A peine deux semaines après l’invasion du Mali par plus de 2.000 soldats de la Légion étrangère, la France a envoyé des forces spéciales au Niger voisin pour sécuriser les mines d’uranium gérées par Areva, le groupe nucléaire détenu par l’Etat français.
La nouvelle intervention militaire française en Afrique du Nord-Ouest a été
rapportée pour la première fois par le magazine Le Point et confirmée par des
sources militaires contactées par d’autres sections des médias français.Le Point
a rapporté que le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, avait
rapidement donné son accord en début de semaine à une « innovation majeure » en
ordonnant au commandement des forces spéciales d’envoyer des troupes pour
protéger les sites d’exploitation d’uranium d’Areva à Imouraren, et à Arlit, 80
kilomètres plus loin. Le magazine a souligné qu’il s’agit du tout premier
recours à des commandos français pour défendre directement les intérêts de
l’entreprise.
Le magazine a rapporté que les responsables du gouvernement français avaient
pris cette décision après la tentative de sauvetage ratée de l’otage français,
Denis Allex en Somalie et le récent dénouement sanglant de la prise d’otages et
du siège à l’installation gazière d’In Amenas en Algérie, où plus de 80
personnes ont été tuées.
Ces deux événements, en plus du « lancement de l’opération ‘Serval’ au Mali ont
considérablement accru les facteurs de risque sur les installations françaises,
y compris industrielles et minières, dans la région, » a rapportéLe Point.
En réalité, le déploiement de commandos français aux mines d’uranium au Niger ne
fait que souligner les motifs économiques et géostratégiques primordiaux qui se
cachent derrière l’intervention militaire française au Mali. Sous le couvert
d’une supposée guerre contre les « terroristes » islamistes et une défense du
gouvernement central du Mali, l’impérialisme français utilise sa puissance
militaire pour resserrer son emprise sur ses anciennes colonies africaines
riches en ressources.
Les porte-parole officiels tant d’Areva que du ministère français de la Défense
ont refusé de commenter le nouveau déploiement militaire en alléguant des
raisons de sécurité.
Au Niger même, les autorités ont nié toute connaissance de l’envoi de commandos
des forces spéciales. « Il est vrai que les menaces terroristes se sont accrues
aujourd’hui mais, à ma connaissance, un tel accord n’existe pas pour le moment,
» a dit un responsable à l’agence Reuters.
Un officier de l’armée nigérienne a dit à l’agence qu’il existait déjà un
dispositif de sécurité sur place et qui avait été conclu avec la France et
imposé après l’enlèvement en septembre 2010 de sept employés d’Areva et d’un de
ses contractants dans la ville d’Arlit au Nord du Niger.
« Nous disposons aussi d’unités contre-terrroristes dans la région d’Agadez, » a
dit l’officier. « Pour le moment, je ne suis pas au courant d’une décision du
gouvernement nigérien permettant aux forces spéciales françaises de se baser au
Nord. »
Que le gouvernement nigérien n’ait pas été informé des projets de la France ne
serait pas hors de question. Depuis l’indépendance du Niger en 1960, la France
qui avait gouverné le pays en tant que colonie pendant 60 ans, le traite comme
une semi-colonie.
L’uranium extrait des mines du Niger a été considéré par les gouvernements
français successifs comme ayant une importance stratégique. Le concentré
d’uranium (« yellowcake ») produit à partir du minerai d’uranium du Niger sert à
la fabrication des bombes nucléaires françaises et à l’alimentation de ses
réacteurs nucléaires qui comptent pour plus de 75 pour cent de l’électricité du
pays.
Alors que des profits gigantesques ont été tirés de l’uranium du Niger, les
activités minières n’ont profité qu’à une mince couche de la bourgeoisie
asservie du pays. Selon l’indice de développement humain (IDH) des Nations
unies, le Niger est le troisième pays le plus pauvre de la planète avec 70 pour
cent de la population continuant à vivre avec moins d’un dollar par jour et une
espérance de vie de 45 ans seulement.
De plus, les activités minières ont exacerbé les tensions ethniques et
régionales au sein du Niger. La production d’uranium est concentrée dans la
partie Nord du pays, territoire de la minorité nomade des Touaregs qui se sont à
plusieurs reprises révoltés en s’élevant contre le fait que toutes les
ressources résultant des opérations minières vont à la capitale Niamey, dans le
Sud du pays. L’une des principales revendications du Mouvement des Nigériens
pour la Justice (MNJ), une milice en grande partie formée par des Touaregs armés
qui a combattu l’armée nigérienne, a été en faveur d’un partage plus équitable
des revenus issus de l’uranium.
Du reste, l’exploitation de l’uranium par Areva a créé une catastrophe
environnementale et sanitaire dans les régions minières. L’organisation
environnementale Greenpeace a constaté dans un rapport publié en 2010 que l’eau
des puits de la région était contaminée par la radioactivité à un niveau jusqu’à
500 fois supérieur à la normale. A Arlit, le site de l’une des principales mines
d’Areva, les causes de décès par maladies respiratoires sont deux fois
supérieures à la moyenne nationale.
La France a toutes les raisons de craindre que son intervention au Mali qui a
déjà entraîné le bombardement des populations civiles et la torture et
l’exécution de civils par l’armée malienne soutenue par la France dans les
régions à prédominance touareg, pourrait provoquer un conflit armé qui
déborderait sur le Niger.
Cependant, en plus de protéger installations lucratives contre le « terrorisme »
ou la révolte populaire, la France a d’autres raisons de faire jouer ses muscles
militaires au Niger. Dans un effort pour augmenter sa part des profits issus de
l’uranium, le gouvernement nigérien a accordé dernièrement des permis
d’exploitation de l’uranium à des entreprises chinoises et indiennes. En
déployant des commandos armés, Paris est en train d’affirmer sa domination sur
son ancienne colonie en tant que partie intégrante de sa sphère d’influence
africaine.
Alors que la France intensifiait son intervention en Afrique, la secrétaire
d’Etat Hillary Clinton a profité mercredi 23 janvier lors de son audition devant
la commission des Affaires étrangères du Sénat pour réaffirmer la détermination
de Washington d’intensifier son intervention dans la région.
« Nous sommes engagés dans un combat, mais c’est un combat nécessaire, » a dit
Clinton. « Nous ne pouvons pas laisser le Nord Mali devenir un refuge sûr. »
Clinton a reconnu que la rébellion au Mali ainsi que la prise d’otages au site
gazier algérien avait été en grande partie alimentés par le renversement par les
Etats-Unis et l’OTAN du régime de Kadhafi en Libye où Washington et ses alliés
avaient armé et appuyé des milices islamistes en tant que force terrestre par
procuration dans la guerre en faveur d’un changement de régime.
« Il ne fait aucun doute que les terroristes algériens avaient des armes venant
de Libye, » a-t-elle dit. « Il ne fait aucun doute que les derniers éléments
maliens d’AQMI [Al Qaïda au Maghreb islamique] ont des armes venant de Libye. »
Elle a estimé que bien qu’il n’y ait aucune preuve que ces forces se trouvant en
Afrique du Nord représentent une menace directe pour les Etats-Unis, Washington
devrait de toute manière lancer une campagne préventive contre elles. « Vous ne
pouvez pas dire que parce qu’elles n’ont rien fait, elles ne vont pas faire
quelque chose, » a-t-elle dit.
Bill Van Auken
Source: http://www.mondialisation.ca
Naviguer à travers les articles | |
L’ancienne ambassadrice américaine à Bamako jette un pavé dans la mare | Un Égyptien candidat à la reprise de Petroplus |
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
|