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Comment le Maroc courtise François Hollande

13022012
IRIB
Le candidat socialiste à la présidentielle française est invité à se rendre au Maroc en mars. Une opération de séduction relayée par ses lieutenants et «nouveaux amis du Maroc» au PS: Pierre Moscovici, Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem.

En matière de présidentielles françaises, le Maroc «vote» immanquablement à droite. Une droite qui a su lui rendre la politesse. Valéry Giscard d’Estaing et surtout Jacques Chirac ont toujours affiché un soutien indéfectible à la monarchie chérifienne. On l’a vu aussi avec Nicolas Sarkozy qui n’a pas, à sa manière, dérogé à cette vieille tradition.

Mais depuis que François Hollande, le candidat socialiste à la présidentielle, est porté par les sondages, à Rabat, on ne compte plus miser uniquement sur le cheval Sarkozy, qui lui marque le pas dans le cœur des Français.

Pour ce faire, le royaume s’active en coulisses. Ses efforts ne semblent pas vains puisque François Hollande devrait, si l’on en croit les sources de Jeune Afrique, se rendre au Maroc à la fin du mois de mars. Un événement tant attendu: c’est le seul pays du Maghreb que Hollande n’ait pas encore visité récemment, après s’être rendu en Algérie en décembre 2010 et en Tunisie en mai 2011.
«Le candidat présidentiel du Parti socialiste (PS) français hésite à se montrer loin de l'Hexagone, et pourrait annuler sa visite prévue dans le royaume.»

Maghreb Confidentiel fait remarquer que le Palais royal fait toujours du forcing rue de Solférino auprès notamment de Pierre Moscovici, le directeur de campagne de Hollande «pour caler les derniers détails de la visite d'une délégation d'intellectuels, de politiques, et de chefs d'entreprises marocains à Paris, autour du 15 mars».

DSK, l’ex-favori du royaume

Normal que le lobbying marocain batte son plein pour remettre le royaume dans les bonnes grâces du PS. Pour 2012, à gauche, Rabat avait son favori: Dominique Strauss-Kahn. Il a passé une partie de son enfance à Agadir, choisi Marrakech pour se mettre au vert à chaque fois que l’envie le pressait et tissé ses réseaux au cœur même du Palais. Régulièrement «réfugié» dans son fabuleux riad de Marrakech depuis le début de ses démêlés judiciaires américains, DSK a même fait son grand retour aux devants de la scène médiatique au Maroc. Le directeur général du FMI déchu avait pris la parole lors du «Casablanca Round» du Forum de Paris, le 1er février.

Une manière pour lui de se remettre sous les feux de la rampe loin des cancans parisiens et de donner un coup de pouce à son deuxième pays, lui qui a encore de l’ascendant sur Pierre Moscovici, son ancien lieutenant…

Aujourd’hui, Rabat ne peut plus compter, ou si peu, sur son ex-favori en cas de victoire de la gauche dans la course à l’Elysée, même si le PS compte nombre de fans du Maroc dans ses rangs, toujours prompts à chanter les louanges de sa «révolution tranquille»: Jack Lang, Ségolène Royal, la députée Elizabeth Guigou (née à Marrakech), l'ex-ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine (qui lui aussi a des attaches familiales, politiques et dans les affaires avec le Maroc) pour ne citer que ceux-là.

Hollande, jovial mais trop austère

Mais c’est François Hollande qui est sorti du chapeau des socialistes. Lui, n’est pas un habitué des délices du Maroc, de ses riads et de ses palaces de rêve. Vu de Rabat, il donne l’impression d’un homme jovial mais tout aussi austère, un digne héritier d’une gauche que le Maroc redoute tant, celle de 1981 qui avait vu arriver un François Mitterrand coriace et son épouse Danielle que Hassan II avait traitée d’«épouse morganatique», elle qui avait refusé de suivre son mari dans un voyage officiel au Maroc en 1983. C’était l’époque des bagnes secrets, du drame des enfants Oufkir, de l’exil de l’opposant Abraham Serfaty, dont elle s’était faite l’amie influente.

En 2007, la percée de Ségolène Royal avait donné encore une fois des sueurs froides aux Marocains. Sa «démocratie participative» était forcément suspecte aux yeux d’une monarchie de droit divin. Ségolène a, comme d’autres avant elle, fini par céder aux sirènes chérifiennes.

On la verra à Essaouira à l’invitation d’André Azoulay, le conseiller royal, dans le cadre d’un forum de femmes d’influence, ou lors d’un saut de puce à Oujda, la ville frontalière avec l’Algérie. Elle s’y est rendue pour assister à un festival de musique. En réalité, elle avait consenti aux sollicitations de son ancienne protégée, Najat Vallaud-Belkacem. Habile, la jeune femme avait su la convaincre, elle qui se félicite par ailleurs d’être proche de son pays d’origine où elle figure parmi les têtes d’affiche officielles de la diaspora.

Belkacem, une républicaine… monarchiste

Belle carrière politique que celle de Najat Vallaud-Belkacem, née au Maroc en 1977. Elle était déjà porte-parole de Ségolène Royal durant la campagne de l’élection présidentielle de 2007. Moins connue est sa double carrière politique simultanée, l’une en France et l’autre au Maroc. Depuis décembre 2007, elle fait partie des 37 membres du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) directement nommés par le roi Mohammed VI. Une Information confirmée par l’ambassade du Maroc en France, ainsi que par le site du CCME.

