Le chef de la diplomatie malienne, dans ses bureaux,
à Bamako, le 29 décembre 2012. © Baba Ahmed
Après son retour de New York où il a assisté au vote de la résolution 2085 de l’Onu qui autorise un déploiement d’une force africaine au Mali, le ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement malien, Tieman Coulibaly, revient, pour Jeune Afrique, sur les négociations en cours avec les groupes armés qui contrôlent le nord du Mali et sur la préparation de la future intervention militaire. Interview.
Jeune Afrique : L’Onu a donné son feu vert à un
déploiement militaire dans le Nord-Mali, le 21 décembre. Pouvez-vous nous
préciser la date approximative de son lancement ?
Tieman Coulibaly : Je n’avancerai pas une date précise, car une opération
militaire de cette nature comporte un certain nombre d’éléments confidentiels.
Mais, ce qui est sûr, c’est que cette opération aura bien lieu. Le Mali
atteindra ses objectifs qui sont la libération du Nord et la préservation du
caractère républicain et laïc de notre État.
Jusque-là, l’Algérie voisine était hostile à une
intervention militaire au Nord-Mali. Comment expliquer qu’elle n’était pas
opposée pendant le vote de la résolution de l’ONU qui autorise l’envoie des
troupes au Mali ?
L’ambassadeur de l’Algérie à l’Onu était la première personne à venir me
féliciter juste après l’adoption de la résolution. Il a réitéré le soutien de
l’Algérie au Mali. Nous n’avons pas connaissance d’un refus officiel de
l’Algérie de participer à une intervention militaire au Nord-Mali. Pour nous,
l’Algérie fait partie du dispositif de défense de notre pays contre les
terroristes.
Le Premier ministre a déclaré vouloir une intervention le
plus rapidement possible, mais un semestre sera-t-il suffisant pour réunir les
fonds et pour former les soldats ?
Nos militaires sont déjà formés à l’art militaire. Il y a certes du recyclage à
faire et une remise en état du matériel à assurer. Mais cela ne prend pas
longtemps. Nous avons des populations qui vivent sous occupation et des refugiés
qui attendent de retourner chez eux. Cette situation ne peut plus durer
longtemps.
Vous avez annoncé la création d’un fonds spécial pour
aider le Mali. Qui est susceptible de le financer ? Quand sera-t-il
opérationnel ?
L’Onu dispose déjà des moyens au niveau de son département « Paix et Sécurité ».
Il y a également le fonds de l’Union européenne pour la mission de formation des
militaires maliens, dont le chef, le général français François Lecointre, vient
d’être nommé. Et, courant janvier, nous allons organiser une conférence des
donateurs. Immédiatement après cette conférence, ce fonds sera prêt à être
utilisé.
La communauté internationale réclame la tenue de
l’élection présidentielle avant le mois d’avril prochain. Est-ce qu’un scrutin
peut vraiment se tenir au Mali avant que l’administration ait pu se redéployer
au Nord ?
Il n’est pas acceptable de tenir des élections sans nos compatriotes résidants
dans les trois régions du Nord. Nous préparons les élections de manière à ce
que, dès que le Nord sera libéré des terroristes, nous puissions déclencher le
processus électoral.
Il n’est pas acceptable de tenir des élections sans nos compatriotes résidants dans les trois régions du Nord.
Si le Mali et la communauté internationale avaient des
divergences sur les modalités d’intervention, est-ce l’armée malienne lancera
une offensive toute seule ?
L’armée malienne est libre d’agir sur son territoire. La résolution (2085 du
Conseil de sécurité de l’Onu, ndlr) n’est pas un frein pour elle. Au fur et à
mesure de sa montée en puissance en termes de capacités opérationnelles, nous
aviserons. Mais dans tous les cas, nous souhaitons que tout ce qui se passe au
Mali s’inscrive dans le cadre de la légalité internationale.
Le capitaine Amadou Sanogo continue de s’impliquer dans la
politique du pays. Cela ne complique-t-il pas les relations entre le Mali et ses
partenaires ?
Pas du tout ! Ceux qui dénoncent les incursions ou les immixtions de l’armée
dans les affaires politiques sont les premiers à solliciter la hiérarchie
militaire sur des sujets politiques. Il faudrait que certains ambassadeurs (des
pays occidentaux, ndlr) arrêtent de solliciter le capitaine Sanogo pour parler
de politique. Ces sont les mêmes qui passent leur temps à l’appeler au
téléphone et qui vont ensuite se plaindre que le capitaine Sanogo se mêle de ce
qui ne le regarde pas.
Ansar Eddine et MNLA, les groupes avec lesquels vous
envisagez le dialogue, veulent sécuriser les villes avec leurs combattants.
Est-ce que le Mali est prêt à accepter cette position ?
Il n’en est évidemment pas question ! Seule l’armée malienne a le mandat de
sécuriser les villes et les populations maliennes. Elle seule a le monopole de
la force légitime.
Le groupe Ansar Eddine exige l’application de la charia
(loi islamique) dans le Nord, notamment dans son fief à Kidal. Les autorités
pourraient-elles accepter, dans la négociation, l’application de la charia dans
certains endroits du Mali ?
Kidal est une région du Mali et elle fonctionnera selon les lois et les
principes de la Constitution du Mali. Ansar Eddine ne représente pas la
population de Kidal. Il ne peut pas décréter la charia ou une autre loi qui
n’est pas conforme aux lois maliennes. Tant que Kidal restera au Mali, il en
sera ainsi.
Propos recueillis par Baba Ahmed, à Bamako (@Babahmed1)
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