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Seïf al-Islam, un prisonnier bien encombrant

08042012
Le fils du colonel Kadhafi a été arrêté le 19 novembre dans le Sud libyen. Aura-t-il le temps de livrer ses secrets?

La Cour Pénale Internationale a demandé hier aux autorités libyennes de transférer immédiatement Seif Al Islam à La Haye où il sera jugé. La Libye avait tenté de repousser ce transfert en vue de le juger sur son territoire. Le fils de l'ancien dirigeant libyen est détenu à Zintan, dans les montagnes au sud-ouest de Tripoli.

La cavale de Seïf al-Islam n’aura donc pas duré longtemps. En tous les cas moins que celle de Saddam Hussein (neuf mois de fuite avant son arrestation en décembre 2003) et celle d’Oussama Ben Laden (mort en mai 2011, soit près de dix ans après que les Américains eurent décidé d’aller le chercher en Afghanistan). Alors qu’on le croyait réfugié au Tchad ou dans le no man’s land entre la Libye et l’Algérie, il a été arrêté tandis qu’il essayait de fuir vers le Niger. Sa capture est sans conteste une bonne nouvelle pour le nouveau pouvoir libyen qui voit ainsi disparaître la menace d’une déstabilisation menée, tôt ou tard, par l’héritier de Mouammar Kadhafi. Seïf arrêté, aucune figure de l’ancien régime ne possède désormais la légitimité nécessaire pour se poser en adversaire d’un gouvernement intérimaire qui, pourtant, n’en finit pas de chercher sa cohésion et de faire taire ses dissensions. A moins que sa sœur Aïcha ne reprenne le flambeau ce qui est tout de même peu probable.

Amputation de son index droit

On relèvera, que cette fois-ci, les soldats libyens qui l’ont arrêté ne se sont pas – pour l’instant - illustrés par des actes barbares comme ce fut le cas lors de la capture – et le lynchage - de Mouammar Kadhafi. Contrairement à son père, l’homme n’a pas été maltraité si ce n’est tout de même l’amputation de son index droit, ce même doigt avec lequel il avait menacé les insurgés libyens d’un «fleuve de sang» lors d’un discours télévisé en février dernier. Une petite vengeance, choquante, mais qui paraît anodine quand elle est comparée au sort de l’ex-Guide (il se dit aujourd’hui qu’il aurait subi les pires sévices, y compris sexuels, avant d’être achevé). Qu’est-ce qu’un index tranché quand on risque d’y laisser sa peau?

Pour autant, cela en dit long sur l’ambiance qui règne en Libye. De l’aveu même des autorités du pays, plusieurs groupes armés sont désormais à la recherche de Seïf al-Islam pour l’abattre et lui faire subir mille avanies. Un avion le transportant a même essuyé des coups de feu et l’on se demande s’il ne va pas finir par être abattu au cours de ce qui sera présenté comme une bavure. Dès lors, on peut se demander s’il est raisonnable de croire que l’ex-dauphin officieux du régime déchu pourra être jugé en toute sécurité en Libye.

Certes, le Tribunal pénal international (TPI) réclame déjà Seïf al-Islam mais rien ne dit que le nouveau pouvoir acceptera de le livrer. Un tel acte serait perçu par nombre de Libyens comme une atteinte à la souveraineté de leur pays. le jugement de Seïf al-Islam dans son pays risque fort de se conclure par la peine capitale. Pour l’heure, et comme pour nombre de pays arabes, les nouvelles autorités n’ont pas l’air de vouloir abolir la peine de mort (laquelle n’est pas applicable par le TPI). Les risques d’un procès et d’une exécution sommaire à la Saddam Hussein sont donc importants.

La Libye des Kadhafi a-elle financé les campagnes électorales françaises, italiennes et anglaises?

Une autre question se pose aussi. Seïf al-Islam va-t-il pouvoir divulguer ce que son père n’aura pu dire? Va-t-on savoir si, oui ou non, la Libye des Kadhafi a financé les campagnes électorales de Nicolas Sarkozy, de Tony Blair, de David Cameron ou de Silvio Berlusconi? Connaîtra-t-on le détail des sommes octroyées par Tripoli à nombre de dirigeants africains ? Seïf al-Islam, qui jusqu’en janvier 2011 était présenté comme l’espoir des réformateurs libyens, racontera-t-il comment sa «fondation» a offert argent et soutiens logistiques à nombre de centres de recherche universitaires en Europe mais aussi aux Etats-Unis? Il ne fait nul doute que l’homme à l’index amputé sait beaucoup de choses.

Aura-t-il l’occasion —et le temps— d’en faire part à ses juges mais aussi aux Libyens? On peut en douter même si les autorités libyennes promettent que tout sera fait pour assurer sa protection. L’idéal, pour connaître la vérité, serait qu’il soit jugé par le TPI et défendu par des avocats occidentaux impartiaux et à l’abri des pressions. Mais ce scénario a peu de chances de se réaliser et on peut penser que les capitales européennes ne vont pas faire preuve de beaucoup d’empressement pour que le procès ait lieu en dehors de la Libye…

Source:www.slateafrique.com
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