Najat Belkacem assume totalement cette double allégeance politique et bi-nationale dans une interview à Bladi.net, où elle expliquait que ce conseil «s’exprimera d’abord sur les sujets dont [il] sera saisie par Sa Majesté en faisant valoir un point de vue de Marocains de l’étranger, et pour ce qui me concerne de Franco-Marocaine engagée dans la vie politique française». Alors que la thématique de l’immigration focalise le débat en France, on comprendra que la jeune pousse socialiste devenue porte-parole de François Hollande soit désormais si discrète sur le sujet…

Le tropisme algérien de Hollande

François Hollande a quant à lui des relations distantes avec Rabat et cultive une opinion ambivalente de Normand sur les sujets qui fâchent (Sahara Occidental, islamistes, immigration, révolutions arabes, droits de l’homme…). De plus, ses liens sont quasi-inexistants avec l’entourage du roi.

A l’automne 2011, il était l’invité vedette de la Convention France-Maghreb. Pour son 10ème anniversaire, ce mini «La Baule» des hommes d’affaires de la région avait pour la première fois quitté les bords de Seine pour Marrakech. Attendu comme le Messie, le nouvel homme fort de la gauche s’est finalement décommandé.

Au Maroc, son faux bond a été passé sous silence. Il faut dire que de l’autre côté de la Méditerranée, on lui reconnaît un tropisme prononcé pour l’Algérie, sa proximité avec son conseiller politique Faouzi Lamdaoui, un natif de Constantine, y étant pour beaucoup, dit-on. Les Marocains observent aussi qu'un autre hollandais, l'eurodéputé Kader Arif, a des racines algériennes, bien que celui-ci ne soit plus dans le carré VIP du patron du PS.

En 2006 déjà, lors du dernier voyage officiel qu’Hollande a eu à faire à Rabat, il a d’abord fait un crochet par Alger avant de rendre visite à ses amis socialistes marocains. Un souvenir qui fait dire à Rabat que s’il était élu, ce sera chez le voisin qu’il fera ses premiers pas de président à l’international.

Une perspective peu réjouissante pour Mohammed VI pour qui ces attentions diplomatiques sont si importantes, surtout que François Hollande s'était de nouveau rendu à Alger en décembre 2010, sans se montrer dans le royaume. On retiendra juste qu’il y était venu à titre privé trois ans plus tôt: la presse people avait publié des photos volées de son escapade sur une plage tangéroise, officialisant ainsi sa relation avec la journaliste Valérie Trierweiler. Bien trop peu pour en faire un ami du Maroc et de ses fastes.

Les nouveaux «hollandais» pro-marocains

Alors au Palais, on scrute ses signaux. Le Makhzen avait d’abord observé d'un œil noir sa victoire aux primaires du PS. Après la sortie de piste de DSK, Rabat était plutôt favorable à la première secrétaire du parti, Martine Aubry, classée elle par contre parmi les sympathisants du Maroc.

Tout cela fait désormais partie de l’Histoire. Ce sera donc Hollande qui croisera le fer avec Sarkozy. Côté marocain, les craintes de le voir gagner se sont quelque peu estompées. L’annonce de son écurie de campagne a été vécue presque comme un soulagement. Et pour cause. Exit Ségolène Royal, peu fiable aux yeux des Marocains, tout comme Arnaud Montebourg dont le bon score avait provoqué quelques grincements de dents au Palais: le chantre de la «démondialisation» a une vague attache avec l'Algérie par le biais de sa mère Leïla Ould Cadi, descendante d'un wali (préfet) de l'Algérie française… Il a lui aussi fait un petit tour à Alger, plutôt que Rabat, quelques semaines avant les primaires.

Mieux encore, alors que le strauss-khanien Pierre Moscovici présentait aux médias le staff Hollande 2012, au Maroc, on remarquait avec satisfaction qu’il était flanqué de deux connaissances aussi amicales qu’utiles: l’ambitieuse et tout sourire Najat Vaud-Belkacem qui a vite fait de lâcher sa chaperonne Ségolène Royal pour faire partie des voix officielles du candidat à la présidence de la république et le nouvel ami du Maroc Manuel Valls à qui manifestement le royaume n’a jamais reproché d’avoir raillé les immigrés pas assez «white» et «blancos» à son goût. Il avait ainsi comparé avec cynisme le marché d’Evry dont il est le maire à un souk de Marrakech.

Mais peu importe aujourd’hui, le désormais «directeur de com» de Hollande venait d’être décoré par Mohammed VI du Wissam Alaouite, la Légion d’Honneur marocaine, une médaille qui vaut caution pour celui qui la porte à son revers. Le roi, dit-on, avait financé la toute-nouvelle mosquée d’Evry et ses imams devront en retour de la sollicitude du Commandeur des Croyants, avoir l’obligeance de calmer leurs ouailles…

C’est sur, le trio Pierre Moscovici-Manuel Valls-Najat Vallaud-Belkacem, saura écouter le Maroc, et surtout sussurer ses attentes à l’oreille du probable futur locataire de l’Elysée.
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