02102012
Vu de l'extérieur, le Mali est au bord de l'implosion.
Pourtant, dans la capitale, Bamako, certains continuent de vivre dans une
étrange ferveur et une forme d'insouciance. Reportage.
Un de nos confrères nigériens qui nous a rendu visite, il y a peu à Bamako, n’a
pas manqué de nous faire remarquer son étonnement quant au flegme adopté par les
populations, qui vaquent à leurs occupations habituelles, comme si de rien
n’était.
«Du dehors, on imagine que les Bamakois sont sur le qui-vive et n’ont de souci
que pour l’invasion islamiste qui a déjà occupé le nord du pays, alors que votre
capitale n’a rien perdu de son bouillonnement et de son animation d’antan»,
avait confié ce confrère.
Avant d’ajouter:
«En côtoyant les gens dans leurs activités quotidiennes, on n’a pas l’impression
qu’ils sont conscients de la situation dans laquelle se trouve leur pays. C’est
seulement en discutant avec eux que l’on peut percevoir leur angoisse.»
Se refaire une image à l'international
Effectivement, les informations distillées par certaines chaînes internationales
basées en Europe affolent et tendent à faire croire que c’est presque fini pour
le Mali.
Les faits sont grossis et le tableau noirci au point que les investisseurs et
autres partenaires au développement ont tôt fait d’interrompre tous leurs
programmes à destination de ce pays.
C’est pourquoi, à travers son jeune ministre des Affaires étrangères et de la
Coopération internationale, Tiéman Hubert Coulibaly, nommé à l’occasion de la
formation du tout nouveau gouvernement dit d’union nationale.
Le Mali essaie de prouver à l’opinion nationale et internationale que la
situation du pays n’est pas désespérée et que, en dehors de l’espace sous
contrôle des groupes salafistes au nord du pays, les activités se déroulent
correctement au niveau du reste du territoire.
C’est vrai que le coup d’Etat du 22 mars 2011 est venu en rajouter, semant la
chienlit au sud du pays, notamment dans la capitale, Bamako, pendant presque
quatre mois.
La tentative d’assassinat du président intérimaire, Dioncounda Traoré, que des
manifestants ont trouvé jusque dans son palais pour le tabasser copieusement, en
l’absence de sécurité pour le protéger, avait fini de ternir l’image du Mali et
d’ancrer un sentiment de méfiance à l’étranger.
Mais, actuellement, on note un retour à la normale et la junte militaire du
capitaine Amadou Sanogo, même si elle n’a pas totalement lâché la gestion des
affaires publiques, se fait plus discrète.
Vivre sans stress ni peur
Si les choses tendent à se tasser sur le plan politique, c'est parce
qu'actuellement, un semblant de consensus national est en train de se dessiner
sur deux objectifs essentiels: d'abord, la libération des territoires occupés au
nord du pays par ce qu'on appelle ici «l’Alliance du mal» (Ansar
Dine-Aqmi-Mujao) et, ensuite, l’organisation d’élections libres et transparentes
avec le fichier biométrique qui a été initié par le président renversé, Amadou
Toumani Touré alias ATT, mais qui avait connu des retards dans sa mise en place.
En attendant, les Bamakois essaient de vivre sans stress ni peur. Pour eux, en
effet, ce serait même donner raison aux islamistes que de leur montrer un brin
de panique.
Bien au contraire, il faut garder la sérénité pour ne pas tomber dans leur jeu
car de la zone où ils se trouvent, ils essaient d’envoyer des messages pour
mettre le restant du pays et surtout la capitale sous tension, afin de pouvoir
éventuellement en profiter avec leurs cellules dormantes.
«Le Mali plie, mais ne rompt jamais!»
Requinqués par ce slogan optimiste, les Maliens tentent tant bien que mal de
mener leur vie sans aucune pression. Et ce que cette pression vienne des
islamistes ou de la Cédéao.
Seulement, voilà, malgré la sérénité affichée, il y a des faits têtus qui
rappellent la crise institutionnelle et sécuritaire: l’économie nationale est en
train de s’effondrer, ouvrant la voie à certaines difficultés dont la plus
durement ressentie est la flambée des prix des denrées de première nécessité.
Mais le Malien, pour ceux qui ne le savaient pas encore, est habitué à se
débrouiller pour surmonter ce genre de crises économique et financière qui
étaient une des principales caractéristiques des dernières années de règne du
général Moussa Traoré (président de 1968 à 1991). Lequel disait à propos de la
débrouille des fonctionnaires maliens qu’ils ne gagnaient pas beaucoup, mais
qu’ils étaient riches.
A l'heure du Bamako by night
Il faut comprendre que le Malien est imbu de sa fierté et de sa dignité, c’est
pourquoi il ne se laisse pas abattre par l'adversité et tente toujours de garder
le moral.
C’est aussi à cause de cette fierté que des diatribes ont fusé de toutes les
régions du pays contre la Cedeao qualifiée de «nouveau colonisateur».
En attendant de «bouter dehors les envahisseurs», comme on le dit à Bamako pour
faire allusion aux islamistes qui occupent les régions de Tombouctou, Gao et
Kidal plus une partie de celle de Mopti (la ville de Douentza), on travaille la
journée et la nuit on chante et on danse.
En effet, celui qui fait une tournée dans Bamako-by-night aura du mal à croire
que c’est ce pays qui est sous les feux de l’actualité et dont on est en train
de discuter du sort aux Nations unies.
Et pour cause, les bourlingueurs n’ont pas changé d’habitude et les bars,
restaurants et boîtes de nuit continuent leurs activités. Le dimanche et le
jeudi, jours de mariage à Bamako, on est réveillé, tôt le matin, par les klaxons
des cortèges interminables qui forment des bouchons au niveau des carrefours.
L'envers du décor est constitué par le secteur hôtelier et touristique qui
souffre terriblement de la situation sécuritaire, au point que la plupart des
hôtels sont presque devenus des édifices abandonnés.
Les Sénégalais doivent comprendre que le Mali est un énorme pays qui fait six
fois la superficie du Sénégal. De sorte que la distance qui sépare les Bamakois
de la zone occupée au nord du pays est presque égale au trajet Dakar-Bamako.
Pour dire quoi? Que ceux qui vivent dans la capitale malienne entendent
seulement les informations sur la situation au nord du pays, mais ne la vivent
pas directement.
Seuls ceux qui sont originaires des localités sous contrôle salafiste sont
constamment sur le qui-vive et se sont même regroupés en Collectif des
ressortissants du nord (Coren) pour hâter le processus de libération des zones
occupées.
Amadou Bamba Niang, Correspondant à Bamako du journal sénégalais Le Témoin
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