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Cinq questions sur la guerre africaine de Hollande

04112012

Après la Libye et la Côte d’Ivoire, la France va s’impliquer dans un nouveau conflit au cœur du Sahel. Attention aux dommages collatéraux.

 


François Hollande à l'Elysée, octobre 2012. © PATRICK KOVARIK / AFP

 

Des experts africains, y compris algériens, européens et onusiens se sont réunis le 30 octobre à Bamako pour mettre au point le "concept d'opération" d'une intervention armée dans le nord du Mali occupé par des islamistes armés, une intervention jugée "inévitable" par le ministre malien de la Défense.

Des représentants de la Communauté économiques des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), de l'Union africaine (UA), d'Algérie, de l'Union européenne (UE) et des Nations unies vont plancher jusqu'à dimanche sur ce plan qui sera présenté à l'ONU fin novembre.


— Pourquoi la France est-elle en pointe pour intervenir au Nord-Mali?


La France n’est pas seule. Les Européens et les Américains, tout comme les pays africains voisins, s’inquiètent de la constitution progressive dans le Nord-Mali d’un sanctuaire islamiste.

Les qualificatifs changent: nouvelle Somalie, Afghanistan africain, Sahélistan. Mais la réalité est là: des bandes armées islamistes contrôlent une région grande comme la France, au cœur du Sahel, une région pauvre et instable, située entre Maghreb et Afrique subsaharienne.

Au sein des Occidentaux, la France a pris les devants en raison de sa connaissance de la région, tissée depuis plus d’un siècle. Et de forts liens politiques, économiques, culturels et linguistiques.

De plus, la France est la seule puissance à disposer de forces militaires dans le voisinage: une implantation militaire à Dakar, au Sénégal, une autre à Abidjan, en côte d'Ivoire, et des forces spéciales au Burkina Faso.

Elle dispose également de centaines de militaires postés au Tchad et au Gabon.

C’est en conséquence, le seul pays à pouvoir agir rapidement, d’un point de vue militaire, dans cette région. De plus, Washington ne veut pas ouvrir un nouveau front en pleine élection présidentielle et laisse son allié français à la manœuvre, tout en lui offrant une aide logistique.

— Comment la France va-t-elle intervenir?

Paris le répète sur tous les tons: il n’y aura pas de soldats français déployés au Mali. La France n’interviendra qu’en soutien d’une force ouest-africaine en voie de constitution. Elle pourrait former des soldats ouest-africains, fournir des renseignements, effectuer des surveillances aériennes.

Si le ministère français de la Défense martèle qu’il n’y a pas «aujourd’hui de drones dans la zone sahélienne», il ne s’engage pas pour autant pour l’avenir. Les Américains utilisent avec succès ce genre de mini-avions sans pilote en Afghanistan et au Pakistan. Et aussi au Yémen et en Somalie.

Il existe deux types de drones: les appareils de surveillance et les drones armés, capables de frapper une colonne de djihadistes ou d’éliminer un chef salafiste. Les Etats-Unis possèdent les deux, mais la France n’aurait pas les seconds.

Un demi-siècle après les indépendances africaines, l’engagement occidental, et notamment français, doit de toute façon se faire avec beaucoup de précaution, au risque de déclencher des réactions violentes chez des militants islamistes fanatisés.

— Quand aura lieu l’intervention?

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a créé une certaine confusion en déclarant à la mi-octobre qu’une intervention armée aurait lieu «dans quelques semaines». Du coup, la tension est montée d’un cran et la pression des salafistes sur les otages français s’est encore accrue.

En réalité, une éventuelle intervention ne peut techniquement pas avoir lieu avant début 2013. Mais le compte à rebours est lancé et les choses s’accélèrent. Le 12 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU a enfin commencé à bouger en adoptant une résolution préparant le déploiement de la force ouest-africaine.

Mais aussi et surtout en donnant 45 jours aux pays participants pour préciser leurs plans et engagements. Aux alentours du 26 novembre, le conseil de sécurité de l’ONU aura la réponse des Africains et pourra donc voter, au plus tôt en décembre, une résolution mandatant une force pour reconquérir le Nord-Mali.

Il restera ensuite à régler l’épineux problème du financement de cette force composée de 3.000 hommes, au moment où une très sévère crise économique frappe l’Europe et les Etats-Unis.

Le retrait anticipé des Occidentaux d’Afghanistan, notamment des Français, devrait toutefois dégager des marges de manœuvre, tant d’un point de vue militaire que financier.

— Qui sont les alliés africains de Paris?

Pour l’instant, on ne se bouscule pas pour aller se battre dans les sables du septentrion malien…

Le Nigeria, poids-lourd régional, est partant. Bien que très occupé avec ses propres islamistes dans le Grand Nord (Boko Haram), Abuja espère asseoir son leadership régional et africain et montrer sa détermination à combattre les «fous de Dieu» aux côtés de Washington et Paris.

L’armée nigériane est déjà intervenue hors de ses frontières, notamment au Liberia. Avec des effets souvent désastreux. Elle ne fait pas dans la dentelle et ses détracteurs ne retiennent souvent que sa brutalité et son manque de discernement entre civils et militants islamistes.

Comment va-t-elle se comporter au milieu du Sahara dans un environnement qu’elle ne connaît absolument pas?

L’autre grand allié militaire des Français dans cette opération, c’est le Tchad. Le président Idriss Déby est solidement vissé au pouvoir depuis plus de deux décennies et a maté, en 2008, avec l’aide des Français, une rébellion partie du Soudan voisin qui était arrivée jusqu’au centre de la capitale.

Avec l’argent du pétrole (120.000 barils par jour), il a modernisé son armée, dotée notamment d’avions et d’hélicoptères d’attaque.

Quelle sera la contrepartie de son aide militaire, s’interrogent les spécialistes. La démocratie et la situation des droits de l’Homme en profiteront-ils? Rien n’est moins certain…

Le Burkina Faso et le Sénégal pourraient également envoyer quelques hommes, pour le symbole. La Côte d’Ivoire hésite: son armée est en pleine restructuration et la situation intérieure n’est encore guère stabilisée. Mais son absence totale affaiblirait son leadership régional.

— François Hollande est-il un chef de guerre?

Impliquer militairement son pays dans une opération militaire n’est jamais chose facile. Surtout en début de mandat. Mais on se souvient que François Mitterrand s’impliqua au Liban en 1983 et Jacques Chirac à Sarajevo en 1995. Et Nicolas Sarkozy envoya des renforts en Afghanistan en 2007.

Les adversaires du président Hollande le peignent comme un homme hésitant à prendre des décisions franches, plus apte à favoriser un improbable consensus qu’à se prendre pour un Don Quichotte du Sahara.

Mais ils reconnaissent également que celui qui a été affublé du sobriquet de «flamby» avant son élection pour sa présumée mollesse fait preuve d’une grande détermination dans le dossier sahélien. Hollande connaît peu l’Afrique, mais il apprend vite.

Sa première tournée sur le continent, à Dakar et à Kinshasa, s’est passée sans anicroche. Et il prépare avec minutie pour début décembre une visite décisive en Algérie, un pays crucial dans la région.

Le président français sait qu’il doit avoir le feu vert d’Alger avant le début de la «reconquête» du Nord-Mali. Et il espère bien repartir d’Alger avec le sourire.

Adrien Hart

Source:http://www.slateafrique.com

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