24062012
Les récentes manifestations de l’opposition et de la société civile contre le régime du président togolais Faure Gnassingbé pourraient être le catalyseur d’un nouveau sursaut démocratique en Afrique francophone.
Le 12 juin 2012, le Collectif Sauvons le Togo (CST), qui regroupe des organisations de défense des droits de l’homme et des partis politiques, a organisé une grande manifestation à Lomé, la capitale du pays.
Entre autres revendications, la mise en œuvre des recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), au sujet des accusations de torture de personnes détenues, notamment, dans l’affaire Kpatcha Gnassingbé (affaire du frère du président Faure Gnassingbé accusé de tentative de coup d’Etat, Ndlr), ainsi que la mise en place de réformes constitutionnelles de fond.
Brutalités et méthodes expéditives
Ce n’est pas la première fois que ce collectif descendait dans la rue pour protester contre les agissements du pouvoir et le déficit démocratique. Le 2 mars 2012, il avait déjà organisé une marche similaire au cours de laquelle il avait exigé notamment:
«1- La démission sans délai du gouvernement qui s’est rendu coupable de faux et usage de faux;
2- L’identification et la sanction de tous ceux qui ont participé à la falsification du rapport de la CNDH;
3- La mise en œuvre effective et dans les meilleurs délais des recommandations de la CNDH dans son rapport authentique;
4- L’annulation de toutes les procédures et de tous les procès ayant conduit à l’arrestation et à la condamnation des personnes accusées dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat, ainsi que de ceux et de toutes les autres personnes torturées à l’ANR (Agence nationale de renseignements, Ndlr);
5- Le dédommagement et la réintégration immédiats et sans condition des officiers et hommes de troupes injustement radiés de l’armée dans l’affaire d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat;
6- La révocation de tous les magistrats ayant connu des affaires dans lesquelles les personnes mises en cause, ont fait cas, de manière concordante, précise et persistante, d’actes de torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants sur leur personne à l’ANR et ailleurs, mais qui ont continué les procédures jusqu’à condamnation.»
La falsification du rapport de la CNDH au sujet des mauvais traitements et autres tortures infligés aux détenus dans l’affaire du frère du président avait fait grand bruit.
Le président de cette Commission nationale des droits de l’homme, Koffi Kounté, menacé par les auteurs et contraint de s'exiler à Paris pendant quelque temps.
La manifestation du 12 juin, qui était censée être pacifique comme celle précédente du 2 mars, a surpris plus d’un de par l’ampleur de la mobilisation dans les rues de Lomé.
Malheureusement, elle a dégénéré avec l’intervention brutale des forces de l’ordre. Bilan: une cinquantaine de blessés et autant de personnes arrêtées et mises en garde à vue.
L’ancien Premier ministre Abgéyomé Kodjo et leader du parti dénommé Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts) a également été arrêté et gardé à vue pendant 48 heures, avec un autre responsable du Collectif.
Mais ils devraient comparaître devant la justice tout comme les 53 autres, toujours détenus à la prison civile de Lomé. Motif:
Le CST veut en effet s’inspirer du printemps arabe. Et il promet d’aller jusqu’au bout, en dépit de la violente répression des premières manifestations.
Les militants et sympathisants du CST comptent utiliser tous les réseaux sociaux disponibles pour continuer à mobiliser autour de leurs revendications et manifester leurs aspirations au changement.
Quand on connaît la brutalité et les méthodes expéditives de l’armée togolaise pour venir à bout des mouvements pro-démocratiques. A la suite des manifestations de Lomé, plusieurs tentatives ont également eu lieu dans des villes de l’intérieur. Mais elles ont été vite réprimées.
Le gouvernement a, pour sa part, déjà demandé au ministre de la Sécurité et de la Protection civile de «prendre des mesures additionnelles pour assurer la sécurité des biens et des personnes, ainsi que la liberté de circuler».
Quelle que soit l’issue de ce nouveau sursaut du peuple togolais, le pays a enfin rompu avec la léthargie qu’il a connue depuis quelques années.
Ce réveil pourrait conduire à des changements notables pour plus de démocratie et de respect des droits de l’homme. Au demeurant, le réveil des défenseurs des droits de l’homme et de l’opposition au Togo est susceptible d’avoir un effet de contagion dans bien des pays d’Afrique noire.
Dans cette région, les protagonistes de la vie sociopolitique, toutes tendances confondues, ont préféré, devant les régressions démocratiques de ces dernières années, faire preuve de lâcheté ou de connivence face au pouvoir, au lieu de s’engager en faveur des causes qui valent la peine.
Il pourrait tout aussi être le catalyseur d’un nouveau printemps démocratique en Afrique francophone, en particulier. A moins d’être tout simplement un énième sursaut pour rien.
Tout dépendra, en effet, de la détermination des leaders et des militants et sympathisants du CST. Mais surtout du prix qu’ils sont prêts à payer pour les causes qu’ils défendent.
Marcus Boni Teiga
Source:www.slateafrique.com