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Nigeria ou Libye Bis: de l'utilité de "Boko Haram"!

2812012
IRIB
Depuis que le Nigeria est le théâtre de violences inter-ethniques, une question ne cesse de tarauder les esprits : que cherche ce groupe d'extrémistes que la presse occidentale rattache à l'Islam et auquel elle donne le nom de "Boko Haram"?
Riche pays pétrolier, avec une concentration de Musulmans, au Nord, et de Chrétiens, au Sud, le Nigeria est-il voué au même destin que le Soudan et la Libye? La presse atlantiste le souhaite, selon toute vraisemblance. Sinon, comment comprendre les questions du journaliste d'Atlantico info et les réponses du spécialiste?

Atlantico : Au Nigéria, les massacres se multiplient. La population est, directement, prise pour cible, par des milices armées, que les autorités ne parviennent pas à neutraliser. Pourtant, la communauté internationale, notamment, la France, évoque assez peu le sujet. Pourquoi est-on intervenu, à Benghazi, en Libye, et n’intervient-on pas, à Kano ?

Philippe Moreau Desfarges : Il y a des violences, dans beaucoup de pays, la communauté internationale n’intervient pas toujours. Dans le cas de la Libye, la raison n’était pas, uniquement, liée aux violences d’un début de guerre civile, il s’agissait, surtout, d’une crise de régime. La violence interne ne justifie pas toutes les interventions, elle doit atteindre un certain degré. Il y a, ensuite, une question de proximité géographique. La Libye est très proche de l’Europe. C’est un État dont la position géographique est stratégique. A l’opposé, le Nigeria reste éloigné de nos pays. Les pays européens n’interviendront pas. Le principal problème du Nigeria, c’est la taille de sa population et son poids. Une intervention serait un cauchemar opérationnel. Il y a, enfin, des questions pratiques, pour évoquer une intervention. En Libye, l’OTAN, motivée par des motifs géostratégiques, a lancé des opérations, depuis la mer, pour éviter que le Sud de la Méditerranée ne sombre, complètement, dans le chaos. Dans le cas du Nigeria, les enjeux géostratégiques sont beaucoup plus éloignés et moins prioritaires. Les interventions ne sont jamais dictées que par des raisons morales, sinon, nous devrions intervenir, partout, dans le monde. Impossible d’ignorer les conditions dans lesquelles les malheureux militaires vont devoir travailler. De plus, les autorités nigérianes sont parfaitement souveraines et ne requièrent pas d’intervention étrangère. Je crois que le temps des interventions à l’étranger prend fin. Il reste quelques survivances, comme l’Afghanistan où ça ne se passe pas très bien. Même là, les replis sont inévitables. Je ne vois pas quel gouvernement aurait l’audace de s’embarquer au Nigéria. Pour un gouvernement, britannique ou français, par exemple, ce serait indéfendable, auprès de l’opinion publique confrontée à des problématiques économiques majeures.

Si malgré tout, une intervention devait être envisagée, par la communauté internationale, quels en seraient les mécanismes ?
Une action paraît très peu envisageable. Pour l’instant, le Nigeria est en crise, pas en complète décomposition. Des violences ont régulièrement lieu, dans ce pays. Il ne faut pas oublier, de plus, que de nombreuses opérations sont, actuellement, en cours, un peu partout, dans le monde. L’extérieur, quel qu’il soit, est, relativement, réticent à intervenir. S’il devait malgré tout y avoir une intervention, il faudrait réunir deux conditions : un accord africain et un mandat de l’ONU. Seule, une coalition régionale pourrait agir. Il faut, aussi ,noter qu’elle ne disposerait que de moyens dérisoires. Pour le volet juridique, il faudrait que les Nations unies donnent leur bénédiction.

Certains pays ou institutions ont-ils plus de raisons que d’autres de se soucier de l’avenir et de la stabilité du Nigeria ? Les matières premières du Nigeria peuvent-elles faire pencher la balance ?

Les États, dont les compagnies pétrolières sont, au Nigeria, pourraient être intéressés par une action. Mais les risques de se retrouver dans un bourbier épouvantable pèsent plus que les intérêts économiques, pour l’instant. Il peut y avoir des discours plus forts, mais ils resteraient sans conséquences politiques. La problématique du pétrole, comme cause des actions militaires, en Irak ou en Libye, n'est pas une analyse sérieuse. Bien sûr que le pétrole joue un rôle. Mais ces interventions ont, dans tous les cas, été motivées, avant tout, par des raisons géopolitiques. En Irak, les États-Unis cherchaient à maintenir et protéger leurs intérêts politiques et sécuritaires, dans un Moyen-Orient, où ils tentent toujours d’assurer l’ordre. En Libye, c’est plus la peur de flux incontrôlé de réfugiés et de migrants que l’aspect énergétique qui a joué.
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