L’urgence de la menace terroriste au Nord-Mali a poussé le Conseil de sécurité de l’ONU à voter la résolution 2071. Johnnie Carson, le sous-secrétaire d'Etat américain pour l'Afrique analyse pour SlateAfrique la situation au Mali.
Johnnie Carson, sous-secrétaire d'Etat américain © U.S. Department of
State/Africa Regional Services
Mise à jour du 29 octobre 2012: La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton est arrivée le 29 octobre à Alger pour discuter avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika du nord du Mali voisin, aux mains d'islamistes radicaux dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a constaté un journaliste de l'AFP.
"L'Algérie étant l'Etat le plus puissant du Sahel, elle est devenue un partenaire crucial pour s'occuper d'Aqmi", a indiqué un responsable du département d'Etat à bord de l'avion de Mme Clinton, qui a atterri peu avant 05H30 GMT à l'aéroport international d'Alger.
SlateAfrique - Comment les Etats-Unis peuvent-ils aider le
Mali?
Johnnie Carson - Les Etats-Unis essayent de trouver des solutions pour
collaborer avec les Etats de la région, les organisations régionales, les pays
amis comme la France, la Belgique et l’Union européenne, afin d'aider dans la
mesure du possible le Mali, afin qu’il puisse faire face à la crise politique et
humanitaire qui le frappe.
Nous allons également encourager le Mali à avancer sur la voie de la réforme
démocratique. Les Etats-Unis avaient pris des mesures coercitives à l’encontre
du Mali. En effet, la loi américaine exige de ne fournir de l'assistance qu’à un
gouvernement légitime et démocratique.
A la suite du coup d'Etat de mars 2012, nous avons réduit toutes les aides au
développement à caractère non humanitaire au Mali. Nous avons conservé un
certain nombre de programmes mis en place comme les programmes de prévention du
VIH/sida, du paludisme mais aussi continué à fournir des médicaments.
Il est nécessaire de préserver ce type d’assistance, afin de ne pas pénaliser les malades. Nous avons adopté la même politique pour les programmes agricoles s’ils sont nécessaires à la population.
L’un des défis que le Mali doit relever est humanitaire. La sécheresse et l’insécurité alimentaire ont été aggravées par les mouvements massifs de population, c'est pourquoi nous avons maintenu nos programmes de sécurité alimentaire.
Nous avons également mis fin à la construction d’une piste d’autoroute à Bamako, et le terminal que nous avions débuté, nous ne l’avons pas achevé. La construction a été interrompue car ce projet n’est pas de nature humanitaire.
Nous avons coupé toutes nos aides militaires, interrompus tous nos programmes «Peace corps» (coopérants) et tous ceux qui n’étaient pas de nature humanitaire.
Plus de 400 millions de dollars ont été investis au Mali et dans plusieurs autres pays depuis les problèmes qui affectent la région depuis ces 12 derniers mois.
Nous avons également sanctionné le capitaine Sonogo (auteur du coup d’Etat de mars 2012) et d'autres dirigeants maliens sont interdits d’obtention de visa des Etats Unis: ils ne sont pas non plus autorisés à d'entreprendre des transactions financières qui impliquent les Etats-Unis.
Il est important de maintenir une
pression, afin que les militaires ne soient pas engagés dans la politique au
Mali. La politique n’est pas du ressort des militaires.
SlateAfrique - Vous proposez de négocier avec les Touaregs, mais ceux qui sont
prêts à négocier ont été marginalisés militairement. Est-ce vraiment efficace de
négocier avec les mouvements qui ont été marginalisés?
Johnnie Carson - Il y a deux approches: le gouvernement doit tendre la
main aux Touaregs et aux autres communautés marginalisées dans le nord et de
leurs dirigeants qui ne sont pas, je le souligne, des salafistes ou des
terroristes.
Il faut inciter ces groupes à négocier avec le gouvernement, mais un gouvernement qui reconnaît qu'il doit améliorer le quotidien de ces populations du nord, plus qu’il ne l’avait fait auparavant.
