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Rébellion au Nord-Mali : une menace sur les élections ?

07022012
Jeunafrique
Trois mois avant la présidentielle au Mali, la résurgence de la rébellion touarègue bouleverse la précampagne. Jusqu'à remettre en cause la tenue du scrutin ?

« Après tous les efforts consentis pour privilégier le dialogue, le président ne méritait pas ça », peste un familier du palais de Koulouba, avant de louer l'ouverture d'esprit et le calme avec lesquels Amadou Toumani Touré (ATT) gère la nouvelle sédition touarègue dans le nord du Mali. Le chef suprême des armées a déployé les grands moyens depuis la première attaque, à Ménaka, le 17 janvier, par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), une rébellion née en juillet 2011 dans le but d'obtenir l'autodétermination de cette région.

« Cette fois, personne ne pourra l'accuser de laxisme », glisse un conseiller. Hélicoptères de combat, avions de reconnaissance et renforts de soldats... La situation sécuritaire semble être prise très au sérieux. Le chef d'état-major, le général Gabriel Poudiougou, a pris ses quartiers à Gao. Soutenue par des milices arabe et touarègue, l'armée tente de contenir les attaques des rebelles, dont les coups de boutoir se font plus pressants.

À trois mois de l'élection présidentielle du 29 avril, la résurgence d'une rébellion dans le Nord est venue muscler une précampagne jusque-là timide et plutôt consensuelle. Si la classe politique dans son ensemble condamne énergiquement cette énième poussée d'irrédentisme, c'est la gestion du retour au pays des combattants touaregs de Libye - et, plus largement, la situation socioéconomique catastrophique de l'Azawad (la moitié nord) - qui est au coeur des débats.

« Cette rébellion est inadmissible et leurs auteurs devraient être condamnés pour haute trahison. Mais peut-être devrions-nous aussi nous demander pourquoi des Maliens sont partis combattre dans l'armée libyenne », commente Soumana Sako, le candidat de la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas). « Depuis vingt ans, on connaît les problèmes des Touaregs, mais rien n'est fait », déclare pour sa part Oumar Mariko, champion du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (Sadi). « Comme ailleurs au Mali, ils manquent de tout. Mais d'Alpha Oumar Konaré [président de 1992 à 2002, NDLR] à ATT, on a fait de la gestion au jour le jour, en montant les tribus les unes contre les autres ou en distribuant des billets de banque. Le résultat n'est pas très beau à voir ! » accuse-t-il.

« Au Tchad et au Niger, les autorités ont fait une estimation du nombre de personnes rentrées de Libye avant et après la chute de Kaddafi, puis ont demandé l'aide de la communauté internationale pour y faire face. Au Mali, aucune estimation, aucun recensement d'ex-militaires... », s'inquiète pour sa part le candidat Tiébilé Dramé. En décembre, sa formation politique, le Parti pour la renaissance nationale (Parena), a organisé à Bamako une concertation sur les crises au Sahel. Face aux narcotrafricants, aux bandes armées et aux terroristes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), il estime que non seulement le gouvernement n'a pas été à la hauteur, mais qu'il n'a rien fait pour dissiper les amalgames dangereux de quelques extrémistes : « Tous les Touaregs ne sont pas des rebelles, et, au sein de la rébellion, on retrouve des personnes d'autres ethnies. »

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, à Bamako, on s'interroge sur le maintien de la date des élections. Alors que des adeptes de la théorie du complot accusent le président d'être l'instigateur des troubles dans le but de prolonger son mandat, son entourage affirme que « ce que veut ATT avant tout, c'est finir son mandat et passer à autre chose ». En attendant, le chef de l'État dispose de peu d'options.

Aucune visibilité

La manière forte ? Cela permettrait de neutraliser, voire d'éliminer - si l'armée en est capable - cette source d'instabilité. La négociation ? Ce ne serait pas la première fois que Bamako viendrait à bout d'une rébellion touarègue après des mois de palabres. En 2009, les dernières discussions avaient abouti, grâce à une médiation d'Alger, à des accords de paix et à un ambitieux plan de développement pour le Nord. Et aujourd'hui, la menace Aqmi pourrait pousser les partenaires traditionnels du Mali à s'impliquer davantage, surtout financièrement.

Quelle que soit la solution retenue, les Maliens espèrent qu'elle interviendra vite. « Nous n'avons aucune visibilité, nos plans de campagne sont bouleversés », confie-t-on dans l'état-major du candidat de l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), Dioncounda Traoré. En effet, difficile de sillonner le Nord dans la confusion actuelle, encore plus d'y organiser des rencontres avec les électeurs. Difficile, aussi, de sécuriser le scrutin. « Il est trop tôt pour dire l'avenir, mais je ne pense pas que ce qui se passe dans le Nord soit de nature à compromettre les élections », rassure Tiébilé Dramé. Selon certains experts électoraux, il serait toujours possible d'organiser des votes de rattrapage dans les zones les moins sécurisées.

Pour Bamako, cependant, le Nord est bien loin. Beaucoup restent persuadés que cette rébellion n'est qu'un coup de semonce destiné au successeur d'ATT. Et dénoncent surtout les retards pris dans l'organisation du scrutin, indépendamment de la crise touarègue. La fiabilité de la liste électorale est contestée par l'opposition, le matériel de vote n'est pas encore acquis. Et ni la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), ni le ministère des Collectivités locales n'ont encore fait le point sur l'avancée des préparatifs.

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