08022012
IRIB
Ce magazine de Washington, spécialisé, comme son nom l’indique, en politique étrangère, n’est pas qu’un réceptacle d’opinions, mais envoie, comme tout organisme ou expression d’une volonté vivante, des signaux, et c’est en ce sens qu’il faut lire ses informations dont une aimable invitation de l’IRNA nous demande par ailleurs le commentaire. Nous avons extrait, pour nos lecteurs du site de la radio, ce qui concerne la Tunisie, pour la raison qu’il s’agissait jusqu’à ce tournant de son histoire, d’un pays francophone lié étroitement à l’hexagone et aux autres pays continentaux européens, et qui passe désormais insensiblement, dans ses élites, à la sphère anglophone, comme le Ruanda au Commonwealth, étant donné que son guide spirituel Ghanoucchi est un londonien, malgré lui certes, mais bien chez lui en Grande Bretagne. L’habitude n’est-elle pas une seconde nature ? Une sorte d’anglo-américanisation serait ainsi parallèle à la décoration de la vitrine islamique, ne disons pas à l’islamisation, car le pays a toujours figuré en bonne place, intellectuellement et spirituellement, dans le monde de la foi musulmane, surtout dans la culture de l’arabe classique.
Tout d’abord le rapport washingtonien dit que la victoire du parti de la Renaissance est « une victoire éclatante de la démocratie ». Ceci mérite d’être souligné. Et la satisfaction est grande, à l’annonce de ce que le médiat qualifie, comme l’a fait chez nous M. Juppé, après le normalien Bernard Henri Levy, d’islamisme modéré.
Il semble toutefois que la situation ne s’améliore pas, et le journal place ainsi la Tunisie dans les Etats à risque, alors qu’il ne mentionne pas dans cette catégorie l’Algérie et le Maroc, ni la Libye où pourtant le massacre continue et où une réaction se dessine, populaire, jusqu’à Benghazi. Une information inquiétante est en effet donnée par le magazine qui fournit la température de l’enfièvrement états-unien face aux événements. Il y est dit que les ouvriers tunisiens, conséquence de l’ancienne industrialisation, sont négligés par le nouveau pouvoir, dont on se demande bien qui le compose, et si la misère ou l’inquiétude du pays ne nous portait à tenir notre sérieux, nous trouverions grotesque et comique un pouvoir à la base électorale large ou suffisamment telle, malgré les illégalités relevées çà et là et qui existeront toujours, mais dont la police, les services secrets et de sécurité , assure Foreign Policy, la majorité ou presque totalité de l’ancienne administration etc. restent fidèles à ce qui n’a jamais été une doctrine, mais deviendrait, par l’incapacité des nouvelles ambitions politiques, une nostalgie : le temps du Benalisme ou des Benalides.
Ce mépris de l’armature industrielle du pays et ce rejet d’une couche populaire frappée par les fermetures d’usines d’après la Révolution du jasmin, dues surtout au blocage d’argent dans les banques étrangères, sous le prétexte fallacieux de lutter contre la corruption d’une belle famille présidentielle exigeante, explique ces manifestations pathologiques de nombreux suicides, inconcevable dans une population réellement musulmane ! Un récent article de notre site en a fait état, dans des proportions alarmantes.
Jamais une telle situation n’eût été envisageable sous le Bourguibisme, qui était, il est vrai, une sorte de Mussolinisme local ou de Péronisme méditerranéen fondé sur un attachement populaire et syndical que nous constations en 1970. La mort du fondateur de l’Etat post colonial, peu après la venue au pouvoir du général Ben Ali, fut l’occasion d’une manifestation de masse qui surprit le nouveau pouvoir qui avait partout des horloges pour indiquer qu’un nouveau temps se mettait en marche.
Il semble qu’aujourd’hui les aiguilles se soient arrêtées, comme à la mort non pas d’un peuple, mais de ce qui l’anime, son âme, et il ne faudrait pas qu’en se désagrégeant devant des élites formées sous l’Ancien Régime mais indifférentes au destin de la Tunisie réelle –, le peuple tunisien ne s’éparpille en autant d’âmes errantes ! Si c’était le cas, alors cette Révolution ressemblerait comme une sœur à la Révolution française, la mère maçonnique de toutes les illusions et de tous les crimes fratricides, mais le Napoléon qui l’achèverait et l’encadrerait dans ses régiments viendrait non de la Corse, mais d’Outre Atlantique, les recrutant comme les mercenaires d’une succursale du Qatar, à fin de maintenir son leadership afro-asiatique ; ce leadership que les élites tunisiennes, instruites techniquement mais philosophiquement incultes, par indifférence à la géopolitique ou par américanisation qui est le goût de la facilité, n’ont pas su, par indifférence à tout ce qui n’est pas leur problème de subsistance, ou leur égotisme, dénoncer à temps devant ce dernier.
Un peuple veut croire, comme une femme veut aimer pour faire renaître une vie, et n’a que faire d’élites incrédules ou de faux dévots importés qui l’amusent! Surtout quand ceux-ci montrent leur visage de –paradoxe à écrire, mais le terme nous semble exact- ..de nouveaux croisés contre la Syrie et ou de « nouveau Grecs » contre l’Iran !