06022012
IRIB
Un an après le déclenchement de l’insurrection en Libye, les tensions restent vives entre vainqueurs et vaincus. Le pouvoir civil, incarné par le Conseil national de transition (CNT) et le gouvernement provisoire, peine à asseoir son pouvoir. Mustapha Abdeljalil, président consensuel et longtemps incontesté, agit de manière unilatérale. « Cela a toujours été le cas, dès les premières heures de la révolution », tempère un ministre du cabinet d'Ahmed Jibril.
L'expérience gouvernementale de l'ancien Premier ministre a valu à celui-ci quelques critiques, mais elle contrebalançait le penchant d'Abdeljalil pour le pouvoir solitaire.
Le nouveau Premier ministre, Abderrahim el-Keib, peut, lui, se targuer d'un pedigree révolutionnaire impeccable. Issu d'une famille de notables de la capitale, longtemps exilé aux États-Unis, ce technocrate parle à tous. À distance égale des libéraux et des islamistes, Keib s'est décidé à former un gouvernement d'équilibre: Oussama Jouili, le ministre de la Défense, est de Zintan, et Faouzi Abdelali, à l'Intérieur, est de Misrata. Ces derniers mois, des centaines de nouvelles publications ont émergé sur la scène libyenne.
«En quarante ans, la société est devenue très urbanisée et plus éduquée, analyse le politologue Ali Abdullatif Ahmida. Le tribalisme existe toujours en surface mais pèse moins que les identités régionales et les frustrations accumulées sous l’ancien régime. Les Libyens vivent une période passionnante mais les défis à relever sont énormes, en l’absence d’autorités légales légitimes: le fardeau du passé, la prolifération des armes, l’absence d’armée et de police font obstacle à la reconstruction du pays.» C’est dans un tel contexte que des islamistes et indépendants libyens, se sont réunis depuis trois jours à Tripoli, pour former un nouveau parti politique, à la tête duquel ils ont élu samedi un représentant des Frères musulmans. Mohammed Sawane, ancien prisonnier politique sous Mouammar Kadhafi a été élu à la tête du parti Justice et Construction par 51% des centaines de militants présents lors d'un vote à main levée. Les participants ont aussi été invités à se prononcer de cette manière sur une série de questions concernant la nouvelle formation.
Aucune loi ne régit pour l'instant la création des partis politiques dans la nouvelle Libye, mais les nouvelles formations se multiplient depuis la chute de Kadhafi, pour la plupart avec une forte référence à l'islam. L'idée de former un tel parti est née en novembre lors d'une réunion des Frères musulmans à Tripoli, a expliqué à la presse Amine Belhaj, un autre membre fondateur. L'un des buts majeurs de la formation, selon M. Belhaj, était de réunir des représentants de toute la Libye et inclure tous les groupes ethniques, dont les Amazighs, Touareg et Toubou.
Depuis le début du Printemps arabe, les islamistes ont été les grands vainqueurs des élections, en particulier en Tunisie et en Egypte, les deux pays méditerranéens qui encadrent la Libye, où un résultat similaire est attendu en juin lors de l'élection d'une assemblée constituante. "Nous sommes tous islamistes et nous voulons que la Libye soit au sommet des pays développés", a lancé Majda Fallah, militante du nouveau parti, à une foule en liesse, au sein de laquelle les femmes, même présentes par dizaines, restaient largement minoritaires. Bref, en attendant l'élection d'une Assemblée constituante, prévue avant le 23 juin, date butoir que s'est fixée le CNT, la transition paraît longue.