une entente entre eux et les Américains, patronnée par le Qatar et la Turquie. Mais elle n’explique pas les raisons de cette chute. Plus que jamais, une question s'impose aux "Frères Musulmans" : pourquoi ne font-ils pas, en Egypte, ce que l’Imam Khomeyni a fait, en Iran, depuis trente ans? Une question qui nous ramène à saluer le grand courage de cet homme et de son peuple.