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La martyre de Tombouctou, en 1944: Aline Sitoé Diatta, par Pierre Dortiguier

08072012
La réaction du groupe subversif d'Ansar Eddine, qui clame, impunément partout,..

.. avec des moyens sophistiqués, son hostilité au Mali et une feinte opposition idéologique à l'Occident, - ce qui est, au rebours, le motif rêvé d'intervention de ce même Occident entré en guerre permanente- ; sa réaction ou menace médiatisée, disons-nous, de détruire des sanctuaires, mausolées et lieux de culte traditionnel musulman, dans la ville malienne aux 333 saints, a été très peu commentée ! Elle n'a causé que peu d'émoi et vise à terroriser la population africaine, dont la piété ancestrale est, ainsi, cyniquement, bafouée.

L'occasion aurait été, affirme-t-on, un projet de l'UNESCO d'inscrire l'ensemble des monuments de la foi de la ville sainte de Tombouctou au patrimoine de l'humanité ; en réalité, le geste de l'organisation terroriste, dont nous parlons, peut se comparer à celui, diraient avec raison les historiens, de la destruction, par les premiers Wahhabites, des lieux saints de la Mecque, de Médine et de Kerbala, au tout début du 19ème siècle, sans qu'il soit besoin de découvrir ceux qui profitaient de cette nouvelle Terreur, à savoir, les conquérants britanniques désorganisateurs des Etats. La chose est sure, et méritait, cependant, d'être mise en parallèle avec l'événement d'aujourd'hui.

Mais est peut-être moins reconnue l'importance patriotique et sainte, à la fois, de la cité longtemps interdite aux Européens de Tombouctou.
Dans le long martyre de la colonisation, elle fut, notoirement, le lieu d'enfermement et d'assassinat, dans les deux dernières années de la seconde guerre mondiale, d'une héroïne du Sénégal que l'on nommait «la reine de la Casamance», femme prestigieuse et courageuse, prophétesse même, si l'on peut dire, car elle refusa la mobilisation du Sénégal, au service de la coalition des «Alliés», durant le dernier conflit mondial : elle demandait, en effet, aux autorités en quoi la cause défendue par les futurs vainqueurs serviraient et les intérêts de son peuple et ceux de la spiritualité africaine, musulmane ou chrétienne.

L'actuelle question palestinienne demeurée insoluble et synonyme de bain de sang, répond à la pertinente question de la martyre africaine sénégalaise !

La répression des futurs «vainqueurs» fut immédiate, et ce que le monde appelait, alors, la Libération, fut pour la jeune mariée issue de la Casamance, ainsi arrachée à son mari, sa famille, ses enfants et déportée, à Tombouctou, l'ouverture d'une prison d'où la mort la libéra.

Il n'était pas très bien vu, sous le Président et littérateur Senghor, très sensible aux loges parisiennes, qui contrôlaient colonisateurs et colonisés, d'évoquer le nom de cette véritable princesse des cœurs et martyre. Mais la voix du peuple est la voix de Dieu, et l'héroïne native de cette région du Sénégal, Aline Sitoé Diatta, née, entre 1910 et 1920, qui refusait l'agriculture coloniale, en demandant de cultiver le riz, plutôt que l'arachide, et la mobilisation militaire de la «chair à canon» africaine, au service des intérêts que l'on sait, arrêtée, le 8 mai 1943, fut trainée de prison en prison, au Sénégal, en Gambie, et, enfin, au Mali.

Dans cette pieuse cité, cette femme dotée de clairvoyance politique, puisque l'Histoire lui aura donné raison sur les deux points de son opposition au régime colonial, en politique intérieure et extérieure, a honoré, par son sacrifice, tout comme les 333 saints vénérés, la ville de Tombouctou, dont de nouveaux libérateurs veulent raser le passé, par je ne sais quel radicalisme fantomatique, attisé, en réalité, par les perpétuels destructeurs de l'Ordre naturel national et international !

C'est par suite de privations et de tortures que cette dite reine de la Casamance rendit l'âme à Dieu, à Tombouctou, en 1944 !
L'on dit que malade, ses gardiens démocrates –comme ils le clamaient au monde- l'abandonnèrent sans soin...

Qu'un hommage soit rendu à une femme très populaire, au Sénégal, où l' on voit, populairement, Tombouctou, comme le trône que Dieu réserva à celle qui se sacrifia, si jeune, pour lui complaire et servir la nation africaine ; ambition, à l'opposé de celle de ces mercenaires, stipendiés et armés, par les mêmes va-t-en guerre et destructeurs de la Libye, et entrés, sur la scène tragique de l'Afrique, pour la diviser et laisser ainsi les tortionnaires d'Aline continuer leur repas, tout en rêvant d'incendier l'Algérie et le continent démuni.

Source:IRIB
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