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Ouattara à Paris : encore la françafrique ?,par Thomas Yonkeu

3012012
Afrik.com
Pour sa première visite d’Etat, en France, depuis son investiture, en tant que Chef d’Etat de la République de Côte d’ivoire, Alassane Ouattara a passé 3 jours, à Paris, avec un agenda, particulièrement, chargé…
Au menu de la visite d’Etat d’Alassane Ouattara, à Paris, la rencontre avec son homologue et ami, Nicolas Sarkozy, la visite des deux chambres parlementaires françaises (Assemblée nationale et sénat), la rencontre avec le "Medef", le renouvellement des accords de défense et de sécurité et la signature des contrats économiques…

A son arrivée à l’aéroport d’Orly, le numéro un ivoirien fut accueilli par les ministres de l’Intérieur et de la Défense, Claude Guéant et Gérard Longuet, au "son de la musique de la garde républicaine". Ensuite, Alassane Ouattara fut conduit, place des Invalides, à bord "d’un hélicoptère présidentiel escorté par deux autres hélicos de combat", avant de rallier l’hôtel cinq étoiles "Le Meurice" où il avait pris ses quartiers. Au programme de jeudi, le chef d’Etat ivoirien s’est rendu, sur la tombe du soldat inconnu, avant de remonter l’avenue des Champs-Elysées décorée aux couleurs de la France et de la Côte d’ivoire sous escorte de la cavalerie. L’accueil protocolaire et la sécurité mis en place autour de cette venue rappellent le «bon vieux temps» de Félix Houphouët Boigny et laissent penser que la rupture avec les méthodes anciennes de la Françafrique, qu’avait promise le président Nicolas Sarkozy, lors de son élection, en 2007, est loin d’être à l’ordre du jour. En d’autres termes, avec cet accueil en fanfare réservé au dirigeant ivoirien, Nicolas Sarkozy s’inscrit, clairement, dans une continuité de la politique françafricaine.

Comme les doigts de la main (le titrait encore le "Nouvel Obs", cette semaine), Nicolas Sarkozy et Alassane Ouattara se sont rencontrés, jeudi dernier, au palais de l’Elysée. Ce qu’il convient de rappeler, c’est que cette visite d’État et d’amitié, comme aiment si bien le marteler les deux Chefs d’Etat, aurait, déjà, dû avoir lieu, un mois plus tôt, mais «si la visite d’État d’Alassane Ouattara, à Paris, a été reportée d’un mois, c’est, notamment, parce que, à la première date prévue, Carla Bruni-Sarkozy ne pouvait pas assister au dîner, à l’Élysée. Le 26 janvier, elle sera là», confiait un proche de Nicolas Sarkozy à nos confrères du "Nouvel Observateur".

Amis, depuis plus de 20 ans, le président français et son homologue ivoirien n’ont jamais caché leurs accointances et leur amour, pour le libéralisme. L’un fut ministre du Budget et l’autre, ancien directeur adjoint du "FMI" et Premier ministre ivoirien. Outre cette amitié, sur le plan économique, Nicolas Sarkozy fut un soutien de poids, auprès d’Alassane Ouattara, pendant la période pré-électorale de la présidentielle ivoirienne, et plus encore, lors du conflit post-électoral contre son adversaire Laurent Gbagbo. De son côté, Nicolas Sarkozy a toujours pu bénéficier du soutien, sans faille, de M. Ouattara, durant ses multiples traversées du désert, au sein de sa famille politique. Tels sont les quelques ingrédients soulignant le lien fort existant entre les deux hommes politiques.

Une visite d’État d’une ancienne colonie francaise et d’un pays ami de la France ne peut se solder, sans que des intérêts économiques ne soient au programme. Déjà, la forte délégation ivoirienne, qui accompagnait le président, donnait une nette impression de l’ampleur de la visite. A côté de quelques personnalités du gouvernement et des gouverneurs d’Abidjan et Yamoussoukro, du président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), des hommes d’affaires en faisaient, également, partie. Au menu économique, beaucoup d’entreprises françaises, déjà, fortement implantées, en Côte d’ivoire, ont pu décrocher des contrats alléchants, notamment, la signature du contrat d’exploitation pétrolier, pour un grand gisement à la frontière ivoiro-ghanéenne, la reprise officielle, par le groupe "Accord de l’Hôtel Ivoire", à Abidjan et le partenariat entre "Air France" et "Air Côte d’ivoire", ainsi que plusieurs négociations autour d’un «contrat désendettement développement» de la Côte d’ivoire.

Pour ce qui est de l’aspect diplomatique, la Côte d’Ivoire reste un allié de choix, pour la France, sur le continent, car la France a besoin du soutien de ses anciennes colonies, aux Nations Unies, comme ailleurs, pour asseoir davantage sa légitimité et son image de grande puissance... C’est d’autant plus vrai, aujourd’hui, que l’intervention de la France, au sein du conflit libyen, fut fortement controversée... Et d’abord, en Afrique : les pays africains n’ont pas parlé d’une seule voix, et n’étaient pas tous aux côtés de la France.

Le volet militaire fut dominé par le renouvellement d’un accord de défense et de sécurité entre la France et la Côte d’Ivoire, comparable à ceux qui furent, récemment, signés avec le Sénégal et le Gabon. Ce nouvel accord prévoit le stationnement permanent des troupes françaises et la non-intervention automatique de celles-ci, en Côte d’Ivoire, pendant un quelconque conflit.

En définitive, ce que l’on peut retenir de cette visite d’État du président ivoirien, c’est qu’elle n’est pas passé inaperçue, d’autant qu’elle a permis de comprendre une chose : celles et ceux qui croyaient la Françafrique morte, peuvent, désormais, se détromper : elle est bien vivante, car ni Nicolas Sarkozy, ni Alassane Ouattara, ne sont prêts à faire table rase des vieilles traditions et pratiques postcoloniales...
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