23122012
Hollande condamne, mais…
Plus qu’une reconnaissance, les propos de François Hollande sonnaient comme un
aveu, une condamnation des crimes de guerre commis en Algérie.
Le président français, François Hollande, qui a effectué une visite d’État en
Algérie les 19 et 20 décembre, n’a pas présenté les excuses officielles de la
France sur son passé colonial. Il n’a pas fait, non plus, acte de repentance,
tel qu’exigé par une partie des Algériens, particulièrement ceux ayant participé
à la guerre de Libération nationale ou leurs descendants, ainsi que les
formations politiques d’obédience islamiste. Il a condamné, néanmoins, avec plus
de force et de véhémence que ses prédécesseurs les effets génocidaires et
nihilistes des droits de l’Homme, de l’occupation. “Pendant 132 ans, l’Algérie a
été soumise profondément à un système injuste et brutal. Ce système a un nom :
la colonisation”, a déclaré l’hôte de l’Algérie, en préambule de son discours
devant les deux Chambres du Parlement, réunies au palais des nations. “Je
reconnais les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien”,
a-t-il poursuivi.
Il a affirmé vouloir reconnaître les crimes commis par la France durant les
années de son hégémonie sur le pays, par “devoir de vérité sur la violence, sur
les massacres, sur la torture (…) Rien ne se construit dans la dissimulation,
dans l’oubli. La vérité n’abîme pas, elle répare. Elle ne divise pas, elle
rassemble”. Plus qu’une reconnaissance, les propos de François Hollande
sonnaient comme un aveu, une condamnation des crimes de guerre commis en
Algérie. Hier matin, sur les ondes de la radio Europe 1, il est revenu sur le
sujet en réaffirmant qu’“un système s'était installé dont les personnes
n’étaient pas nécessairement les plus coupables. C’était un système
d'exploitation et souvent d’oppression. Il était important de dire qu’il ne
respectait pas nos valeurs (…) il y avait une condamnation à porter, mais je
n'étais pas le premier à l’avoir fait”. Il faisait ainsi allusion à Nicolas
Sarkozy, qui avait, de la tribune de l’université Mohamed-Mentouri de
Constantine en décembre 2007, déclaré : “Je ne suis pas venu nier le passé, mais
vous dire que le futur est important (…) Le système colonial était injuste par
nature.” Évidemment, François Hollande est allé beaucoup plus loin dans la
condamnation que son prédécesseur.
Il était déjà dans cette logique avant même son accession à l’Élysée, en mai
dernier. Le 17 octobre 2011, fraîchement investi de la candidature du PS à la
présidentielle française, il s'est déplacé à Clichy-la-Garenne pour “témoigner
de sa solidarité avec les familles endeuillées par ces évènements”, de son avis,
“trop longtemps occultés des récits historiques”.
Une année plus tard, il réédite le geste, en rendant public à partir de
l’Élysée, un communiqué dans lequel il rappelait que “le 17 Octobre 1961, des
Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors
d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits.
Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des
victimes”.
Nicolas Sarkozy et davantage François Hollande ont brisé un tabou dans les
relations algéro-françaises, longtemps envenimées par les divergences de vue et
d’appréciation et par beaucoup de susceptibilité sur la colonisation,
particulièrement la guerre d’Algérie. La qualité des deux hommes réside
certainement dans le fait qu’ils soient issus d’une génération qui n’est pas
soumise aux lourdeurs d’un passé, qu’elle n’a pas connu, ni vécu.
Ce qui n’était pas le cas des anciens locataires du palais de l’Élysée. Si aussi
bien Sarkozy que Hollande ont inscrit, dans leur agenda, une visite d’État en
Algérie, quelques mois à peine après leur élection (respectivement décembre 2007
et décembre 2012), Jacques Chirac a attendu l’entame de la deuxième année de son
second mandat pour entreprendre une démarche similaire. En mars 2003, il est le
premier chef d’État français à s’exprimer sur le sol algérien sur la guerre
d’Algérie, depuis l’avènement de la cinquième République. Ni Charles de Gaules,
ni Georges Pompidou, ni Valéry Giscard d’Estaing ou François Mitterrand n’ont
consenti ce pas, car étroitement impliqués dans la guerre d’Algérie. D’ailleurs,
même Jacques Chirac ne s’est pas montré franc et direct sur la question.
En Algérie, où il a été accueilli en grande fanfare, il n’a guère été prolifique
sur le passé colonial. Il s’est limité à déclarer, lors de son discours devant
les parlementaires algériens, que “la guerre d'Algérie est une page douloureuse
de notre histoire commune, que nous ne devons ni ne pouvons occulter”. Il lui a
fallu, par ailleurs, faire face à une grosse polémique en intra-muros et un
refroidissement ressenti dans les relations diplomatiques entre les deux pays
pour qu’il demande au Conseil constitutionnel de trouver un mécanisme juridique
permettant l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui demande
aux programmes scolaires de souligner “le rôle positif de la présence française
outre-mer”. En somme, François Hollande n’a certes pas été jusqu’au bout des
convictions universellement reconnues dans la reconnaissance des dénis de droits
et des crimes de guerre et qu’il n’a surtout pas accompagné ses professions de
foi par des actes concrets. Il a, néanmoins, franchi un pas vers la
désacralisation de cette partie de l’histoire des deux pays.
L’on sait, à présent, qu’on arrivera, inéluctablement, à une époque où les
hommes d’État français n’auront plus de complexes à se repentir sur ce qu’ont
commis leurs aïeux sur le sol algérien et même à présenter des excuses. À ce
moment-là, les Algériens ne se préoccuperont peut-être plus de ces excuses, dont
le temps aura enlevé de la valeur sentimentale.
Source: http://www.liberte-algerie.com
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