26112012
Difficile d’expliquer l'impuissance de la Monusco, 17.000 soldats, la plus
grande opération des Nations unies dans le monde, face à l’avancée des rebelles
du M23.
Mise à jour du 25 novembre 2012: réunis en sommet à Kampala, capitale de
l'Ouganda, hier, les chefs d'Etat des Grands lacs ont donné 48h aux rebelles du
M23 pour quitter la ville de Goma à l'est de la RDC. Selon RFI, les blindés de
la Monusco, les Casques bleus en RDC, ont de nouveau patrouillé dans le
centre-ville de la ville occupée Goma. Mais le M23 semble guère convaincu par le
sommet et exige d'abord un dialogue avec le présiden t congolais Joseph Kabila.
L'ultimatum expire lundi 26 novembre au soir et rien n'indique que les rebelles
s'apprêtent à partir.
*****
Une bande de 800 à 2.000 mutins de l’armée congolaise, les rebelles du M23,
progresse rapidement dans l’Est du Congo. Goma, une ville de 1 million
d’habitants, est tombée le 20 novembre. La ville de Sake a suivi le 21 novembre,
et Bukavu pourrait suivre. En face, une armée congolaise qui part en débandade
et une force de maintien de la paix des Nations unies totalement impuissante…
Alors que les rebelles disent s’être lancés vers Kinshasa et menacent de prendre
Bukavu, plusieurs villes congolaises se soulèvent. Non pas contre Bosco
Ntaganda, le chef du M23, un général tutsi de l’armée régulière congolaise qui
n’a pas d’autre projet politique que d’échapper à un mandat d’arrêt lancé contre
lui en août 2006 par la Cour pénale internationale (CPI).
Les Congolais de Bunia, Bukavu et Kisangani qui jettent des pierres sur les
convois et les locaux de l’ONU, mais aussi ceux du parti au pouvoir à Kinshasa,
sont scandalisés par la faiblesse des Forces armées de République démocratique
du Congo (FARDC), une armée régulière soutenue logistiquement par les Nations
unies, toutes deux accusées de n’avoir pas défendu Goma.
Comment arrêter une rébellion
A Paris et Bruxelles, même consternation. Laurent Fabius, le ministre français
des Affaires étrangères, estime «absurde, pour employer un mot poli», que les
17.000 soldats, 1.400 policiers et 720 observateurs militaires de la Mission des
Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco) n’aient rien pu faire
contre l’avancée des rebelles.
«Comment se fait-il que la plus grande opération des Nations unie dans le monde
n’arrive pas à arrêter une rébellion?», s’est pour sa part interrogé son
homologue belge, Didier Reynders.
Alors, que fait l’ONU? A New York, un rapport sensible qui fait l’objet de
fuites et d’intenses pressions politiques depuis plusieurs semaines, a été
finalement publié mercredi 21 novembre sur la situation dans l’Est du Congo. Ce
rapport d’experts accuse l’Ouganda de Yoweri Museveni et le Rwanda de Paul
Kagamé de soutenir le M23. Les deux pays démentent, mais la pression
diplomatique augmente…
Sur le terrain, la Monusco, déployée en 2002, paraît plus enlisée que jamais
dans le bourbier congolais. Depuis dix ans, elle veille au respect de l’accord
de paix signé en 2002 à Sun City (Afrique du Sud) entre les bélligérants de la
deuxième guerre du Congo. Son mandat donne la priorité à la protection des
populations civiles, au respect de l’embargo sur les armes, et lui demande de
soutenir la très hypothétique réforme de la police et de la justice congolaises.
La Monusco, dont le retrait est ardemment souhaité par le chef de l’Etat
congolais, Joseph Kabila, un chef des armées qui aimerait avoir les coudées
franches, voit son mandat malgré tout prolongé d’année en année.
Ses forces militaires, auxquelles participent essentiellement l’Inde (4.300
hommes), le Pakistan (3.500), le Bangladesh (1.300), l’Uruguay (1.300) l’Afrique
du Sud (1.000), le Népal (1.000), le Maroc (800) et le Bénin (750), absorbent un
budget colossal de 1,4 milliard de dollars (prévu entre juin 2012 et juin 2013).
Un montant difficile à expliquer, au regard des résultats obtenus ces jours-ci
sur le terrain. D’autant plus qu’au Nord-Kivu, où la situation exige une
intervention rapide et massive, pas plus de 1.700 Casques bleus, 10% des
effectifs, sont effectivement déployés. Une dispersion des contingents justifiée
par la multiplication des milices opérant dans l’Est du Congo.
Les Casques bleus mis en accusation
Les Casques bleus ont déjà été accusés, par le passé, de n’avoir rien vu venir
ni su intervenir, alors qu’ils étaient à quelques kilomètres de villages soumis
à des exactions. Au moins 242 viols se sont notamment produits du 30 juillet au
3 août 2010 dans le Nord-Kivu, dans la localité de Livungi, distante de 30 km
d’une base de la Monusco. La force onusienne avait expliqué à l’époque n’avoir
reçu les premières informations sur ces exactions, commises par des rebelles
hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), que dix jours
après les faits…
Aujourd’hui, la Monusco doit se défendre d’accusations de complicité avec les
rebelles du M23. Elle dispose, pour ce faire, d’un puissant relais de
communication en RDC, par le biais de Radio Okapi. Cette radio, la plus écoutée
dans le pays, a été lancée en 2002 par la Monusco et l’ONG Suisse Fondation
Hirondelle. Elle permet aujourd’hui à la Monusco de réagir heure par heure aux
reproches ont elle est la cible: elle réfute ainsi être «la seule responsable de
la chute de Goma».
Explications de son porte-parole civil, Madnodje Mounoubai :
«Cette armée (les FARDC, ndlr) est chargée de défendre ce pays et c’est sa
première mission. Défendre l’intégrité territoriale de ce pays. Ce n’est pas le
travail de la Monusco. Si ce bouclier national ne fonctionne pas, posez la
question à ceux qui doivent répondre. Ne venez pas vers le bouc émissaire nous
flageller parce que ce n’est pas à nous de vous donner la réponse. Les FARDC
sont nos partenaires. Nous sommes ici pour travailler avec eux. Et nous
acceptons notre part de responsabilité. Mais ne dites pas que nous sommes les
seuls responsables».
Le mandat contradictoire de la Monusco
Voilà des années que la Monusco est empêtrée dans un mandat contradictoire de
maintien de la paix et de soutien logistique à une armée congolaise qui passe
parfois pour un conglomérat de milices, sous contrôle aléatoire de son
l’état-major. Le mandat de la Monusco se limite-t-il au strict soutien de
l’armée régulière? Que faire en cas de défaillance de cette dernière?
Réponse de Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des Nations unies aux
Opérations de maintien de la paix:
«Le mandat de la Monusco (…) consiste d’abord à appuyer les FARDC dans la lutte
contre les groupes rebelles, les groupes armés, les forces négatives. Je dis
bien appuyer. Je ne dis pas se substituer. Appuyer c'est ce que nous avons fait
tout au fil des mois. C'est ce que nous avons encore fait la semaine dernière
quant le M23 a lancé son offensive. Seulement depuis et pour une série de
raisons, les FARDC ont disparu de la scène. Alors à partir du moment où nous
sommes seuls en présence du M23, il est évident que le mandat n'est pas de
casser du M23 en direct.»
Une évidence aujourd’hui remise en question. La France et la Belgique plaident
pour la révision du mandat de la Monusco — pour qu’elle intervienne enfin, avant
qu’il ne soit trop tard.
Sabine Cessou
Source:http://www.slateafrique.com
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