S’assurer qu'il y ait un engagement à respecter les promesses d'intégration politique et de développement économique. Il est crucial de savoir que le gouvernement s’engage dans la construction des écoles, des cliniques ou des infrastructures gouvernementales, et qu’il s’y tiendra.
La deuxième approche concerne la
communauté malienne, en plus d'aider leur pays et les communautés régionales à
chasser les terroristes, la population doit également s’engager à aider le
gouvernement à respecter toutes les promesses de développement faite à
l’encontre des Touaregs.
SlateAfrique - Est-il possible de trouver une solution à la crise malienne sans
l’aide de l'Algérie? Ce pays n’est il pas la «grande puissance» régionale?
Johnnie Carson - L'Algérie est un pays important au Maghreb, et un acteur
clé car, il partage la deuxième plus grande frontière avec le Mali.
Les populations qui vivent dans le sud de l'Algérie et celles du nord du Mali
ont beaucoup de point commun: le Sahara, les Touaregs, les Arabes contribuent à
l'économie de la région en effectuant des va-et-vient de chaque côté de la
frontière.
On souhaite que l'Algérie puisse jouer un rôle positif et utile pour résoudre la
crise malienne. Il est dans l'intérêt de l'Algérie d'incarner ce rôle, vu la
longueur de la frontière qu'elle a en commun avec le Mali, la population qu'elle
partage avec le Mali mais aussi les relations commerciales qui existent entre
ces deux pays.
L'Algérie a un poids considérable dans la région et c'est très important. Ses
préoccupations doivent être prises très au sérieux. On souhaite qu'il soit un
acteur majeur dans la résolution de cette crise en phase avec la Cédéao
(Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et les autres communautés
régionales et nationales.
SlateAfrique - Barack Obama ne s'est rendu qu'une seule fois en voyage officiel
en Afrique lors son mandat, le continent intéresse-t-il les Etats-Unis?
Johnnie Carson - Le président des Etats-Unis est profondément et
passionnément intéressé par l'Afrique. Notre intérêt pour l'Afrique est de
nature historique, économique, commerciale et politique. Barack Obama a eu un
calendrier serré. Il a donné la priorité à l'économie américaine qui a présenté
de nombreux défis en raison de la crise économique dans laquelle nous sommes
plongés actuellement.
SlateAfrique - Le président américain a effectué son
discours phare à Accra, au Ghana, le 11 juillet 2009. Comment expliquer qu’il ne
se soit pas rendu au Nigeria? Est-ce à dire que le Nigeria n’était pas considéré
comme aussi démocratique que le Ghana?
Johnnie Carson - Il a confié la responsabilité des Affaires étrangères à
Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat. En trois ans et demi, elle s'est rendue à
deux reprises au Nigeria, où elle a rencontré le président Goodluck Jonathan. En
outre, avant la mort de Umaru Musa Yar'Adua en août 2009 (l’ex-président décédé
avant le terme de son mandat), je me suis rendu au Nigeria.
SlateAfrique - Pourquoi le Nigeria est-il un partenaire aussi important?
Johnnie Carson - Il existe au moins une dizaine de raisons qui expliquent en
quoi le Nigeria est un interlocuteur essentiel pour le président américain: le
Nigeria possède la population la plus importante du continent avec ses 160 à 170
millions d'habitants. C'est le plus grand pays d'Afrique. Le Nigeria est le 6e
pays où l'on trouve la plus forte population musulmane du monde, l'Egypte est le
premier pays africain mais devrait bientôt être supplanté par le Nigeria.
Ce pays est le cinquième pays exportateur de pétrole. D'ailleurs le Nigeria est
l'un des plus grands partenaires commerciaux des Etats-Unis en Afrique. S'ajoute
à cela le fait que les Etats-Unis investissent énormément au Nigeria. Enfin,
nous partageons des liens historiques, politiques qui contribuent à perpétuer
nos intérêts communs.
Propos recueillis par Maïmouna Barry, Pierre Cherruau et Afolake Oyinloye
Source:SlateAfrique
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