23122012
Il lui a suffi d'une pichenette pour
faire tomber le Premier ministre mailien, Cheick Modibo Diarra, et se replacer
au centre du vrai pouvoir. Amadou Haya Sanogo ne cache plus ses ambitions.
Amadou Haya Sanogo
Peu importe s'il fait plus penser à Dadis Camara qu'à Charles de Gaulle ou au
commandant Massoud - personnages auxquels il ne lui déplaît pas de se comparer -
et s'il lui faut pour l'instant se contenter d'être le « président du comité
militaire de suivi des réformes » d'une armée malienne en capilotade : le
capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo, 40 ans, a une fois de plus réussi son
coup.
Au cas où certains, et notamment la communauté internationale, l'auraient
oublié, l'ancien petit prof d'anglais en béret vert vient de démontrer qu'il
n'était pas seulement le roi de Kati, mais aussi le maître du jeu à Bamako. Il
lui a suffi de quelques minutes dans la nuit du 10 au 11 décembre pour
convaincre le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, convoqué manu militari
dans son bureau, de remettre sa démission. Avec quels arguments ? « Il n'y a eu
ni pression ni violence, soutient le capitaine. On ne l'a pas contraint, on lui
a juste facilité la tâche. » À l'écouter commenter son dernier fait d'armes à la
télévision, le lendemain soir, il est permis d'en douter tant la liste des
reproches égrenés par Sanogo à l'intention de Diarra ressemble aux attendus d'un
jugement en cour martiale.
Ce Premier ministre que « nous avons désigné », explique-t-il, ne montrait «
aucun égard pour le peuple » et ne « rendait de comptes à personne », surtout
pas au chef de l'État, Dioncounda Traoré, dont « il ne reconnaissait pas
l'autorité ». Comment continuer de faire confiance à un homme « en train
d'étrangler le pays par des ambitions personnelles démesurées », s'exclame
Sanogo, qui fustige au passage le comportement de « voyageur permanent » et le
goût pour « les hôtels de luxe » à l'étranger, véritables « insultes pour le
peuple malien », de l'ancien ingénieur de la Nasa. Pis encore aux yeux de celui
qui se veut l'âme de la future reconquête du Nord, Diarra n'aurait en huit mois
d'exercice du pouvoir « jamais donné un seul équipement aux forces armées » tout
en s'employant à « payer des officiers » pour se constituer une garde
prétorienne.
Chute prévisible
La charge, on le voit, est violente, et l'on comprend mieux la mine visiblement
effrayée de l'ex-Premier ministre lorsqu'il est apparu sur les écrans le 11
décembre vers 4 heures du matin pour annoncer la fin de sa mission, un pistolet
invisible braqué sur sa tempe. En réalité, le capitaine Sanogo n'a pris aucun
risque tant la chute de celui que Jeune Afrique qualifiait en juillet dernier de
« grand bluff » et d'« erreur de casting » était prévisible. En atterrissant à
la primature, Cheick Modibo Diarra s'était visiblement trompé de planète,
multipliant les bourdes, donnant chaque jour des gages d'incompétence et
creusant avec application son déficit de fiabilité. Au point que ses sponsors
initiaux - Blaise Compaoré, mais aussi Paris et Washington - avaient fini par ne
plus supporter ce professeur Nimbus sans ancrage populaire.
Diarra s'est accroché jusqu'au bout à son poste, allant jusqu'à caresser des
rêves d'homme providentiel.
Le problème, bien sûr, est que l'intéressé, qui n'a pas de sa personne une
petite opinion, aura été le dernier à s'en rendre compte. Lâché par tous y
compris par Sanogo lui-même, avec qui il entretenait pourtant au début
d'excellentes relations, en froid glacial avec le président Traoré, Diarra s'est
accroché jusqu'au bout à son poste, allant jusqu'à caresser des rêves d'homme
providentiel et à ébaucher dans ce but un réseau de militaires anti-Sanogo
acquis à sa cause. C'est manifestement parce qu'il a senti venir le danger
d'être marginalisé que le capitaine s'est décidé à accrocher à son tableau de
chasse la tête du « Martien » Diarra, à côté de celle d'Amadou Toumani Touré. Ce
faisant, il jouait sur du velours. Personne n'est descendu dans les rues de
Bamako pour réclamer le retour du sortant, et la communauté internationale,
passé le rappel des grands principes, n'a pas versé une seule larme, fût-elle de
crocodile, sur le sort qui est désormais le sien : celui de résident surveillé.
Élections générales
Amadou Sanogo, qui a au minimum donné son aval (s'il ne l'a pas choisi lui-même)
au successeur de Diarra, Diango Cissoko, s'est replacé au centre du vrai
pouvoir, quitte à décrédibiliser encore un peu plus les institutions de la
transition et la pâle figure d'un président qu'il n'a d'ailleurs pas pris la
peine d'informer à l'avance de son miniputsch d'opérette. Du coup, l'hypothèse
de l'organisation d'élections générales destinées à installer à Bamako un
exécutif enfin incontestable et respecté est relancée.
Une telle consultation interviendrait avant le déclenchement d'une opération
militaire étrangère, vis-à-vis de laquelle le capitaine et ses hommes se sont
toujours montrés réticents, car elle leur ferait perdre la main sur le processus
de libération du Nord. Il n'est un secret pour personne en effet que l'enfant de
Ségou, qui n'a été chef de l'État que pendant vingt jours, aimerait rempiler.
Bardé de ses fétiches de chasseur dozo et de son inébranlable confiance en
lui-même, il a tenu à le rappeler à ses compatriotes, le 11 décembre au soir à
la télévision : « Si le peuple malien décide que je joue un autre rôle [que
celui de président du comité militaire de suivi des réformes, NDLR], je suis
prêt à l'assurer [sic]. »
Source: Jeuneafrique.com
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