Le gouverneur de la province du Nord-Kivu (est de la RDC), Julien Paluku, revient sur ses récentes décisions prises pour lutter contre la criminalité à Goma et sur les menaces que les rebelles de l'Armée révolutionnaire du Congo (ARC), ex-M23 (Mouvement du 23 mars) font planer sur la ville.
Julien Paluku 2007 © provincenordkivu.org
Jeune Afrique : Pourquoi avoir ordonné, le 22 octobre, la fermeture de la
frontière entre la RDC et le Rwanda, entre 18 heures et 6 heures ?
Juilen Kahongya Paluku : C’est une mesure que le gouvernement congolais
a mise en place pour lutter contre la hausse de la criminalité. Les informations
en notre possession ont montré que beaucoup de personnes qui déstabilisent la
ville traversent la frontière la nuit. Nous avons également établi des liens
entre les responsables de meurtres à Goma et des criminels de Rubavu
[anciennement Gisenyi]. Il appartenait donc au gouvernement de prendre des
mesures pour limiter les horaires de passages à la frontière.
La proximité avec le Rwanda est-elle le seul responsable de la hausse de la
criminalité à Goma ? Les FARDC sont-elles exemptes de tout reproche ?
Non, il y a effectivement des pratiques qui relèvent de l’indiscipline au sein
de nos forces armées et de police. Mais la difficulté, c'est que les rebelles du
M23 [rebaptisés ARC] sont d’anciens éléments des FARDC et qu’ils ont encore des
partisans au sein de nos forces. C’est ce qui rend la maitrise de l’insécurité
difficile. Beaucoup de gens disent être du côté du gouvernement alors qu’ils
soutiennent le M23 et servent ses intérêts. Mais nous sommes en train de les
identifier et contrôlons l’infiltration venant des zones tenues par la
rébellion. Il y a déjà des éléments des forces armées qui ont été déférés devant
l’auditeur général pour complicité avec l'ennemi.
Vous avez également interdit l’utilisation des motos-taxis le soir. Certains
habitants de Goma ont exprimé leur mécontentement…
Nous ferons l’évaluation dans deux ou trois mois, et si les réseaux criminels ont été démantelés, on pourra alors rétablir les choses.
Nous comprenons les inquiétudes. Mais il y avait des choix à faire. Il y a deux
semaines, on a enregistré plus de dix morts. Le moindre mal était de limiter la
circulation. Nous ferons l’évaluation dans deux ou trois mois, et si les réseaux
criminels ont été démantelés, on pourra alors rétablir les choses. Nous voulons
également ouvrir un fichier pour régulariser la situation des motos-taxis à
Goma. Nous allons faire en sorte que ne puissent être conducteur que des
personnes enregistrées et pas des gens dont l’identité n’est pas bien connue.
Ne craignez-vous pas que ces décisions nuisent à l’activité économique de la
ville ?
La fermeture de la frontière durant la nuit n’aura pas de conséquence
économique. Elle n’était ouverte 24 heures sur 24 depuis un an. Il s'agissait
d'une phase expérimentale, conséquence du rétablissement des bonnes relations
diplomatiques avec le Rwanda [à la suite à d’une recommandation de la Communauté
économique des pays des Grands lacs (la CEPGL), dans le cadre de la relance des
activités entre le Burundi, le Rwanda et la RDC, NDLR]. Nous revenons seulement
à la situation antérieure.
En revanche, la guerre a des conséquences économiques et provoque un
ralentissement des activités. La zone que contrôle la rébellion est un point de
passage fréquenté de la province du Nord-Kivu. Il y a un ralentissement
économique parce que les hommes du M23 ont installé des barrages et rançonnent
les opérateurs économiques. Nous estimons que le M23 récupère entre 10 et 20 000
euros par jour. C’est argent leur permet de survire et d’entretenir des réseaux
mafieux. C’est pour cela que nous militons pour la mise en place d’une force
neutre.
Le M23 profite également du contrôle qu’il a sur les postes frontaliers avec
l’Ouganda…
Le gouvernement ougandais continue de laisser des véhicules de marchandises circuler vers les zones contrôlées par le M23.
Nous avons fermé le poste frontalier de Bunagana. Mais ce qui est étrange, c’est
que, malgré cette fermeture, le gouvernement ougandais continue de laisser des
véhicules de marchandises circuler vers les zones contrôlées par le M23, qui
perçoit des taxes. C’est ce qui amène l’opinion à douter de la sincérité de
l’Ouganda.
Faut-il s’inquiéter de la situation humanitaire et sanitaire dans la ville de
Goma ?
La guerre a des conséquences humanitaires. On nous a signalé à un certain moment
des cas de choléra que nous avons rapidement maîtrisés. C’est au niveau des
camps de déplacés que nous sommes confrontés à énormément de problèmes de santé
et de prise en charge. Il y a entre 200 et 300 000 déplacés à une dizaine de
kilomètres de la ville. Cette promiscuité amène un certain nombre de maladie. Il
est donc important que les gens rentrent chez eux.
_______
Propos recueillis par Vincent Duhem
Naviguer à travers les articles | |
COLLOQUE INTERNATIONAL - LA VILLE ALGERIENNE, 50 ANS APRES | Football - Jacques Anouma : "Je me battrai pour le football africain" |
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
|