24122012
Fallait-il pour François Hollande qu’il vienne jusque chez nous pour nous "dire
la vérité sur la colonisation", pour nous dire ce que nous savons déjà ? Nous
rappeler ce que l’on éprouve dans notre chair et dans notre douloureuse mémoire,
depuis que son peuple a débarqué sur nos terres, semant extermination,
destruction, pillage, jusqu’à la tentative de l’effacement de la mémoire et
l’histoire de nos ancêtres.
Venir nous avouer le crime de son peuple contre notre nation, comme si nous doutions de sa culpabilité ! Prétendre venir s’enorgueillir a faire mieux que ses prédécesseurs, Mitterrand, Chirac et Sarkozy, en venant nous asséner avec condescendance, d’un ton hautain et bienveillant : «Je ne suis pas venu faire des excuses, ni me repentir», pour semer encore plus de troubles dans notre quiétude et raviver les blessures de notre passé douloureux. Absurde ! Contraire à la raison, incohérent et illogique, ridicule et stupide comportement de la part d’un hôte invité pour sceller l’amitié entre nos peuples et solder le contentieux de notre discorde.
N’aurait-il été plus juste et cohérent qu’il s’adresse dans ce cas à son propre
peuple, pour lui avouer leur trahison des principes de la déclaration
universelle des droits de l’homme, qui fondent leur nation, et qui consacre
l’égalité en droit de tous les humains ? Dire la vérité sur cette trahison en
reconnaissant qu’il a privé notre peuple de ce droit pendant la colonisation en
l’acculant au statut inférieur et infra-humain d’indigène, voilà de quoi
s’enorgueillir devant le respect des principes qui fondent la nation qui l’a élu
pour la représenter devant ses hôtes. Si l’excès d’orgueil et de vanité dû à
l’estime d’une haute opinion de la nation française d’elle-même l’empêche
d’avoir le courage d’assumer sa responsabilité historique dans son comportement
odieux vis-à-vis d’autrui, pour demander des excuses, il aurait fallu, avec une
moindre dignité, faire des excuses à son propre peuple, d’avoir trahi les
principes qui fondent leur identité et le contrat qui définit leur vivre
ensemble et leur rapport aux autres.
Qu’en est-il du sentiment de cet anonyme dans la foule qui vous a accueilli à
Alger ce 19 décembre ? Que représentez-vous pour lui, Monsieur Hollande ?
Celui-là qui était là pendant que votre nation commettait le tort contre son
peuple, sous votre occupation coloniale, l’ayant vécu dans sa chair et ayant
assisté aux sévices les plus horribles, ne peut pas faire comme si de rien
n’était et effacer volontairement de sa mémoire les pires moments de son
existence. Seule la réparation du tort qu’il a subi, d’une façon ou d’une autre,
pourra apaiser sa mémoire douloureuse et lui permettre de se projeter dans une
relation d’amitié et de respect mutuel, sincère, pour votre peuple.
Ou bien cet autre anonyme de la foule, vivant sous le règne du despotisme qui a
succédé à votre barbarie, que croyez-vous représenter pour lui Monsieur Hollande
?
Nous ne doutons pas que vous soyez si naïf et croire que la foule venue vous
accueillir ce jour sur les artères d’Alger était sincère. Vos services vous ont
sûrement soumis un rapport sur sa vraie identité. Constituée des gagnants de la
société, d’écoliers, de lycéens accompagnés par leurs enseignants, d’employés
des entreprises et administrations publiques, de forces de sécurité, déplacés à
bord de bus, a été séquestrée pour venir illustrer une image de propagande au
profit de vos hôtes. L’objectif étant de tromper l’opinion nationale, victime de
la dépolitisation de masse orchestrée par le pouvoir despotique dont vous êtes
aujourd’hui l’hôte. Cette propagande ne vise pas moins l’opinion internationale,
pour la tromper à son tour sur les véritables sentiments du peuple algérien
envers les despotes qui ont confisqué son État et le priver de ses droits et de
sa souveraineté, en quête d’une illusoire légitimité.
Nous ne doutons pas de votre sentiment non plus à ne pas vous considérer le
dindon de la farce dans cette odieuse instrumentalisation de votre visite sur
notre terre. Votre rapport gagnant-gagnant avec le système de pouvoir mafieux
qui prend en otage notre destin, ne nous laisse aucun doute sur votre sentiment
à nous considérer comme les véritables dindons de cette cupide farce, puisque
vous allez bien remplir le couffin des courses effectuées au profit de votre
peuple en ces moments critiques de crise et de risque de récession pour votre
économie. Donnant-donnant, telle est votre devise. Telle est votre diplomatie et
la raison d’État qui la soutient et qui fait fi de vos propres principes, de
respect des droits humains et de la souveraineté des individus.
Votre rhétorique est quant à elle cupide et cynique par contre, monsieur le
président. Vous prétendez que "l’Algérie a fait son printemps" pour
vous rassurer de votre soutien à vos hôtes, que vous savez illégitimes,
corrompus et les mains tachées de sang d’innocents. Votre justification d’un
partenariat économique brandi dans le souci de notre développement ! encore là,
l’Algérien n’est pas exclusivement un tube digestif monsieur le président, c’est
aussi un être de désir et de liberté, comme l’est votre propre peuple.
Cet autre anonyme de la foule, vivant sous le règne du despotisme qui a succédé
à votre barbarie, était surtout là, dans une Alger devenue à l’occasion une
attraction folklorique, profiter de cette journée ensoleillée et festive pour
respirer un peu et se détendre. Tout en étant abasourdi par le grotesque et
l’obscène de la symbolique du cortège présidentiel, que représente la jonction
du double tort, partagé, qui lui est fait ; La complicité de l’auteur du tort
colonial avec celui du despotisme. Confus devant l’absurde de la scène, qu’il
voit défiler dans sa conscience comme une amplification du tort permanent qui
conditionne son existence, ne peut que provoquer en lui un sentiment de
répulsion et de rejet de la présence de l’hôte.
Indifférent devant le passage de votre cortège, en compagnie d’un despote qui
est responsable de tous ses malheurs et ses privations, un "haggar" en
somme, rempli de ressentiments, de rejet et de répulsion pour votre association
et votre complicité, le peuple algérien ne peut pas vous désirer contre toute
logique, Monsieur Hollande. Vous resterez indésirable dans le pays où le vôtre a
commis un très grand tort contre son peuple et qui est resté sans réparation, en
continuant à aggraver le poids de ce tort, par le soutien des responsables de
tous les malheurs que continu a subir ce peuple, tant que la cupidité et
l’arrogance continuent à être les seuls fondements de votre raison d’État.
Épargnez-nous de vos souhaits hypocrites, de réconciliation et d’amitié entre
nos peuples, cela est tout simplement déplacé dans les conditions qui sont les
nôtres aujourd’hui. Pensez plutôt à créer les conditions à l’avènement "d’un
nouvel âge" sincère, que vous appelez de vos vœux, qui serait basé sur le
respect des droits humains et la souveraineté des individus, comme pour votre
propre peuple.
Sinon ? Selon quelle logique peut-on souhaiter la bienvenue à un hôte selon vous
Monsieur François Hollande ? La raison d’État est-elle plus importante que la
condition humaine ? Le sacrifice de votre dignité est-il pour vous primordial
sur vos intérêts domestiques ? Qu’en faites vous des principes qui fondent votre
République, que vous voulez exemplaire pour toute l’humanité ?
Youcef Benzatat
Source: http://www.lematindz.net
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