Dans le nord du Mali, occupé par les
islamistes, certains refusent de se soumettre à l'application stricte de la
charia.
Mise à jour du 2 novembre 2012:
L'un des groupes islamistes armés qui occupent le nord du Mali, Ansar Dine
(Défenseurs de l'islam), a décidé le 2 novembre d'aller négocier "la paix" à
Alger et Ouagadougou, au moment où se prépare l'envoi d'une force armée
internationale au Mali, a appris l'AFP de source proche d'Ansar Dine.
"Actuellement nous avons une délégation en route vers Ouagadougou. Une deuxième
délégation est également en route pour Alger", a déclaré un proche de Iyad Ag
Ghaly, leader d'Ansar Dine, contacté par téléphone à Kidal (nord du Mali) depuis
Bamako. "Pour la paix, il faut le dialogue", a-t-il ajouté.
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Sur le terrain, l’application de la charia a laissé des traces: mains et pieds
coupés pour les voleurs, coups de fouet pour des délits mineurs, interdiction de
fumer, de regarder la télé, mariage précoce pour les filles…
L’image des djihadistes en a pris un bon coup: ils sont devenus de plus en plus
impopulaires.
Désobéir pour resister
Du coup, une forme de désobéissance civile s’installe. Le jour de la tabaski
(fêt du mouton, le 26 octobre 2012), des femmes de Douentza ont bravé
l’obligation de porter le voile.
Assise dans la cours de sa maison dans un quartier populaire de Douentza (ville
située à la limite du sud et du nord du pays), une dame, entourée de ses deux
enfants, explique:
«Regardez mes jolies tresses. En ce jour de fêtes, ils (djihadistes) veulent que
je me voile de la tête aux pieds. J’ai refusé et je suis venue m’asseoir dans ma
cour. S’ils ne sont pas d’accord, ils n’ont qu’à venir chez moi.»
Son époux, fier de sa réaction, ajoute:
«Ils ne vont pas venir ici pour nous enseigner l’islam. Ils ne savent pas ce
qu’est l’islam. Nous avons connu l’islam avant eux. Nous sommes chez nous, et
nous resterons chez nous.»
Les jeunes de la localité contestent également ouvertement l’autorité des
djihadistes. Une histoire est délicieusement racontée dans la cité.
«La semaine dernière, explique un jeune habitant de Douentza, vers une mare, un
djihadiste a été surpris avec une femme. Le promeneur lui a demandé s’il était
marié. Le djihadiste surpris par tant d’aplomb a répondu oui. Les preuves de ce
mariage demandées, il a voulu réprimander le jeune curieux. Ce dernier a
rapidement réuni ses amis qui ont débarqué sur les lieux. Le djihadiste a été
déshabillé et fouetté comme si on lui appliquait la charia. Tout ça, devant la
fille qu’il draguait.»
D’autres jeunes n’hésitent plus à fumer publiquement.
«Moi, j’ai vu un islamiste fumer un jour, et moi aussi, j’ai tout de suite sorti
une cigarette pour fumer. Il m’a regardé, et moi aussi, je l’ai regardé. Il n’a
rien dit. Il a continué son chemin, et moi aussi j’ai continué mon chemin»,
explique avec fierté N. Souaré.
«Ils boivent, fument et veulent imposer la charia»
Accueillis en «libérateurs», pour avoir chassé dans un premier temps, les
Touaregs du fantomatique Mouvement national pour la libération de l’Azawad
(MNLA) qui ont, à l’époque, brutalisé les populations locales et qui ont
également voulu établir avec ces dernières des relations de vassal à suzerain,
les combattants du Mujao sont rapidement devenus à leur tour franchement
impopulaires.
AQMI (al-Qaida au Maghreb islamique) également. A Tombouctou, leur bastion, ils
font régner la terreur, mais font également moins peur.
«On en a marre d’eux. Mais ils ne font plus peur comme avant. Ils boivent, ils
fument, ils sont infidèles et ils nous demandent d’appliquer la charia. Ce sont
de faux musulmans», confie un habitant de la ville de Tombouctou contacté par
téléphone.
La stratégie de communication des djihadistes montre également des signes
d’essoufflement. Moins de cinquante personnes ont assisté le 27 octobre 2012 à
la destruction du monument de l’Indépendance de Tombouctou.
«Avant, quand ils voulaient casser un monument ou un mausolée ou fouetter
quelqu’un, tout le monde venait voir. Maintenant, on ne veut même plus voir.
Comme ça, ils vont voir qu’on s’en fout d’eux», explique un homme de culture,
originaire de Tombouctou.
Il souhaite des frappes rapides sur la tête des chef djihadistes, pour que la
débandade s’installe. Il confirme également de nombreux cas de désertion dans
les rangs des combattants.
Ségou, 250 kilomètres au nord de Bamako. La zone est sous contrôle de l’armée
régulière. Trois enfants mineurs sont assis sur un banc, à l’intérieur d’un
commissariat de police. Ils sont présentés comme déserteurs des rangs du Mujao
(Mouvement pour l'unicité du jihad en Afrique de l'Ouest). L’un d’eux est
Malien, l’autre Mauritanien, le troisième Nigérien. En présence d’un traducteur,
la discussion commence:
— Vous avez vraiment déserté?
— Oui, dit un jeune âgé de 15 ans.
— Pourquoi?
— J’ai déserté parce que c’est trop dur. On se réveille tôt, on prie, on marche,
on court, on fait l’entraînement des armes. Moi, je ne veux plus ça, explique le
l’enfant mineur nigérien, désormais pressé de rentrer chez lui.
— Moi, c’est mon frère avec qui j’étais au Mujao qui est parti. Il m’a dit de
partir aussi. Je n’aime pas les armes. Je ne savais pas pourquoi j’étais dedans.
Maintenant, Dieu merci, je ne suis plus dedans.
Il ajoute:
«Je ne veux plus être moudjahidine (combattant). Ce n’est pas bien. Moi je veux
apprendre un métier. Un bon métier, où je vais apprendre à travailler pour
m’occuper de ma famille.»
Serge Daniel
Source: http://www.slateafrique.com
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