Recherche sur l'Afrique > Entretien-conférance > Roland Lumumba : "L'Histoire, la vérité doivent être rétablies"

Roland Lumumba : "L'Histoire, la vérité doivent être rétablies"

La justice belge s'est déclarée compétente, mercredi 12 décembre, pour enquêter sur les circonstances de l'assassinat de Patrice Lumumba, en 1961. Un "pas en direction de la vérité", selon Roland Lumumba, l'un des fils du héros de l'indépendance congolaise.

 


Roland Lumumba mène le combat pour que les responsables
 de la mort de son père soient jugés.
 

 


Et si la vérité sur la mort de Patrice Emery Lumumba était enfin connue, cinquante et un an après sa mort ? Mercredi 12 décembre, la justice belge s’est déclarée compétente pour ouvrir une enquête sur les circonstances exactes de l’assassinat du premier chef de gouvernement du Congo-Kinshasa indépendant, en janvier 1961, arrêté après un retentissant discours contre la colonisation belge, le 30 juin 1960, jour même de l’indépendance de son pays.

La famille Lumumba espère que l’enquête aboutira à l’ouverture d’un procès, au moins huit des principaux responsables directs de l’affaire étant encore, selon elle, en vie. Président de la Fondation Patrice Emery Lumumba, l’un des fils du « héros national », Roland, s’est confié à Jeune Afrique.

Jeune Afrique : Une étape majeure vient d’être franchie avec la recevabilité de notre plainte.

Roland Lumumba : C’est l’espoir d’un pas en direction de la vérité. Des milliers de Congolais sont morts après l’assassinat de Patrice Emery Lumumba, tué en même temps que son ministre de l’Intérieur, Maurice Mpolo, et le président du Sénat, Okito. Il nous faut découvrir les commanditaires de ces crimes, leurs motivations et les circonstances dans lesquelles tout cela a eu lieu. Essentiellement parce que nous avons un devoir de mémoire envers les générations présentes et futures. Un pan important de l’histoire du Congo et du continent africain tout entier pourrait être dévoilé grâce à cette enquête. En portant l’affaire en justice, nous avons également démontré que les Africains ne s’intéressent pas qu’au présent. Alors que l’Occident enseigne à ses enfants l’histoire de ses grands hommes, nous devons pouvoir en faire autant.

Si des Africains étaient soupçonnés d’être impliqués dans la mort d’un politique occidental, on trouverait très vite un tribunal pour les juger.

Avez-vous bon espoir ? Des ressortissants belges sont mis en cause.

Les résultats de la mission parlementaire à l’origine de cette enquête annoncée nous ont agréablement surpris. Nous avons donc des raisons d’y croire. En 2001 déjà, quoique du bout des lèvres, la Belgique avait reconnu sa responsabilité morale dans l’affaire. Sauf qu’elle rechignait à respecter son engagement de financer une deuxième fondation pour Patrice Lumumba, destinée à lui redonner sa place dans l’Histoire. Une réparation symbolique, au regard des torts subis. En tous cas, les politiques ont fait leur mea culpa. Nous attendons des instances judiciaires qu’elles disent le droit. Si des Africains étaient soupçonnés d’être impliqués dans la mort d’un politique occidental, on trouverait très vite un tribunal pour les juger.

Vous espérez donc voir les coupables présumés devant la Cour pénale internationale ?

J’espère que l’honnêteté sera au rendez-vous. Les Congolais Jean-Pierre Bemba et Thomas Lubanga, ainsi que l’Ivoirien Laurent Gbagbo ont été traduits devant la CPI. Cette dernière tient là l’occasion de faire taire ceux qui la soupçonnent de partialité envers les Africains.

Vous exigez donc une réhabilitation, une révision de l’histoire. Qu’en est-il de l’aspect financier ?

La vie d’un homme de cette dimension ne se monnaie pas. Si nous l’avions voulu, nous aurions demandé des compensations financières de l’État belge après qu’il a reconnu sa responsabilité morale. Cela n’a pas été le cas. Nous voulons simplement faire éclater la vérité historique. Beaucoup de choses ont été dites sur Patrice Lumumba. En Afrique, il apparaît comme un héros. L’Occidental en a parfois une image négative. L’Histoire, la vérité, doivent être rétablies. Il ne s’agit pas d’une tragédie sentimentale opposant Noirs et Blancs.

________

Propos recueillis par Clarisse Juompan-Yakam


Source:http://www.jeuneafrique.com

  Envoyer cet article

Naviguer à travers les articles
Article précédent Alain Ruscio. Historien : «Une déclaration du président Hollande serait du plus grand intérêt pour la relation franco-algérienne» LAZHAR HAKKAR, ARTISTE PEINTRE, À LIBERTÉ “La peinture est une expression et non une curiosité” Article suivant
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.