La présidente de la Commission de l'Union
africaine (UA), Nkosazana Dlamini-Zuma, s'exprime sur le dossier malien, dont
elle s'est entretenue avec François Hollande lors de sa visite à Paris, à la
mi-novembre.
Le Mali lui laisse peu de répit. À peine
était-elle investie à la tête de la Commission de l'Union africaine (UA), le
15 octobre, que Nkosazana Dlamini-Zuma se rendait deux jours plus tard à Bamako
pour y rencontrer Dioncounda Traoré, le président, et Cheick Modibo Diarra, le
Premier ministre. Preuve, selon l'ancienne ministre sud-africaine de
l'Intérieur, que l'UA n'est pas en retrait sur le dossier malien. Sujet qu'elle
a également évoqué avec François Hollande lors de sa visite à Paris, les 14 et
15 novembre - l'occasion pour elle d'insister sur la nécessité d'essayer de
négocier avec les groupes armés maliens actifs dans le nord du pays.
Jeune Afrique : Deux puissances occidentales, la France et
les États-Unis, appuient ouvertement une intervention au Nord-Mali. Cela vous
gêne-t-il ?
Nkosazana Dlamini-Zuma : L'important est de faire le nécessaire. La situation au
Mali est extrêmement complexe. Il y a eu un coup d'État, l'intégrité
territoriale du pays est menacée, il va falloir organiser des élections de
manière que le gouvernement ait l'autorité et la légitimité nécessaires, il y a
des problèmes humanitaires... C'est un dossier qui demande beaucoup d'attention.
Pourtant, votre pays, l'Afrique du Sud, est
traditionnellement réticent quand des pays tiers se mêlent des affaires
africaines...
Je suis la présidente de la Commission de l'Union africaine. Que je sois née en
Afrique du Sud n'influence en rien mon action à la tête de l'UA.
Êtes-vous favorable à une intervention ?
L'UA a proposé une feuille de route qui dit clairement qu'il faut suivre deux
pistes en même temps : l'option militaire et la négociation. Il faut faire le
maximum pour amener les groupes armés maliens à prendre leurs distances avec les
bandits et avec les combattants d'Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique, NDLR]. Il
faut que ces groupes renoncent à la sécession, qu'ils acceptent que le Mali soit
une République.
Il n'est jamais trop tard quand il s'agit d'éviter la guerre.
N'est-il pas trop tard ?
Il n'est jamais trop tard quand il s'agit d'éviter la guerre.
Et s'il apparaît qu'une intervention est la seule manière
de ramener la paix ?
Si c'est la seule solution, alors...
Ces derniers mois, l'UA a paru en retrait sur le dossier, déléguant sa gestion à
la Cedeao...
L'UA n'est pas en retrait. Nous avons élaboré une feuille de route, qui a été
validée par le Conseil de paix et de sécurité de l'UA et qui a ensuite été
transmise au Conseil de sécurité de l'ONU. Nous avons également nommé un haut
représentant pour le Mali, l'ancien président burundais Pierre Buyoya. La Cedeao
n'est pas seule à gérer la situation : il y a aussi l'UA et toute la communauté
internationale. Le dossier est désormais entre les mains de l'ONU. C'est un
processus qui prendra du temps et pour lequel nous devrons ensuite trouver les
financements nécessaires.
Fin octobre, l'UA a appelé à la tenue d'élections libres
et transparentes au cours du premier trimestre 2013. Est-ce réaliste ?
Il est bien évident qu'il ne peut pas y avoir des élections que dans le Sud : ce
serait entériner une partition dont nous ne voulons pas.
Ce sont les Maliens qui nous ont dit, lorsque nous nous sommes rendus à Bamako,
que des élections pourraient être organisées en avril, mais selon toute
vraisemblance ce pourrait plutôt être vers la fin 2013. Il est bien évident
qu'il ne peut pas y avoir des élections que dans le Sud : ce serait entériner
une partition dont nous ne voulons pas.
La situation au Mali est-elle à vos yeux une conséquence
directe de la chute du régime de Kaddafi ?
Il est clair que cette situation découle, au moins en partie, de ce qui s'est
passé en Libye. Elle est toutefois plus complexe que cela. On ne peut pas, par
exemple, minimiser le problème du trafic de drogue, dont l'épicentre se trouve
sans doute en Guinée-Bissau, mais qui a des ramifications dans toute la
sous-région et qui aide les groupes armés à se financer dans le Nord-Mali.
Vous vous êtes rendue à Bamako mi-octobre. Avez-vous eu
l'impression que le président Traoré et le Premier ministre Diarra parlaient
d'une seule voix ?
Le président et le Premier ministre travaillent en étroite collaboration. Ils
vont dans le bon sens et nous avons eu avec eux des discussions très
constructives. C'est la raison pour laquelle l'UA a décidé de lever ses
sanctions [le Mali, suspendu après le coup d'État, a réintégré l'UA le
24 octobre].
_________
Propos recueillis par Anne Kappès-Grangé
Source: Jeune Afrique
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