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Mali: pourquoi les rebelles touareg et les islamistes font alliance

29052012
Les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et l'organisation islamiste Ansar Dine ont accepté d'unir leurs forces et de créer un Etat islamique indépendant dans le nord du Mali.

L’annonce, samedi 26 mai 2012, d’une fusion entre le MNLA et Ansar Dine («défenseur de l'islam», en arabe) intervient alors que la région du Nord est en proie à la montée croissante des groupes islamistes comme Aqmi et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao).

Cette alliance devrait compliquer la tâche du Burkina Faso, chargé de résoudre la crise au Nord du Mali. Depuis début mai, les consultations s'enchaînent avec les différents groupes armés, en vain. La médiation s'annonce plus que jamais difficile. Aqmi, le Mujao, le MNLA, le groupe Ansar Dine, tous ces mouvements cohabitent dans le Nord et essayent, par des jeux d'alliance et de pouvoir, de contrôler la région depuis la fin de la rébellion touareg.
Alliés de circonstance contre l’Etat central

Dernière union en date: celle du MNLA et du groupe islamiste Ansar Dine qui veulent instaurer un Etat indépendant islamique au Nord du Mali. Deux groupes que rien ne semblait réunir. Avec d’un côté, Ansar Dine, soutenu par Aqmi, qui souhaite l'application de la charia (loi islamique) et de l'autre le MNLA qui se définit comme une branche laïque et revendique l'indépendance de l'Azawad.

Pourtant, dès le début de la rébellion touareg, le MNLA et le groupe Ansar Dine avaient déjà scellé une alliance de circonstance pour augmenter leurs moyens militaires face à l'armée malienne. Mais cette association avait été de courte durée, en partie à cause d'un désaccord entre le chef du MNLA et le leader d'Ansar Dine, Iyad Ag Ghali.

Selon l'islamologue, Mathieu Guidère, auteur du «Le Printemps islamiste: démocratie et charia», le chef d'Etat-major du MNLA, le Libyen Mohamed Ag Nejim aurait voulu libérer le Nord du Mali tout seul. En réponse, Iyad Ag Ghali aurait mené la libération de son côté. Le MNLA, affaiblit, aurait alors perdu le contrôle, notamment de la ville de Tombouctou.
Anciens rivaux pour le contrôle du Nord-Mali

Mais la perte d'une partie de la région par le MNLA ne serait pas seulement due à l'agissement du colonel Mohamed Ag Nejim. Le groupe Ansar Dine aurait su tirer profit des failles du pouvoir central malien pour s'implanter durablement au Nord, au détriment du MNLA.

«Depuis l'essoufflement de la démocratie, il y a quelques années, le peuple a commencé à se réfugier et à chercher des modèles politiques de changement, c'est à ce moment-là qu'on a vu apparaître un mouvement d'islamisation rampante.

Ce mouvement s'est accéléré avec la situation régionale au Nord. En 2011, avec le printemps arabe, les Touareg ont commencé à se poser la question d'une alternative. Le mouvement Ansar Dine, qui vit au sein des Touareg, s'est ancré à ce moment-là», analyse Mathieu Guidère.

Depuis février 2001, Ansar Dine mène une véritable campagne dans la Région. Ils prêchent dans les mosquées et ils assurent la police et la justice dans le Nord.

«Ce groupe islamiste propose une structure forte. Il a réussi à s'ancrer dans le Nord grâce à des alliances mais aussi grâce à un programme idéologique, en rupture avec les précédents modèles politiques (socialisme, capitalisme...). Ansar Dine apporte une idée nouvelle: la charia. Ce mouvement islamiste a parlé aux Touareg et leur a expliqué que s'ils n'étaient pas de bons musulmans, la situation au Nord allait continuer à se dégrader», explique Mathieu Guidère.

A l'inverse, le MNLA n'aurait pas le même ancrage dans la région et ne bénéficierait pas d'appuis importants.

«Ce mouvement dirigé par un Libyen a été perçu comme étranger. De plus le programme du MNLA ressemblait trop à celui du pourvoir central malien et du coup il n'était pas assez attractif pour les Maliens qui souhaitaient une alternative», ajoute le chercheur.
Les raisons d’un compromis

Au vu de la situation, le MNLA qui se savait en perte de vitesse, avait essayé de se rapprocher d'Ansar Eddine. Déjà en avril dernier, pour tenter d'instaurer le dialogue, le MNLA avait organisé des rencontres à Gao. A cette occasion, une commission avait été mise en place parmi les sages pour approcher Iyad Ag Ghali à Kidal afin d’évoquer avec ces derniers la réunification de tous les combattants de l’Azawad autour des revendications politiques et de la lutte de tous les autres groupes terroristes qui ont créé la confusion dans la région.

Le MNLA avait accepté de reconnaître l'Islam comme la religion officielle tandis que le groupe islamiste Ansar Dine aurait accepté de reconnaître la revendication indépendantiste du MNLA. Le changement de discours au MNLA s'était fait aussitôt ressentir, présageant de la nouvelle alliance qui allait être scellée. Hama Ag Sid'ahmed, le porte-parole du mouvement, avait d'ailleurs adopté un ton consensuel pour parler des intentions d'Ansar Dine:

«Il n’y a pas de divergences importantes qui empêcheraient l’unité, mais peut être un manque de discussions franches et approfondies. Concernant la charia, le groupe Ansar Dine souhaite que les religieux prennent le relai pour rendre la justice, une sorte de «cadis» (juge musulman) comme pendant la colonisation Française. Il ne s’agit pas de remettre en cause la culture Touareg et des autres communautés. Eux, parlent de l’Islam de la tolérance et pas de l’Islam de la peur.»

Le MNLA, qui se définit en tant que mouvement laïc se retrouve aujourd’hui à composer avec le groupe islamiste pour se débarrasser du Mujao et d’Aqmi qui pourraient gagner du terrain dans la région, comme l'explique, le porte-parole du MNLA:

«Nous sommes disponibles pour un partenariat fiable avec Ansar Dine afin de lutter contre cette insécurité dans la région, lutter contre tout ce qui peut nuire et/ou remettre en cause les acquis et l’image de la communauté de l’Azawad et de la région en général.»

Selon certains observateurs, le mouvement touareg aurait fusionné avec le groupe islamiste car il craignait qu'Iyad Ag Ghali s'associe au Mujao et à Aqmi. Une alliance qui aurait pu mettre fin à la présence du MNLA au Nord du Mali.

Stéphanie Plasse

Source:http://www.slateafrique.com
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