Par : Farah Yasmine Nia
Dans cet entretien, l’artiste, dont
l’exposition “Traversée de la mémoire” est visible au MaMa, revient sur ce
dernier travail qui traverse la mémoire récente de l’Algérie, pour la raconter
dans 300 œuvres.
Liberté
: Vous exposez actuellement au MaMa jusqu’au début de l’année prochaine. Votre
exposition s’intitule “Traversée de la mémoire”, pourquoi?
Lazhar Hakkar : Je
l’ai choisi il y a déjà très longtemps, lorsque j’ai commencé à penser à cette
exposition, il y a de cela trois ou quatre ans. Dans mes tableaux, je traite
d’un voyage dans la mémoire. Je parle de Hizia, de Reggane, des inondations de
Bab El-Oued, et autres phénomènes de la mémoire algérienne. Les raconter me
permet d’évoluer techniquement. Et puis cette manifestation a été organisée
autour du 50e anniversaire de l’indépendance, et ce titre me semblait le plus
adéquat.
Qu’en est-il de l’affluence du public?
Il y a beaucoup de monde qui afflue jour après jour. Un jour, nous avons reçu
800 personnes. Beaucoup de jeunes viennent me remercier. Ils disent se retrouver
dans ce que je fais. La peinture est une expression et non une curiosité, au
peintre de la transmettre.
Vous exposez
trois cents œuvres, combien de temps ce travail vous a-t-il pris?
Je me disais que ne pouvais pas raconter mon histoire aussi grande qu’elle
puisse être en quelques tableaux. Or cette histoire mérite beaucoup plus
d’œuvres pour essayer de la résumer. Ce que vous voyez dans cette exposition
n’est même pas le tiers de mon travail. Cela m’a pris beaucoup de temps, une
quinzaine d’années pour être juste. Quant à la sélection des œuvres exposées,
elle s’est faite avec le directeur du musée. Nous nous sommes basés sur ce qu’il
fallait exprimer et ce qui représentait le plus le thème de l’exposition
“Traversée de la mémoire”. Il y avait aussi une scénographie à respecter.
Quel est le
point commun entre ces œuvres choisies ?
Toutes mes œuvres tournent autour de l’Algérie et de son histoire. Il n’y a que
la technique qui change. Je fais d’ailleurs énormément de recherches sur le plan
technique pour essayer de trouver la matière qui convient le plus à mon
histoire. Je ne l’ai pas encore trouvé. Je pense avoir touché quelques petites
choses, mais ce n’est pas encore terminé. Il faut que je trouve une matière qui
dit et raconte la force de l’Algérien ainsi que l’expression honnête et juste de
l’Algérie.
Quelle est l’idée principale de cette exposition ?
L’idée principale est que l’art ne fait pas partie de la mode universelle, mais
qu’il est une expression universelle. Si un peuple ne fait pas avec son histoire
et ce qu’il est, son voyage aura été raté. Je souhaiterais souligner et
expliquer à mes collègues artistes que l’art n’est pas une mode et qu’il ne faut
pas trop suivre la tendance.
Ce n’est pas parce qu’à Paris on a peint en gris qu’il faut le faire
systématiquement à Alger.
Justement,
comment voyez-vous le monde de la peinture en Algérie aujourd’hui ?
La peinture est en
très bon état. Nous avons quelques peintres qui sont excellents, maintenant je
me demande si ces peintres-là se portent bien !
Ce que nous avons comme culture peut nous projeter au-delà de tout ce qu’a fait
le monde jusqu’à présent. Notre culture est très riche, mais n’est
malheureusement pas exploitée.
Comment
définiriez-vous votre style ?
Je ne sais pas. Si
mon pays avait défini son style culturel, j’aurais probablement défini mon style
pictural. Mon travail est à l’image de l’Algérie. Ma manière de concevoir la
peinture va en fonction de l’histoire que je raconte dans le tableau. J’essaye
toujours de trouver la matière qui s’adapte le plus à l’expression de mes
atmosphères. Je ne veux ressembler qu’à moi-même et qu’à mon histoire. Je me
fatigue beaucoup quand je travaille. Je ne fais pas un tableau pour décorer un
salon ou pour qu’il aille bien avec un beau rideau. Je raconte l’histoire de mon
peuple, un peuple qui vit, qui a souffert et fait plein de guerres. Outre la
peinture, je suis paysan, et finalement ma terre, je la laboure sur mes
tableaux.
Un livre
accompagne cette exposition…
Oui. Pour l’occasion, un grand livre a été édité en parallèle. Il a
naturellement été appelé “Traversée de la mémoire”. On y trouve l’ensemble des
œuvres exposées, en plus de beaucoup d’autres qui ne le sont pas, ainsi que des
critiques artistiques, d’Algériens et de Tunisiens, qui ont aussi participé à ce
projet.
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