05082012
Une émission égyptienne, qui provoque la colère de ses invités en leur faisant croire qu'ils passent à la télévision israélienne, révèle l'animosité de nombreux Égyptiens envers l'État hébreu, malgré le traité de paix signé il y a plus de 30 ans entre les deux pays.
"Jugement après délibérations", diffusée la nuit par la chaîne satellitaire privée Nahar pendant le mois de jeûne musulman du ramadan, invite des personnalités en leur faisant croire qu'elles participent à une émission allemande.
Mais pendant l'enregistrement, on leur dit qu'elles passent en fait à la télévision israélienne. Les invités --artistes, écrivains, hommes politiques-- sont invariablement furieux, l'un d'eux allant jusqu'à gifler la présentatrice.
Diffusée pendant d'autres ramadans, l'émission révèle l'aversion envers Israël largement répandue parmi l'élite culturelle égyptienne.
Dans un récent épisode, l'acteur Ayman Qandil devient de plus en plus agité lorsqu'il est interrogé par la présentatrice sur son point de vue sur Israël.
Une actrice prétendant être un membre du public intervient ensuite, se disant consternée de le voir à la télévision israélienne. Furieux, M. Qandil attaque l'un des membres de l'équipe avant de gifler la présentatrice.
Un autre acteur, Mahmoud Abdel Ghafar, a crié "Assez de ce qui se passe dans le pays. Je ne veux pas faire partie du complot", avant de donner un coup de poing au soi-disant producteur et de le saisir par les cheveux.
Haine généralisée envers Israël
L'Égypte a beau avoir été le premier pays arabe à signer la paix avec Israël en 1979, la majorité de la population reste opposée à l'Etat hébreu. Acteurs et journalistes peuvent être ostracisés s'ils sont soupçonnés de chercher la normalisation avec Israël.
Cette animosité s'explique par les quatre guerres auxquelles l'Egypte a participé contre Israël entre 1948 et 1973 et par la politique israélienne envers les Palestiniens, selon le commentateur politique Abdallah al-Sinawi, qui est apparu dans l'émission l'an dernier. "La cause palestinienne n'est pas qu'une question de solidarité. Il y a eu du sang et des martyrs", dit-il.
Ofer Gendelman, un porte-parole du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a affirmé que l'émission promouvait la haine d'Israël.
"J'ai regardé quelques épisodes de cette émission et il est clair qu'elle promeut une haine généralisée envers Israël. Cette émission combat Israël et la paix avec Israël. Il n'y pas d'émission comme celle-ci dans le monde -- surtout dans un pays qui a signé un traité de paix avec Israël", a-t-il dit à l'AFP.
Hostilité politique
Les réactions de certains invités sont un mélange de clichés antisémites et d'hostilité politique envers Israël.
Une invitée affirme ainsi que Dieu a "maudit" les juifs, un autre évoque les Protocoles des sages de Sion, un faux document sur un plan de conquête du monde par les juifs que de nombreux Égyptiens croient authentique.
"Le public applaudit un violent antisémitisme à la télévision égyptienne", dit le journal israélien Jerusalem Post de l'émission.
"L'émission envoie un message", dit M. Sinawi. "Ils ne devraient pas le prendre comme de l'antisémitisme, mais comme un rejet profond de l'occupation israélienne".
Cette année, l'émission est diffusée alors que l'Égypte a pour la première fois un chef d'État islamiste, Mohamed Morsi.
Son prédécesseur Hosni Moubarak, renversé début 2011 par une révolte populaire, avait réussi à contenir le sentiment anti-israélien en Egypte, mais après sa chute, plusieurs attentats ont visé le gazoduc entre l'Egypte et Israël et le fournisseur égyptien a annulé le contrat gazier.
Et en septembre dernier, des manifestants ont forcé l'entrée de l'ambassade d'Israël au Caire, jetant des milliers de documents par la fenêtre.
Source: Jeuneafrique.com